Eurydice aux enfers : Amour et damnation

0
1465
Affiche Eurydice aux enfers
Affiche Eurydice aux enfers

“On n’espère pas en l’amour ; on s’en empare et on le vit.” Nous dit Eurydice dans le roman de Jacques Lamarche.

Il y a beaucoup d’expressions imagées pour décrire la puissance et la force de l’amour : par amour, vous pouvez déplacer des montagnes. Ou comme le disait Céline Dion : « J’irai chercher ton âme, dans le froid dans les flammes . » Maintenant que vous avez la chanson « pour que tu m’aimes encore » dans la tête, plongez avec moi dans cette histoire qui va vous entrainer dans des profondeurs abyssales : l’enfer. 

Car que fait Eurydice, par amour ? Elle va creuser avec ses ongles, les arrachant jusqu’au sang, s’enfoncer dans la terre, de plus en plus loin, sous la croûte terrestre, la roche noire, le noyau, de la boue plein la bouche, pour retrouver l’amour de sa vie, Orphée, que la mort lui a arraché un bel après-midi, en pleine visite d’appartement. 

Eurydice aux enfers
Eurydice aux enfers

Eurydice : la force au cœur

Elle n’est pas d’accord avec la mort. Elle veut en découdre. Elle se bat. Quitte à s’arracher les yeux et les donner au fonctionnaire survolté qui garde la première porte. A se faire passer pour un inspecteur auprès du naïf garçon qui ne fait qu’un avec son ascenseur. A se faire passer pour un champignon auprès de deux créatures noires et lascives et sniffer de la poudre de… Pour le savoir, il faudra voir le spectacle. Je ne vais pas tout vous raconter non plus !

C’est donc le voyage d’Eurydice aux enfers. Toutes les étapes de cette route bien dangereuse, parsemée de démons, de gardiens, de cadavres frais et d’autres moins frais, et de leurs histoires, leurs douleurs qu’ils portent, parfois loin dans leur corps, jusqu’à la rencontre finale, avec la maitresse des lieux « Elle ». 

Il n’y a aucun décor. Et pourtant, on y est, en enfer. Un enfer psychédélique, emprunt d’un soupçon de Rave party, de néo punk type Matrix et d’esthétique chiadée du festival Burning Man. C’est inquiétant comme une atmosphère de Silent Hill. Et en même temps, c’est très beau, les costumes sont pensés, travaillés et en cohérence avec une mise en scène rythmée et décalée. L’humour est également très présent, je ne pensais pas rire autant en enfer (même si l’ambiance doit y être plus intéressante qu’au paradis). 

Eurydice aux enfers
Eurydice aux enfers : des créatures étranges

Un impressionnant travail sur les corps

Le travail et l’engagement du corps de chaque comédien est impressionnant : que ce soit les danses, les pulsions qui partent du thorax, les mouvements travaillés au millimètres, la précision est ici de mise.

Un DJ électro imprègne l’ambiance de l’enfer, par des sons électriques, des bruits qui empruntent à l’ASMR, un souffle guttural quasi permanent qui ne s’arrête qu’aux souvenirs bien vivants d’Eurydice, car oui, Eurydice est vivante.

Et quand la mort lui demande son cœur en échange d’Orphée, que peut-elle répondre ? Tous les codes du conte sont repris, pour le plaisir de chaque spectateur, ému devant ce voyage initiatique de la combative Eurydice. L’originalité tient d’ailleurs dans la réécriture de l’histoire : ce n’est pas Orphée qui brave le danger, mais Eurydice.   

Louise Herrera incarne une Eurydice très touchante, vibrante. Elle tient, malgré sa peur et la douleur, malgré la tentation du repos éternel. Les autres comédiens sont également très investis dans chacun des différents rôles qu’ils jouent.  

C’est beau, bien joué, bien écrit et bien mis en scène. Allez-y, bravez les enfers avec Eurydice, vous en avez le courage et la récompense de cette très belle histoire vous ravira l’âme et le cœur.  

Autour de la pièce : L’affiche a remporté le concours de la meilleure affiche. Coup de Coeur du Club de la presse du Festival d’Avignon Off 2022.

Distribution : 

Tom Béranger 

Émilie Bouyssou 

Pierre-Louis Gastinel 

Louise Herrero 

Auteur : 

Gwendoline Destremau 

Compagnie l’eau qui dort. 

Au théâtre des Carmes à 17h50. 

Dernier article de Laëtitia GRIMALDI : Critique de « La brève liaison de maman » : https://www.justfocus.fr/spectacles/theatre-scene/liaison-famille.html