Les paradoxes de l’image par le collectif l’Avantage du doute

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« Le bruit court que nous ne sommes plus en direct », c’est le titre que le collectif l’Avantage du doute a choisi pour sa dernière création. Après « Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon » (2009) et « La légende de Bornéo » (2012), ils sont venus au Théâtre des Célestins, à Lyon pour parler d’un sujet qui nous concerne tous.

L’Avantage du doute, composé de Simon Bakhouche, Mélanie Bestel, Claire Dumas, Nadir Legrand et Judith Davis, aime jouer sur les mots. En effet, ces derniers constituent le support de notre communication. En cela, ils parlent de notre rapport à l’image.

Dans un monde où nous sommes envahis par les images, le collectif a choisi de se saisir de cette thématique. Et comme tout travail artistique, cela leur a demandé d’en faire ressortir l’ambivalence.

Pourquoi s’intéresser à la question de l’image aujourd’hui ?

Quel que soit notre âge, nous ne pouvons plus y échapper. Autrefois, l’image se résumait à des photos de famille, des affiches…etc. A présent, tout est capturé. Tout est saisi en vue d’être diffusé, que ce soit le journal de 20 heures sur une chaîne télévisée à grand public qu’une soirée arrosée sur Snapchat.

Nous ne choisissons plus ce qui se présente à nous – nous pensons tous au flux sur les réseaux sociaux et aux images que nous n’avions pas forcément envie de voir. Certes, Facebook (par exemple) est un média très populaire chez les jeunes. Mais quel enfant de 11 ans a envie de voir défiler sur son mur quelqu’un en train de se faire humilier ? Qui a envie de voir défiler une vidéo à caractère pornographique contre son gré ? Il serait temps d’y réfléchir sérieusement. Pour la santé de tous ces jeunes qui deviennent insensibles à cause d’images traumatisantes comme celles-ci.

« L’instantané ne favorise pas la réflexion mais l’instinct », nous dit le collectif. Comment penser dans un contexte d’envahissement constant ? La réflexion repose sur un minimum de recul, de prise de conscience. Quand « on a le nez collé sur sa chatte, comment tu veux qu’on prenne de la distance ? » demande Mélanie Bestel.

L’enjeu n’est pas simple. Car l’image est aussi vectrice de lien. Elle « est la médiation grâce à laquelle nous nous réunissons, nous discutons, nous mettons en commun ». Elle est synonyme d’une communauté. De partage d’émotions, et c’est d’ailleurs de là qu’est né l’art du cinéma.

Ce que le collectif nous propose ici, c’est de retravailler notre rapport à l’image. Prendre conscience de ce que l’on nous présente, de comment cela fait travail à l’intérieur de nous. Peut-être est-ce la clef pour apprendre à nous protéger sans nous couper du monde qui nous entoure ?

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L’image comme recherche de soi

Le plus paradoxal dans la question de l’image, c’est qu’elle peut nous détruire et nous construire tout à la fois. Quand Mélanie était petite, elle avait l’impression d’être ce qu’elle regardait. A ce moment-là, l’image n’était pas encore un support de médiation. Puis, plus elle a grandi, plus elle a fait l’expérience que c’était le regard des autres qui influençait son rapport à elle-même.

Comme beaucoup, elle a voulu « s’acheter une image », se conformer à celle que les autres se faisaient d’elle. Qu’en est-il alors de la solitude ? Des moments où le regard de l’autre n’intervient pas ? Certains se sentent intrusés par cette visibilité constante, d’autres en font leur drogue. C’est la course aux likes, aux abonnements Instagram, à la plus belle photo sur Tinder. Ou au contraire, certains font tout pour ne pas être visibles, par réflexe d’autoprotection. Dans les deux cas, ces comportements peuvent être synonymes de repli voire d’enfermement en soi.

On l’aura compris, l’image intervient dans les fondements de notre personnalité. Elle nous touche, nous intruse parfois, elle nous parle ou sonne creux. Dans tous les cas, nous n’y sommes pas indifférents. Et c’est pourquoi le pouvoir des médias possède tant d’ampleur de nos jours.

Un moment de répit dans le flux incessant de l’information

« Stop ce flux, on arrête ! » nous dit-on sur Ethique TV. Cette chaîne indépendante est une fiction du collectif l’Avantage du doute. Nous les suivons de la conférence de rédaction au direct, en passant par leurs temps de pause.

En parlant de pause justement, face au flux incessant des médias, Simon, Mélanie, Judith, Nadir et Claire nous proposent le silence. Ou plutôt, des moments de répit. Un passage poignant du spectacle est lorsqu’on nous dit « on ne vous montrera pas » toutes les images qui peuvent nous choquer. Les enfants battus, les guerres, les corps entassés les uns sur les autres.

Pas de publicité, pas de propagande. Pour une fois, on se fait du bien et on écoute le silence. Par ailleurs, la mise en scène est orientée en ce sens. L’arrière-scène symbolisait ces moments de répit. Lorsque l’action s’arrête et que l’on traverse le pont. (présent sur scène, en miniature) Le moment où on se repose, où on écoute ce qui se passe autour de nous. Ce qui se passe vraiment.

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Vous pouvez retrouver le collectif l’Avantage du Doute directement sur leur site internet. Ils seront à l’Espal au Mans le 8 et 9 décembre prochain ainsi qu’à l’Onde à Vélizy le 17 janvier 2017. D’autres dates sont certainement à venir.

Ne ratez surtout pas l’occasion d’aller les voir ! Vous en ressortirez nourris.

Sinon, vous pouvez écouter la fiction radiophonique qu’ils ont donnée pour France Culture, qui est une adaptation de « Le bruit court que nous ne sommes plus en direct ». Rien de mieux pour découvrir leur univers !

Lauren Mary