Paris, un musée à ciel ouvert pour l’art contemporain

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Si la date d’ouverture des musées et galeries est prévue pour le 19mai, nous pouvons néanmoins continuer à admirer des œuvres d’art. Il suffit juste d’ouvrir les yeux car sans le savoir, nous côtoyons, peut-être quotidiennement, des œuvres intégrées dans le paysage urbain. C’est donc le moment idéal pour redécouvrir la ville au prisme de l’art contemporain. Nous vous proposons un petit tour d’horizon de Paris, un véritable musée à ciel ouvert.

Des œuvres de part et d’autre de Paris

Le Kiosque des Noctambules de Jean-Michel Othoniel

Commençons notre promenade par un lieu incontournable de Paris : le Louvre. Pas le musée, mais l’arrêt de métro Palais-Royal – Musée du Louvre. Lorsque nous sortons de la bouche du métro, nous traversons l’œuvre d’un artiste contemporain emblématique. Intitulée Le Kiosque des Noctambules, cette bouche de métro est l’œuvre du sculpteur Jean-Michel Othoniel. Cette œuvre qui a fait connaître l’artiste, illustre parfaitement son style à travers l’utilisation de perles colorées en verre. Située sur la place Colette dominée par une architecture classique, l’œuvre contraste avec le paysage urbain en offrant aux piétons une parenthèse colorée et poétique. Inaugurée en 2000, l’œuvre singulière qui joue avec la lumière est une invitation à regarder le monde différemment, un monde réenchanté. Selon l’artiste, « réenchanter la vie est un acte poétique et politique ».

Une commande publique d'art contemporain
Jean-Michel Othoniel, «  Le Kiosque des Noctambules », sculpture, Place Colette – métro Palais Royal – Musée du Louvre (lignes 1 et 7), 2000. (Source : site de l’artiste)

L’installation in situ Les Deux Plateaux

Près du Louvre, nous retrouvons les célèbres Colonnes de Buren qu’Instagram a propulsé au rang de spot incontournable de la capitale. Mais connaissez-vous vraiment l’histoire de cette œuvre ? Baptisée Les Colonnes de Buren, elle s’appelle, en réalité, Les Deux Plateaux. Réalisée en 1986 par Daniel Buren et Patrick Bouchain, elle se situe dans la cour d’honneur du Palais-Royal, proche du ministère de la Culture et de la Comédie Française. Suscitant de nombreuses polémiques dès son inauguration, cette commande publique a néanmoins permis de transformer un parking mal agencé et sale en l’un des plus beaux sites de Paris.

De plus, Les Colonnes s’inscrivent comme étant l’une des premières installations in situ. En effet, Daniel Buren voulait concevoir une œuvre urbaine invitant le public a l’investir librement. De dimensions variables, ces colonnes alignées en marbre de Carrare et en marbre blanc et noir des Pyrénées font références aux statures antiques. Donnant l’impression qu’elles plongent dans le sol, elles mettent également en lumière le passé de ce lieu qui, en 1899, était alors une usine électrique semi-enterrée.

Commande publique d'art contemporain
Daniel Buren et Patrick Bouchain, « Les Deux Plateaux », installation in situ, 2 Rue de Montpensier, Paris (1er arrondissement), 1986.

The Welcoming Hands de Louise Bourgeois

Dans les jardins des Tuileries depuis 2000, se trouve un ensemble de cinq sculptures de bronze de l’artiste française Louise Bourgeois. Connue pour ses installations monumentales et notamment ses fameuses araignées qu’elle nomme Maman, elle explore des thèmes comme la famille, le corps, et les souvenirs de l’enfance au prisme de l’inconscient. Ses sculptures intitulées The Welcoming Hands représentent des mains entrelacées jointes sur un socle de granit. Douces et mystérieuses, ces mains telles des empreintes des gestes du quotidien métaphorisent à la fois la générosité, la tendresse, l’amour, mais aussi la peine, le déchirement et l’abandon.

Louise Bourgeois, « The Welcoming Hands », ensemble de cinq sculptures de bronze, Jardin des Tuileries, Paris (1er arrondissement), 1996.
Louise Bourgeois, « The Welcoming Hands », ensemble de cinq sculptures de bronze, Jardin des Tuileries, Paris (1er arrondissement), 1996.

Bouquet of Tulips de Jeff Koons comme hommage

Dans les jardins des Champs-Élysées, entre le Petit Palais et la place de la Concorde, est installée Bouquet of Tulips de Jeff Koons, depuis 2019. La sculpture monumentale en bronze de plus de douze mètres de haut fait écho aux attentats de 2015. Symbolisant le souvenir et la résilience, elle représente une main tendue portant un bouquet de fleurs aux couleurs vives, en direction du ciel. L’œuvre évoque également la main de la Statut de la Liberté et le tableau de Pablo Picasso intitulé La Femme au vase. Les fleurs évoquent l’optimisme,  la renaissance, la vitalité de la nature et le cycle de la vie. Pour représenter la perte liée à l’attentat, le bouquet se compose seulement de onze fleurs.

Commande publique d'art contemporain
Jeff Koons, « Bouquet of Tulips », sculpture, 1 Avenue Dutuit, Paris (8e arrondissement), 2019.

La Fontaine Stravinsky dans le 1% artistique

Le dispositif du 1% artistique consiste à consacrer 1% du budget des travaux d’un bâtiment public à la commande ou à l’acquisition d’une œuvre d’un artiste vivant afin de l’intégrer dans l’architecture du bâtiment à l’intérieur ou à l’extérieur. Ainsi, La Fontaine Stravinsky (également appelée La Fontaine des Automates), proche du Centre Pompidou, s’inscrit dans ce dispositif en lien avec le Centre Pompidou. Située sur la place Igor Stravinsky, cette commande publique est réalisée par deux artistes : Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, en 1983.

Elle évoque alors l’œuvre musicale d’Igor Stravinski, un compositeur russe du XXe siècle, symbole de l’éclectisme et de l’internationalisme artistique. Composées soit de résine ou de métal, les seize sculptures mécanisées tournent sur elles-mêmes et s’animent par des jets d’eau aléatoires. Les couleurs vives des sculptures aux formes reconnaissables, de Niki de Saint Phalle contrastent avec les machines peintes en noir de Jean Tinguely. À la fois un mobilier urbain et une œuvre en mouvement, La Fontaine Stravinski est devenue un monument à part entière dans le paysage parisien.

Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, « Fontaine Stravinsky », sculptures, place Igor Stravinsky, Paris (4e arrondissement), 1983.
Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, « Fontaine Stravinsky », sculptures, place Igor Stravinsky, Paris (4e arrondissement), 1983.

Des œuvres le long du Tramway T3

Le long de la ligne 3 du tramway, s’articule une vingtaine d’œuvres pérennes, toujours dans cette volonté de rendre visible aux yeux de tous, des créations contemporaines. L’œuvre Les Rochers dans le ciel de Didier Marcel est alors érigée en 2012 dans le prolongement de la ligne de tramway T3a. Se situant depuis 2017 à l’entrée du parc Kellermann, elle se compose de cinq épreuves en résine polyester perchées au sommet de mâts fins de sept mètres. Dans une vision poétique, les rochers semblent ainsi flotter dans le ciel, perturbant notre perception de la gravité. L’artiste dit alors : « L’art constitue un écart avec le réel, une forme d’artefact, qui a pour vocation de faire surgir la puissance évocatrice des choses que l’on observe. »

Commande publique d'œuvres d'art contemporain
Didier Marcel, « Les rochers dans le ciel », installation, Parc Kallermann, Paris (13e arrondissement), 2012.

De l’autre côté de la Seine, rive gauche, nous pouvons observer sur la pelouse centrale de l’esplanade Vidal-Naquet, Monochrome for Paris, une sculpture réalisée par Nancy Rubins. Érigée en 2013, cette sculpture monumentale et aérienne joue avec la géométrie des formes, une caractéristique chez l’artiste. Elle se compose d’une structure en inox et de canoës et de barques en aluminium, semblable à un arbre métallique.

Œuvre d'art issue d'une commande publique
Nancy Rubins, « Monochrome for Paris », sculpture, 1 Esplanade Pierre Vidal-Naquet, Paris (13e arrondissement), 2013.

La Défense, un Musée unique au monde

La Défense, premier quartier d’affaires européen, est un véritable musée à ciel ouvert. Ce quartier est ainsi le résultat d’une politique d’acquisition d’œuvres, commencée dès sa construction, en 1972. Offrant un véritable parcours singulier et surprenant, La Défense met en lumière plus de soixante-seize œuvres d’artistes du XXe et XXIe siècles. Dès lors, des œuvres comme L’Araignée rouge d’Alexander Calder, Le Somnambule de Henri de Miller ou encore Les Coquelicots de Catherine Feff, nous invitent à déambuler entre sculptures monumentales, fontaines et fresques.

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Alexander Calder, « L’araignée rouge », sculpture monumentale, 1976.
Henri de Miller (1953-1999), Le Somnambule, acier inoxydable chromé, bronze, 1983
Henri de Miller (1953-1999), Le Somnambule, acier inoxydable chromé, bronze, 1983. (Source : site Paris La Défense)
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Catherine Feff (né en 1954), Les coquelicots, béton et peinture, 2006. (Source : site Paris La Défense)

À chaque coin de rue, du street-art

Ce n’est un secret pour personne : les rues de Paris regorgent d’œuvres issues du street-art. Si, depuis quelques années, le treizième arrondissement est indéniablement le terrain de prédilection des street-artistes, nous allons aujourd’hui vous amener au cœur du onzième arrondissement, pour vous faire découvrir le Mur Oberkampf. Situé à l’angle de la rue St Maur et de la rue Oberkampf, Le Mur est une œuvre à l’initiative de l’association M.U.R. (Modulable. Urbain. Réactif.), créée en 2003. S’inspirant de l’affichage publicitaire, l’association invite deux fois par mois, des artistes urbains à investir le mur, offrant aux passants une véritable œuvre d’art. Ainsi, ce n’est pas moins de vingt-quatre œuvres qui se succèdent chaque année depuis la date de création de M.U.R.

Œuvre d'art de street art
SOFTTWIX, « Sans titre (mur # 310), Paris, 12 septembre 2020. (Source : Site de l’association)
Œuvre d'art de street art
PARVATI, « Sans titre (mur # 308), Paris, 15 août 2020. (Source : site de l’association)

Des expositions dans la rue

Alors que les expositions des musées sont contraintes d’être repoussées indéfiniment, des expositions sortent de leur cadre habituel pour venir s’inscrire dans l’espace public. Nous vous donnons ainsi quelques idées d’expositions à faire lors de votre promenade.

Le street-artiste Hopare expose

Place du Louvre, le street-artiste français Hopare, connu pour ses fresques monumentales, expose cinq sculptures en bronze jusqu’au 30 mai 2021. Ne se limitant pas à l’art urbain, il explore alors une multitude de formes d’expressions. À travers ses sculptures, il cherche ainsi à donner vie à ses souvenirs, ses rencontres et ses pensées. De plus, pour le street-artiste, l’emplacement de la place du Louvre revêt une portée symbolique. En ce sens, les cinq visages tournés vers les colonnades – symbole du classicisme français – représentent alors un réel aboutissement pour l’artiste.

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L’une des sculptures du street-artiste Hopare, place du Louvre, 2021.

Philippe Geluck et son Chat sur les Champs-Élysées

Sur les Champs-Élysées, jusqu’au 9 juin 2021, nous pouvons apercevoir la figure emblématique du chat de l’artiste Philippe Geluck.  L’artiste représente son Chat à travers des mises en scène : le Chat écrasant une voiture, en Atlas soutenant une sphère de déchets, jouant à la flûte, etc. Ces vingt sculptures de 2,7 mètres marquent une volonté de la part de l’artiste d’apporter le temps d’un instant une parenthèse enchantée aux promeneurs. Il dit alors : « À travers ces vingt pièces, j’espère apporter au public de la joie, du rire et une certaine poésie surréaliste que nous affectionnons en Belgique ».

Vue de l'exposition « Le Chat déambule » de Philippe Geluck, Champs-Elysées, Paris, 2021.
Philippe Geluck, « L’autre Discobole », l’une des sculptures de l’exposition « Le Chat déambule », Champs-Elysées, à Paris, 2021. (Source : Le Monde / Photo prise par Thomas Van Den Drissche STUDIO FIFTYFIFTY)

« Visages du Rhône, le Fleuve roi », une réflexion de la photographe Camille Moirenc

Le long du Jardin du Luxembourg, vous pouvez apercevoir jusqu’au 14 juillet 2021, une exposition présentant les photographies de Camille Moirenc. Intitulée « Visages du Rhône, le Fleuve roi », l’exposition montre ainsi le fleuve à travers son histoire, ses paysages, ses territoires, son imaginaire, son importance pour l’activité humaine et surtout pour l’écosystème. Une réflexion qui prend alors un réel sens au cœur de tous ces changements climatiques.

« Sorties d’écoles », une exposition pour soutenir les artistes émergents

Pour la cinquième fois, sur le parc La Villette, se déroule une exposition intitulée « Sorties d’écoles » jusqu’au 16 mai 2021. Cette exposition a ainsi pour projet de soutenir la création contemporaine et toute une génération d’artistes récemment diplômé.e.s. aux pratiques variées : de la pratique des arts-plastiques, à la performance, aux arts numériques, à l’architecture, à la photographie, en passant par le cinéma, le stylisme et le design… De plus, cette année, avec le contexte sanitaire, l’exposition est visible à l’extérieur, mais aussi en ligne.

De part et d’autre de Paris, des œuvres sont érigées. Souvent des commandes publiques, elles illustrent ainsi la volonté de la ville de soutenir la création artistique et de rendre l’art contemporain accessible à tous. Mais, au-delà de cet art public, nous retrouvons également le street-art, une pratique artistique qui naît alors directement dans l’espace urbain. De plus, depuis ces dernières années, nous constatons une volonté grandissante dans le domaine de l’art d’exposer directement dans la ville, une volonté qui prend donc tout son sens dans le contexte actuel.