C’est au Mouffetard, théâtre des arts et de la marionnette, à deux pas de la place de la Contrescarpe, que nous sommes allés assister à une lecture de fragments de Buffles, spectacle ado-adultes de la compagnie Arnica sur un texte du catalan Pau Miró.
En cette fin d’année 2020 si particulière, les théâtres n’ont pas encore rouvert leurs portes au public mais quelques artistes chanceux ont retrouvé avec bonheur les répétitions. Le Mouffetard a mis le théâtre à la disposition des compagnies aux dates où elles devaient s’y produire, pour que le travail sur le plateau reprenne, pour que la vie reprenne, elle aussi, un peu son cours.
Poésie et marionnettes ne sont pas incompatibles
La compagnie Arnica, emmenée par la metteuse en scène Emilie Flacher, a inscrit son retour au travail scénique dans une réflexion sur la création théâtrale et sa nécessité. L’œuvre de Brecht l’achat du cuivre à l’appui, Emilie et les comédiens de Buffles (3 hommes deux femmes, c’est vous dire si, avec Emilie, la parité était respectée ! ) ont interrogé le rapport entre création et société, les jeux de miroir entre le théâtre et celle-ci au service de la recherche d’une vérité à partager, à transmettre.
Et c’est peut-être parce que les spectateurs sont les grands absents de cette période que s’est aussi posée la question du rapport au public dans la création théâtrale et sa représentation. Quel est son rôle à jouer dans une compréhension collective ? La lecture en regards de fragments de l’œuvre de Brecht et du premier acte de Buffles, où une fratrie cherche à s’expliquer la disparition de son plus jeune membre, résonnait profondément en ce jour de fin de résidence. Ainsi, lorsqu’un fragment de Brecht nous rappelle l’importance de la place laissée au spectateur comme co-créateur de l’histoire, nous retrouvons le mécanisme même de Buffles où chaque membre de cette fratrie chimérique au destin profondément humain cherche à créer une histoire pour se définir, d’abord collectivement, puis dans l’acte 2, personnellement.
C’est également à cet égard que le travail original sur les marionnettes portées au bout du bras comme une prothèse, une extension de soi, une identité construite, à vue puisque les comédiens ne se cachent pas derrière elles mais au contraire les incarnent, leur donnent la parole dans une narration entre fable et métaphore de leur destin et de la vie, prend encore davantage de sens. Tout est visible, exposé et pourtant la distanciation d’avec soi est permise, comme pour le spectateur et l’œuvre.
Avec le choix de ce spectacle terriblement poignant et poétique, le théâtre Mouffetard dirigé par Isabelle Bertola, offre un moment rare et précieux aux spectateurs, qui pourront le retrouver dans un an, nous vous en reparlerons alors. Et ne vous fiez pas à vos idées sur les marionnettes, vous serez surpris et conquis par l’approche de la compagnie Arnica qui, d’ici là continuera son travail de création et son travail pédagogique dans le cadre scolaire, avec des formes plus courtes (trois fables).
Si vous voulez voir Buffles printemps 2021 ce sera au théâtre de Châtillon (9 mars) et au théâtre de Charleville Mazières (21 mars) et cet été au festival d’Avignon.
Le théâtre Mouffetard reprendra quant à lui sa programmation le 13 janvier avec les Présomptions saison 1 : mots d’ados pour marionnettes à gaine chinoise, pantins, viole de gambe et vidéo.
https://www.youtube.com/watch?v=ELgoVBJJyI0