La mini-série disponible sur Netflix depuis le 27 mai dernier Jeffrey Epstein : Filthy Rich (sale riche) fait beaucoup parler d’elle. La série traite d’un sujet sensible. Elle est réalisée sur la base de témoignages et d’archives. Nous suivons l’enquête faite sur l’homme d’affaires multimillionnaire accusé de trafic sexuel sur mineurs.
La série documentaire composée de 4 épisodes d’une heure chacun, est basée sur un livre datant de 2016. Son nom : Filthy Rich: A Powerful Billionaire, the Sex Scandal that Undid Him, and All the Justice that Money Can Buy: The Shocking True Story of Jeffrey Epstein écrit par James Patterson. Ce livre est sorti bien avant l’arrestation et le suicide de Jeffrey Epstein en prison. Bien sûr, les faits du documentaire sont bien plus récents puisqu’il date de 2019 et suit l’histoire de Jeffrey Epstein jusqu’à son décès la même année.
Un titre fort résonnant sur cette affaire
Jeffrey Epstein : Pouvoir, Argent et Perversion. Un titre qui résume parfaitement cet homme d’affaires et les histoires dans lesquelles il fut mêlé.
Pouvoir, un mot qui le décrit et qu’il aurait pu arborer fièrement. Ce milliardaire pouvait manipuler et utiliser sa richesse à sa guise comme nous pouvons le voir dans le documentaire. Les victimes elles-mêmes disent à leur avocat qu’il ne se rend pas compte à quel point il est puissant.
Sa fortune s’élève à 634 millions de dollars. C’est grâce à cet Argent qu’il crée un système pyramidal d’abus sexuel. C’est dans ce trafic de mineurs que nous retrouvons le mot Perversion.
Un générique aussi glaçant que le titre
Le titre est parallèle au générique qui résume également la vie d’Epstein. On y trouve des routes entières de billets représentant sa richesse, mais aussi son pouvoir. Ses nombreuses résidences secondaires évoquées dans le documentaire sont également représentées. Son hôtel particulier à New-York est visible, il s’agit d’un des endroits où de nombreux attouchements ont eu lieu. Un autre endroit mis en avant dans le générique est une île privée, qu’il possédait, située dans les îles Vierges. Elle est surnommée « île tragique ». C’est justement le titre du troisième épisode.
Enfin, les photos des jeunes filles abusées sexuellement se fondent sur des feuilles annotées. Ces centaines de pages font surement référence aux rapports, plaintes et documents qui concernent cette affaire.
La bande-son originale est sombre, anxiogène. Le thème principal, composé en Do mineur, accentue cet aspect presque oppressant. Charles, notre expert musical sur JustFocus nous explique :
« Dans cette bande-son originale, nous recherchons en permanence l’inquiétude, l’obscurité et la violence des fréquences musicales. L’auditeur est alors piégé dans une spirale négative et conflictuelle sans fin. L’évolution des arrangements se font notamment avec les plugins qui émettent des vibrations restant dans la gamme de bases. Nous rajoutons à cela au fur et à mesure des tonalités qui jurent et rentrent en conflit avec le Do Mineur. Ces procédés provoquent une impossibilité harmonique et mélodique chez l’auditeur. C’est un conflit des fréquences, elles «frottent» entre elles et évoquent la frustration, la traîtrise et la discorde. Bien que peu innovante, cette illustration sonore est efficace et soutient le processus d’enquête et d’investigation stressante auprès du spectateur. On apprécie la qualité des « plugins » qui, à défaut d’être révolutionnaires, sont bien choisis. »
Les « survivantes » témoignent
Huit femmes victimes des abus de Jeffrey Epstein témoignent à visage découvert dans ce documentaire. Des femmes courageuses qui reviennent sur des faits traumatisants. La réalisatrice Lisa Bryant, accompagnée du documentariste Joe Berlinger, qualifie ces victimes de survivantes. Un mot de vocabulaire puissant qui n’est pas le seul à travers la série.
L’expression « Terrain de chasse » est le titre du premier épisode. Elle désigne les lieux où Ghislaine Maxwell, la prétendue compagne du délinquant sexuel, trouvait ses proies.
Ce documentaire met en lumière la voix des victimes de toutes les façons. En les montrant face caméra bien sûr mais pas seulement.
Aucune voix-off n’est utilisée dans ce documentaire. Ce sont les témoignages qui le construisent et en particulier ceux des jeunes femmes, des avocats et des autres coupables présumés comme Alan Dershowitz. Les annotations à rajouter sont écrites sur un fond noir plutôt que dites à l’oral. Ceci est un point très original et pertinent dans ce genre de documentaire.
Des images d’archives qui appuient la véracité des faits
De nombreuses images d’archives utilisées à travers ce documentaire servent à appuyer l’authenticité des faits. La série ne raconte pas l’histoire de façon chronologique. Elle est plutôt contée sous la forme de comment les abus ont été découverts. Ce qui n’est donc pas toujours évident pour suivre les faits. Les années sont pourtant notifiées à chaque changement de période. Mais, il est parfois difficile de s’y retrouver dans le temps.
Les documents d’archives sont nombreux et comprennent des photos et vidéos chocs. Dont celle du Prince Andrew avec Virginia Roberts Giuffre, une des jeunes femmes qui faisait partie du trafic d’Epstein. L’homme est de plus accusé de l’avoir violée.
Certaines vidéos sont également montrées. D’anciens témoignages de jeunes femmes par exemple montrent l’atrocité des gestes d’Epstein. On peut également voir des plaintes réalisées il y a des dizaines d’années et qui n’ont pas données suite. Un point visé dans le documentaire est justement la non-réactivité de la justice aux Etats-Unis dans cette affaire.
La justice américaine remise en cause
Jeffrey Epstein était riche. Il défiait les autorités simplement avec son argent. Lors du documentaire nous apercevons des images d’archives d’un interrogatoire auquel il a fait face. L’homme d’affaires refuse de répondre aux questions posées sur les rapports sexuels qu’il aurait eu avec des mineures. Il utilise le Cinquième Amendement. Dans la Constitution des États-Unis d’Amérique, elle permet de protéger les interrogés à ne pas témoigner contre soi-même. Pour les réponses suivantes, il répondra simplement par un simple « Même réponse« . La scène est présente dans le premier épisode et fait froid dans le dos.
Cette partie du documentaire remet justement en cause les limites de la justice américaine, et ce n’est pas le seul endroit qui prouve des failles de ce système.
Depuis 1996, de nombreuses plaintes se sont succédé contre cet homme. Deux soeurs avaient été abusées, l’une d’elle l’a même directement dénoncé dans les locaux du FBI. L’affaire n’aura jamais eu de suite. D’autres plaintes se sont succédé. Comme celle d’une jeune mannequin en 1997. Le document officiel, montré dans le documentaire, témoigne du fait.
Comment la justice américaine a pu passer outre toutes ses plaintes et témoignages ? L’argent prévalerait-il sur la justice ?
La police avait pourtant entamé une enquête sur les rapports sexuels entretenus avec des mineurs. En 2006, la police de Palm Beach a finalement émis une inculpation pour plusieurs chefs d’accusation dont relations sexuelles illégales avec des mineurs et atteinte à la pudeur. Epstein plaidera non-coupable pour la seule accusation retenue contre lui. En 2008, l’affaire continue et il risque une incarcération à vie. Il ne fera que 13 mois de prison dans des conditions luxueuses puisqu’il obtient même le droit de se rendre à son bureau 6 jours par semaine.
Jeffrey Epstein : une histoire sans fin
Il se fait arrêter le 6 juillet 2019, dans un aéroport du New Jersey, tandis qu’il revenait en jet privé de Paris.
L’homme d’affaires, accusé de trafic sexuel sur mineures, se tient devant un tribunal fédéral à New York deux jours après son arrestation. Cette fois, la justice est ferme, aucune liberté sous caution ne sera possible (il proposera pourtant 500 millions de dollars). Jeffrey Epstein, reconnu coupable de deux chefs d’accusation – sollicitation à la prostitution et proxénétisme de mineure – risque la prison à perpétuité. Le 10 août 2019, il est retrouvé pendu dans sa cellule.
La pendaison est remise en question dans le documentaire. Le frère de Jeffrey engage un médecin légiste pour vérifier l’autopsie. Il en vient à la conclusion qu’il est très peu probable qu’il se soit pendu de la sorte (avec un drap et tombé en avant) vu l’endommagement de son os hyoïde sous sa mâchoire.
Un décès qualifié de lâche par les victimes. Elles ne pourront jamais le voir purger sa peine en prison. Il laisse de plus derrière lui de nombreuses questions. Qu’en est-il du Prince Andrew et des accusations portées contre lui ? Et pour ses puissants amis Bill Clinton, Donald Trump, Woody Allen, Harvey Weinstein ou Kevin Spacey, que s’est-il réellement passé ? Étaient-ils tous au courant de ces affaires ? Ces 4 heures de visionnage qui nous captivent et nous horripilent, nous laissent toutefois dans le flou sur de nombreux points.
Lorsque le documentaire touche à sa fin, nous observons la première victime que l’on voit dans la série. Elle peint les survivantes qui ont assisté au procès, avec qui elle s’est liée d’amitié. Une sorte de boucle bouclée donc. Un peu paradoxal avec toutes ces questions qui restent floues, mais c’est une étape qui permet la reconstruction progressive de ces femmes.