Le théâtre de Belleville nous fait redécouvrir le conte de Pinocchio jusqu’au 23 décembre. Un spectacle initialement humoristique et enfantin, qui dévoile toute sa profondeur dans son tragique et sa poésie, superbement porté par des comédiens ubiquistes et une scénographie intelligente. Une belle réussite.
Pinocchio : le polar du pantin
Revoir Pinocchio au théâtre, c’est se rappeler une histoire dont on ne retenait plus qu’un nez grandissant et un cricket moralisateur. Le petit pantin de bois aux 135 années n’a cessé d’évoluer depuis son créateur, Carlo Collodi. Au Théâtre de Belleville, il cherche maintenant à devenir un « vrai p’tit mec », soit à réaliser tous les rêves des petits garçons (souvent assis au premier rang) sans entraves.
La pièce commence solennellement. Un narrateur sentencieux enquête sur la mort du pantin. Puis de la morgue, on passe à l’atelier de Geppetto, où la vie s’est créée. Par analepses, le récit reviendra ainsi sur les épisodes marquants de Pinocchio, enfant de bois cherchant à dépasser sa condition.
L’arnaque au Champ des miracles, l’initiation à la bohème avec un couple de saltimbanque, le festin au Homard rouge, le ventre de la baleine avec Geppetto… Pinocchio, au milieu de personnages burlesques, grandit. Il est brillamment interprété par Lauren Toulin, jeune comédienne qui renforce le côté ingénu et androgyne du personnage. Ses compagnons rappellent la comedia dell’arte en se grimant de mille manières et en jouant à merveille du burlesque.
Pinocchius ex machina
Des casiers de métal brut, offrant une multitude de portes, fenêtres, ruelles et coulisses : voilà le génie scénographique du spectacle. Si la scène paraît pour le coup peu profonde, l’action vient, repart, disparaît, avec fatras de fumées, néons et mélodies abyssales. Tout s’enchaîne avec une fluidité effrayante et le rythme d’un film d’aventure.
Pinocchio, dans cette nouvelle mise en scène, navigue dans de nouvelles mers : un décor urbain vintage et ses échoppes, sa noirceur, et ses projecteurs ; et le monde fantasmagorique du spectacle et du jeu. Mathieu Létuvé quitte donc l’adaptation ancrée dans l’imaginaire collectif de Walt Disney en suivant le texte de Lee Hall, et se rapproche de l’ambiance du polar et du film de science-fiction.
Ce décor permet aussi l’ubiquité des comédiens qui, par un savant jeu de lumières et portes dérobées, se transforment en nouveau personnage aussi souvent que possible. Certains sont aussi mystérieux (Jiminy Cricket, la Fée Bleue) qu’hilarant (l’excentrique chatte de rue), quand d’autres nous font renouer avec la poésie pure du conte d’enfant (le pantin comme fils prodigue de Geppetto).
Une belle réussite
Outre la poésie, et l’humour, omniprésents dans le spectacle, la mise en scène de Mathieu Létuvé et Marie Mellier, adapté au texte de Lee Hall, nous font saisir sans lourdeur ni emphase tout le tragique d’un tel destin et renouent avec le cru des vieux contes pour enfants. Tout s’entrechoque : le « fantasme Peter-Pan », la violente réalité du monde, la quête de l’innocence et de l’identité… Pinocchio, plus qu’un pantin au long nez et aux oreilles d’ânes, est enfin devenu un véritable personnage de théâtre.
Informations pratiques
Le spectacle Pinocchio c’est au Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris
01.48.06.72.34
Jusqu’au 23 décembre
Du mardi au dimanche à 15h à partir du 22 décembre
A partir de 10€