Histoire de Baisers : le désir au bout de la langue
Quand nous entrons dans la belle salle du lavoir moderne parisien, avec ses pierres et ses poutres apparentes, pour découvrir le spectacle « Histoires de Baiser(s) », nous sommes immédiatement plongés dans une ambiance singulière.
De parts et d’autres du plateau, 5 personnages, portant des masques d’animaux, moitié humain, moitié bêtes, nous observent. Ils poussent parfois des gémissements, ondulent et attendent, tapis dans l’ombre. C’est inquiétant et amusant à la fois. Au centre, une table et une chaise. Point de scénographie ou de décors superflus, le travail sera axé sur le corps, dans tous ses états d’âme, tiraillés par des désirs parfois contraires.
Un piano trône sur le côté, éclairé d’une petite lumière rouge. Rouge désir.
Car on va en parler du désir dans ce spectacle.
« Le désir est animal et égoïste ».
Le désir : ce moteur de l’humanité. Le carburant de la passion qui nous permet d’avancer, qui peut aussi nous embraser et nous détruire.
Dans « Histoires de baiser(s) », les personnages sortent de leurs conditions animales et prennent la parole, le corps des humains se met à nu et à jour, ils témoignent à un instant T de leurs histoires. Cela dépasse les simples anecdotes de fesses, c’est même beaucoup plus profond (sans mauvais jeux de mots). Car l’amour, le sexe, le corps, le rapport à l’autre, à soi, sont la matière brute d’une mise en scène saisissante de Camille Plazar.
Camille Plazar, de la compagnie « Tout le monde n’est pas normal« , a écrit et mis en scène Le dépôt amoureux, une comédie contemporaine qui parle de la rupture amoureuse et allie le théâtre et la danse.
Avec ce nouveau spectacle, « Histoires de baiser(s) », Camille Plazar nous offre des chorégraphies précises et des mouvements corporels extrêmement travaillés. Les choeurs des comédiens nous livrent une performance chiadée, très aboutie, qui nous laisse béat d’admiration. La scène de déshabillage mutuel est, en ce sens, particulièrement réussie.
Faites-donc pleuvoir sans cesse
Au fond de nos cœurs Des torrents de tendresse Pour que règne l’amour Règne l’amour Jusqu’à la fin des jours
La tendresse, de Bourvil.
Quelques chansons très tendres viennent saupoudrer ces échanges parfois crus (mais jamais vulgaires) et amener une poésie voluptueuse et magique. Un grand bravo aux trois interprètent qui par leurs voix et leurs notes de musiques nous ont fait rêver.
Une invitation dans l’intime
C’est une invitation dans l’intime, authentique, vraie : elle est là, tout simplement dans l’instant. Parfois, l’on se retrouve dans ces monologues, tirés des tomes 1 et 2 de L’Herbier Sauvage de Fabien Vehlmann, qui sont de vrais textes, de vrais gens. Parfois on est surpris par la cruauté et l’égoïsme de certains actes. Le tabou n’a pas de place ici : on retrouve un couple de personnes âgées qui parlent de sexualité, car oui, les vieux aussi baisent parfois.
C’est également très drôle, notamment la scène d’ouverture et du miel qui va donner le ton de la pièce.
Un spectacle réussi, abouti, très bien travaillé, que je vous conseille vivement de découvrir.
Synopsis :
Succès 2022, reprise ! Dans un café, les langues se croisent et les regards se délient.
Lieu de confidences et de rencontres, chacun.e parlent à corps ouverts de leur première fois, de masturbation, de leurs jeux érotiques seul.e ou accompagné.e.s, de leurs expériences ou inexpériences, de petits riens qui sont tout. Des témoignages sans tabou ni vulgarité, pour interroger sans jugement la normalité dans l’intime.
Compagnie Tout le monde n’est pas normal
Ce spectacle est écrit à partir d’une trentaine de témoignages d’anonymes publiés dans les tomes 1 et 2 de l’Herbier Sauvage (parus aux éditions Soleil, en 2016 et 2019), de Fabien Vehlmann (également auteur et scénariste de bande-dessinée).
Artistes : Gabriel Arbessier Cadot, Thomas Ailhaud, Lorette Ducornoy, Anaïs Robbe, Léa Schwartz
Metteur en scène : Camille Plazar