C’est au théâtre de Belleville, dans un petit passage en face d’un cerisier en fleurs ce soir-là, que se joue Jardins suspendus. Dès l’entrée, grâce à cet arbre rose rappelant les sakura, il flotte un petit air de Japon et ça tombe bien puisque c’est le point de départ de cette pièce de Camille Davin.
Ce hasard qui n’est qu’un rendez-vous
Un japonais qui a fui son pays pour échapper au déshonneur de la perte de sa maison se retrouve à Paris. Au fil de ses déambulations dans les rues, l’on suit sa griserie et son angoisse. Et bien entendu un autre de ces hasards de la vie va le mener à une rencontre singulière avec une femme au corps « cassé ». En la suivant il se retrouvera, faute de pouvoir s’exprimer en français, dans un appartement où une femme plus âgée va lui faire jouer le rôle de modèle pour le cours de peinture qu’elle donne. Ce cours devient une réflexion sur l’art, les corps entre ombres et lumières, mais surtout sur la vie. Celle qu’il faut retranscrire, (re)trouver, ne pas laisser s’éteindre sur le papier et en nous.
Des destins entrecroisés, une quête commune
Au fil des séances et des rencontres, toujours rendues par bribes essentielles, un peu à l’instar de Nick Payne dans Constellations, l’on découvre la vie de ces personnages. Et dans chacune de ces vies, une blessure existentielle, une fêlure. Un accident, des peurs paralysantes, des deuils, le passé et l’abandon d’une famille dans un autre pays.
Les cours de dessin les lient. Un besoin de sens et de plénitude aussi. De façon extrêmement subtile et toujours avec une légèreté rappelant le titre de l’œuvre, le texte danse avec la philosophie la plus essentielle. Et les décalages entre ces personnages et l’incongruité de certaines situations génèrent des rires et, avec ceux-ci, beaucoup de tendresse pour l’humanité et de questionnements, qui nous renvoient aux nôtres.
Jardin Suspendus : un parcours initiatique et le salut dans l’art
La professeure de dessin semble jouer un rôle d’initiatrice aux grands mystères de la vie, sans tomber dans un côté didactique. Il s’agit ici de trouver, dans le dessin, sa liberté et c’est ce que les personnages vont réussir à faire. En faisant face au vide également, en l’acceptant pleinement.
« Le vide, il ne faut surtout pas chercher à le remplir, sinon cela devient du rien ».
La grande force et la poésie de cette ode vient également de la grande liberté scénique. Musicien et dessinateur œuvrent en direct avec les comédiens, en communion avec eux. Et l’Art s’invite sur scène sous toutes ses formes. La scénographie est d’une beauté et d’une précision époustouflantes. La poésie du texte s’est épanouie dans le jeu des acteurs et la mise en scène. Le moment de silence qui précède les applaudissements est d’une qualité suspendue qui en dit long.
L’avis de la rédaction :
Émotion assurée pour ce beau spectacle. Une pièce rare à voir sans hésitation tant l’élégance se mêle à la délicatesse et à la justesse. Le fond et la forme sont ici réunis à la perfection, un petit miracle d’extrait de vie. C’est le rôle du théâtre que de mettre des textes debout, en mouvement à l’instar de ce qu’enseigne cette professeure de dessin. Tout ceci est magnifiquement réussi dans Jardins suspendus. Coup de cœur absolu ! Bravo et merci à tous !
Texte et mise en scène Camille Davin
Avec Romain Blanchard, Jana Klein, Esther Marty Kouyaté et Daniela Molina Castro
Musicien Léo Flank
Infos pratiques
Jardins suspendus au théâtre de Belleville
94 Rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris
Téléphone : 01 48 06 72 34
Du 4 au 15 avril 2017, du mardi au samedi à 21h15
Plein tarif : 25€ Tarif réduit : 15€ – de 26 ans : 10€
Durée : 1H20
Article rédigé par Marie Céline