Trois équipes, trois villes différentes, trois entraîneurs aux méthodes bien atypiques mais une seule passion : le football américain. Last Chance U, sortie en 2015 et dirigée par Greg Whiteley est la série documentaire signée Netflix. Elle est idéale pour se plonger dans la vie de quelques joueurs de ce sport aux États-Unis, où la victoire est le leitmotiv, envers et contre tout.
La culture du sport aux USA
Le sport est paradoxalement aussi ancré dans la culture américaine que la junkfood. En effet, la culture sportive est particulièrement développée et établie aux États-Unis, et la dimension de sport spectacle est spécifiquement importante. La réputation des matchs des Lakers, de l’équipe nationnale de gymnastique, de Tyger Woods ou encore de Lewis Hamilton ne sont plus à faire.
L’engouement provoqué à chaque événement parle de lui-même, grâce à l’influence qu’exercent les sportifs sur le public, friand de sensations fortes, de rebondissements et de belles victoires. Mais voilà : les sportifs de haut niveau n’arrivent pas au sommet du jour au lendemain. Et il est même fréquent pour certains de connaître un déclin très importante dans leur carrière. Ce qui entraîne un changement sans précédant sur leur vie.
Une série fracassante
Voici le synopsis de Last Chance U, la série documentaire récompensée aux Emmy Awards : des jeunes afro-américains (en grande majorité), issus de milieux populaires voir défavorisés pour la plupart d’entre eux, sont contraints à la suite de mésaventures à devoir jouer en ligue de football américain inférieure à ce qu’ils avaient connu auparavant. Ils sont alors dans une impasse. La seule issue ? Refaire leurs preuves, maintenir un niveau correct à l’université pour de nouveau accéder au haut niveau, et s’extirper par la même occasion de situations précaires. Ils aspirent tous à devenir des footballers professionnels, et pouvoir vivre de leur passion.
Rien n’est donné aux joueurs. Ils ont tout à prouver pour être repérés par de bonnes universités qui leur donneront leur chance. Malheureusement, il est très difficile pour beaucoup d’entre eux de suivre correctement un cours, et d’afficher un bulletin satisfaisant. En faisant un parallèle avec ce sport de contact, physiquement très exigeant et aussi dangereux pour le cerveau, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Certains ne supportent pas de rester assis sur une chaise.
C’est pourquoi ils tentent de compenser avec « le terrain ». Sans aucun doute, c’est ça qui les poussent à se dépasser à chaque entraînement, et à endurer une pression de taille. Réveils au aurores, bains glacés, préparations physiques inimaginables, blessures en tout genre… Pour certains, cela représente l’unique moyen afin de ne pas retomber dans leurs anciens péchés. La drogue, la violence, ou les délits, sont souvent très présents lorsqu’ils retournent chez eux (car la plupart des joueurs sont en internat sur place). Retourner sur ce chemin les priveraient de tout avenir dans le sport.
En plus d’apporter un éclairage intelligent et intime sur le quotidien difficile d’une division inférieure à celle de la Division One (la division juste avant celle de la National League of Football), les scènes de matchs de Last Chance U sont tout simplement époustouflantes. On saisit toute la complexité et la dureté de ce sport, où les blessures sont monnaies courantes. On est très rapidement prit par l’excitation générale, toujours au rendez vous. Pour vivre le match à pleine intensité, on souhaite assez rapidement comprendre les règles de ce sport et son fonctionnement.
Le fameux « touchdown » (signifiant qu’une équipe a marqué un point) est crié plus d’une fois par les présentateurs. Ils provoquent toujours un déferlement de joie dans le public. Même à travers un écran, cela nous transporte juste à côté des fidèles supporters, qui ne manqueraient un match pour rien au monde. Le tout est sublimé par une bande son entraînante et concordante avec cet univers sportif. Les génériques, menées par des fanfares énergiques, nous plantent avec justesse les décors où les séries prendront place.
Différentes saisons pour différentes équipes
Trois équipes différentes sont suivies de près par les caméramen de Last Chance U au fil de leurs journées. Il y a 5 saisons pour l’instant : les deux premières se consacrent aux EMCC Lions, une équipe universitaire de haut vol évoluant au sein du East Mississippi Community College, à Scooba. En 2015, les joueurs sont en quête d’un quatrième titre national JUCO (Junior Collegue). Étant victorieux la majorité de la saison, la récompense ultime leur tend à nouveau les bras mais un évènement majeur vient tout perturber… À la fin des deux ans de tournage, on a invité la production à revenir l’année suivante. Cependant, elle a fait le choix de suivre une toute nouvelle équipe de football américain.
Ainsi, Last Chance U débarque dans le Kansas pour les saisons 3 et 4, plus précisement à l’université Independence Community College. Situés dans la ville d’Independence, les ICC Pirates présentent une dynamique bien différente de la première équipe. Avec 20 années sous le signe de la défaite, ils n’ont connu que très peu la victoire. Il arrivent parfois à l’équipe de se faire battre avec le score de 50 à 0, résultat particulièrement difficile. L’année qui a fait bouger les choses pour cette équipe fut celle du tournage de la série, avec un enchaînement de matchs gagnés, événement inédit depuis bien longtemps. L’autre raison ? L’arrivée du coach Jason Brown, un personnage à part entière. Il a su recruté les bons joueurs pour relever le niveau global, et faire changer les résultats de l’équipe.
Enfin, la dernière saison en date suit l’évolution des Laney Eagles, l’équipe issu du Laney College dans la ville d’Oakland, en Californie. Plus similaire à l’équipe précédente, l’université a très mauvaise réputation. Elle est même décrite comme « la pire université de JUCO. » Les joueurs viennent de milieux difficiles : par manque de moyens, certains ne peuvent pas se nourrir pendant plusieurs jours… Un joueur a également un enfant, et doit parfois le laisser sur le bord du terrain pour aller s’entraîner. La production fait fort en mettant en lumière une équipe jugée difficile, et en permettant à ses joueurs et au staff de pouvoir s’exprimer et mettre en lumière leur quotidien. En définitive, les Laney Eagles connaîtront une saison mitigée et inégale, mais ressortiront tout de même gagnants de plusieurs matchs.
Des personnages emblématiques…
Bien que les techniques d’entraînement soient militaires et même parfois excessives, on s’attache tout de même aux coachs. Buddy Stephens et Jason Brown sont dévoués et déterminés à faire émerger des pépites de leurs collectifs. Phrase culte : « Ce n’est pas un script d’Hollywood » (« This ain’t an Hollywood script« ), balancé en tout début de saison 4 comme phrase de bienvenue par l’emblématique Jason Brown, devenue star dans la région, qui résume bien la pédagogie générale. Rien n’est fait dans la dentelle. Le vocabulaire cru et vulgaire utilisé constamment par presque tous les protagonistes renforce ce sentiment.
Il arrive aux coaches de se battre, d’insulter leurs propres joueurs ou de tenir des propos plus que blessants. Il n’est pas difficile de comprendre cet univers : on y va pas avec le dos de la cuillère. Une véritable ambiance de meute de loups est présente. John Beam, coach à Laney Collegue est celui qui fait le plus preuve de diplomatie parmi les trois. Mais on retrouve malgré tout le même type de techniques que celles employées par les deux autres coachs.
Heureusement, on a une toute autre approche avec Britanny Wagner et LaTonya Pinkard, respectivement conseillère pédagogique et professeur d’anglais, qui poussent les joueurs à s’investir pour obtenir les meilleures notes possibles, car c’est le seul moyen qui s’offrent à eux afin de décrocher une bourse scolaire. Alors que Britanny les accompagnent en suivant leur résultats, LaTonya les enrichit intellectuellement en leur dispensant ses connaissances.
Elles constituent un véritable soutien moral pour ces joueurs, allant même au-delà de leurs rôles. On peut voir qu’elles tiennent profondément aux adolescents, et des préférences évidentes se dessinent à l’écran. D’ailleurs, les joueurs leur rendent avec gratitude tout ce qu’elles font pour eux, et adorent passer du temps avec elles. Leurs investissements sans faille est beau à voir, et montre à quel point elles croient de toutes leurs forces dans ces jeunes.
…sublimés par des joueurs attachants
À chaque saison, nous avons un focus sur certains joueurs, avec par exemple Dakota Allen, De’Adre Johnson et Isaiah Wright pour les deux premières saisons, Carlos Thompson, Malik Henry Kerry et Bobby Bruce pour les deux suivantes, ou encore Ryan Mackey, Dior Walker-Scott, Kentrell Pierce et RJ Stern pour les deux dernières. Leur naturel et leur vulnérabilité nous atteint en un instant, et montre à quel point certains doivent vraiment se battre pour survivre.
Ainsi, on apprend qu’un d’entre a connu la suspension pour avoir frappé une fille. Pour un autre, c’est son père qui se trouve en prison. Ou encore qu’un dernier a cambriolé une maison. Tous les vices et situations exceptionnelles sont dépeins dans la série. Étonnament, cela renforce notre attendrissement pour ces jeunes, qui font tous pour s’en sortir et devenir de meilleures personnes. Un échange entre un joueur et Britanny résume bien leur situation. L’adolescent lui dit qu’il compte arrêter le football américain, ce à quoi à répond « Et pour retourner faire quoi ? » (« I’m planning on giving up on football », « And going back to what ? ») Il s’agit vraiment de leur dernière chance.
Un documentaire époustouflant et addictif
Pourquoi Last Chance U est un show qui mérite toute votre attention ? Parce que c’est tout simplement l’une des meilleures séries que Netflix a produit. Et non, ce n’est pas une hyperbole. Ce documentaire sportif permet de s’immerger dans un quotidien bien différent de celui qu’on connaît en tant qu’européen. Pourtant, il fait immédiatement résonance chez le téléspectateurs. C’est prodigieusement touchant.
L’honnêteté et le naturel dont font preuve ces joueurs, en parlant de leur vie les rendent attachants, et contrastent avec leur carrures hors normes. Ils acceptent qu’on rentre dans leur intimité en étant filmés toute la journée. Ce n’est pas rien, ni réalisable par tout le monde. Ils racontent leur histoire sans artifice, et partagent des événements personnels parfois très difficiles à évoquer.
Certes, on suit ces jeunes pendant de longues heures acharnées d’entraînements. Mais le plus important et qu’on apprend aussi à connaître qui ils sont. Les hommes présents derrières ces équipements imposants, sont avant tous des personnes drôles, solidaires, sur-motivés et sans filtre. Ils montrent la réalité de leurs existences avec une honnêteté troublante. On vit avec eux leur moments de doute, de peine et de douleur, mais apprécions d’autant plus les moments de joies ou de victoires. On peut d’ailleurs voir des danses spectaculaires et énergétiques qui nous laissent sans voix.
Devenir footballer américain professionnel est ce tous ses joueurs souhaitent au plus profond d’eux mêmes. Renouer à nouveau avec leurs gloires passées : voilà ce qu’ils veulent. À eux, malgré les obstacles rencontrées et leurs environnements peu propices à cette réussite, de faire de ce rêve une réalité. Car c’est l’une des seules possibilités qu’ils ont de complètement transformer leurs vies. Et par la même occasion rendre meilleures celles de leurs proches. Certains vont d’ailleurs y parvenir, mais d’autres vont connaître une toute autre destinée. À vous de regarder la série pour découvrir laquelle…
En attendant le 10 mars, où Last Chance U se réinventera pour devenir Last Chance U Basket Ball et suivra une équipe de basket, il est temps d’aller regarder cette pépite. Sport, émotion, suspens, mais surtout du team spirit seront au rendez-vous. Un véritable chef d’oeuvre et cocktail d’émotions, qui mérite d’être vu par le plus grand nombre.