Lors de la 11ème édition du Champs-Élysées Film Festival, onze court-métrages se sont retrouvés en compétition pour deux prix : le Grand Prix du Jury du meilleur court métrage américain ainsi que le Prix du jury – court métrage américain – mention spéciale. Axés autour de l’héritage et de la perception de l’autre, le programme présenté a été à la hauteur des espérances. Voici une sélection de cinq d’entre eux qui ont marqué grâce à leur singularité.
Long Line of ladies : le beau passage à l’âge adulte
Long Line of Ladies est un documentaire sur la célébration féminine. Les réalisatrices Rayka Zehtabchi et Shaandiin Tome proposent une découverte de la tribu Karuk, peuple autochtone indien situé en Californie, l’une des plus grandes tribus de cet état américain. Le court-métrage retrace les différentes étapes de la cérémonie Ihuk, aussi appelée « danse des fleurs », qui célèbre le passage à l’âge adulte des jeunes filles Karuk. Celle-ci doit se dérouler lors de l’apparition des premières menstruations.
C’est au tour de la jeune Ahtyirahm « Athy » Allen, 13 ans, de vivre cette cérémonie dans les règles de l’art. Touchant et intime, il est beau de voir l’engagement entier de toute la communauté pour la préparation de ce grand moment. La jeune fille est portée par toute la tribu vers cette étape cruciale, qui lui permettra de renaître en tant que femme. Long Line of ladies permet de souligner l’importance de la préservation culturelle et des liens tribales. Un court-métrage percutant grâce à la beauté de ses plans et les séquences touchantes du clan Karuk.
Lucky Fish : une jolie rencontre
Lucky Fish est une touchante rencontre à un restaurant entre deux jeunes filles américaines et asiatiques, Maggie et Céline. Alors qu’elles mangent respectivement avec leur famille, elles font la connaissance l’une de l’autre dans une salle arrière du restaurant en face d’un bel aquarium, et se séduisent progressivement avec timidité. Les deux filles s’interrogent sur leur éducation et partagent le même sentiment de ne pas toujours faire corps avec leur famille.
Touchant et poétique, Lucky Fish évoque avec douceur la solitude, le sentiment d’appartenance ainsi que l’homosexualité. Un fort sentiment de proximité est transmis au spectateur, qui assiste de manière privilégiée à cette rencontre inattendue. L’ambiance intimiste de ce drame romantique est conféré le grain de l’image, qui donne presque l’impression de se retrouver dans un rêve onirique. Premier court-métrage de la réalisatrice Emily May Jampel, celui-ci a été couronné de succès puisqu’il repart avec le Prix du public du meilleur court métrage américain, et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi.
Vidéo Visit : la force des liens
Sur une note moins légère, le documentaire Video Visit offre une immersion en milieu carcéral. Une procédure spéciale a été mis au sein de la bibliothèque publique de Brooklyn : chaque semaine, un appel vidéo est accordée aux proches de personnes incarcérées. Le documentaire se concentre sur deux femmes qui bénéficie de ce service pour s’entretenir avec leurs fils respectifs. Les séquences de visites sont émouvantes et percutantes. N’étant initialement pas enregistrées par les prisons, une loi vient changer ce droit à l’intimité puisque les prisons sont peuvent désormais visionner les visites et envoyer certaines données au service de l’immigration.
Ce court-métrage brut et touchant souligne l’importance du maintien des liens, dans un environnement complexe et opaque qu’est la prison. La pandémie causé des ravages (74% des prisons ont arrêté les visites en personne), cette visite accordée aux proches constitue une véritable aubaine. Sa préservation est vitale. Les bibliothécaires donnent corps et âmes pour que les familles puissent continuer à se voir : leurs engagements sans faille est beau à voir et fait chaud au cœur.
Homesick : original retour en enfance
Toute première diffusion dans les salles européennes, Homesick présente la possibilité de revivre une nouvelle fois son enfance. Il s’agit de l’histoire d’un homme peu épanoui dans sa vie qui participe à une retraite lui permettant, le temps d’un séjour, de redevenir un enfant. Tout est mis en place pour instaurer ce sentiment de renaissance : après un passage éclair dans un hôtel peu chaleureux, l’arrivée sur les lieux s’effectue par un tunnel qui simule l’accouchement. Des parents aimants et attentionnés sont là pour l’accueil de cet adulte, qui peut désormais adopté tous les comportements enfantins qu’il souhaite. Le protagoniste cherche à combler un manque émotionnel vécu lorsqu’il était petit.
Sans tombé dans la dérision, les scènes inhabituelles qui s’enchaînent attendrissent. Le peu d’information transmis au sujet du personnage principal laisse libre court à l’imagination et pose une question indirecte : ne serait-il pas plaisant de pouvoir revivre son enfance une fois adulte ? Homesick a le mérité de surprendre en proposant une solution inédite aux maux de la vie adulte. La mise en scène de cette fiction est rondement menée : cette courte pause que le sujet principal s’accorde constitue l’un des points culminants de sa vie. Original et fort de sens, ce court-métrage réussit à interpeller et ne laisse pas indifférent une fois sa projection finie.
My parent, Neal : être soi-même
My parent,Neal, documentaire en stop-motion sélectionné aux Oscars est une conversation à cœur ouvert entre Neal Saidiner, femme trans et sa fille Hannah, réalisatrice de ce court-métrage. Neal, anciennement nommé Nina, retrace son histoire et sa transition de genre qu’il a commencé à l’âge de 62 ans. Il évoque sans pudeur l’impact relationnel que cela a eu dans sa vie, et l’évolution de sa relation avec sa fille suite à ce grand changement.
Ce court-métrage aborde avec finesse le thème l’identification sexuelle, dans une société où il est encore difficile de ne pas répondre aux clichés attribués à chaque genre. La réalisation de cet échange en animation aux couleurs douces et édulcorées sublime la force des propos des protagonistes. Bien que le sujet ne soit pas des plus simple à aborder, il n’y a jamais une impression de lourdeur dans les échanges. Lumineux et délicat, Neal explique sans extravagance ce changement, mais affirme à sa fille que cela ne modifie en rien l’amour qu’il lui porte. Sa dernière phrase est une belle ode à la liberté et à l’acception de qui on est réellement : « Je suis enfin libre ».
À nouveau, la fine sélection du festival ne déçoit pas, et met à l’honneur de nombreux talents chez les réalisateurs issus du cinéma indépendant. Ces court-métrages sont délivrent tous un message puissant et original. Un véritable plaisir pour les yeux !