Lee « Scratch » Perry ? Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de lui, pourtant, il est une légende vivante de l’aventure reggae. Né en 1936 en Jamaïque, cet homme au physique chétif et à l’oeil malicieux peut être considéré comme un des pères fondateurs du genre, en produisant, composant et mixant au sein du label Studio One fondé par Clement « Coxsone » Dodd’s. Même si on en attribue la paternité plutôt à King Tubby, le dub ne serait pas ce qu’il a été sans lui. Le documentaire « Vision of Paradise » qui sort cet été lui est consacré : rétrospective et bande annonce.
Ces techniques de mixages des morceaux reggae qui consistent à augmenter les basses, alterner entre les pistes des instruments et celles des voix, le tout affecté par des effets divers (reverb, delay, etc…) sont devenus un genre à part entière. Dans les années 1970, Lee sort de l’ombre et signe en son nom un nombre incalculable de 45 tours, s’étant fâché avec l’élite de l’île (Bob Marley, dont certains morceaux ont été mixés par ses soins, et son producteur blanc Chris Blackwell notamment), pour une histoire de royalities dont il prétend pouvoir bénéficier suite à ses collaborations. Sans un sou, il joue et enregistre pour vendre et vivre de sa musique : « jamais mieux servi que par soi-même » étant alors sa devise, il ouvre alors son propre studio « Black Ark » à Kingston, se met à chanter de sa voix fluette reconnaissable entre mille et parvient à distribuer sa musique via les labels Trojan et Island. Accompagné souvent par son back band The Upsetters, on a alors quelques classiques du reggae, dans la pure tradition Rub-a-dub, avec une production évidemment aussi soignée que lors de son travail chez Studio One :
« Soul Fire »
« Evil Tongues »
Les décennies suivantes révéleront un être illuminé, pour ne pas dire complètement allumé : de la ganga, il passe au LSD en grande quantité, et on dit que son psychisme en a été affecté. D’autres préfèreront voir en lui un personnage hors du temps qui ose aller en dehors des sentiers battus et a une vision du reggae et de la musique moderne très avancée pour son âge. En effet, il affectionne très tôt les influences électroniques pour surfer sur la vague « digital dub » des années 80 et 90, tout en continuant à psalmodier des préceptes politico-mystiques sur les conditions toujours misérables de son île natale.
« Kiss The Champion » ft. Dub Syndicate
« Keep On Learning »
Quant aux toutes dernières années, Lee « Scratch » Perry est celui qui, à bientôt 80 ans, sort les toutes meilleurs productions reggae : les récents « Panic In Babylon » et « Dub Setter » en sont les meilleurs exemples, les ingrédients sont ceux d’un dub plus traditionnel, avec un son renouvelé malgré tout.
« Voodoo »
« Flush It » ft. Adrian Sherwood
Le documentaire « Vision of Paradise » en tout cas va permettre de bien cerner, nous l’espérons, un peu plus le personnage et sa carrière. Les conditions du tournage (le réalisateur Volek Schaner l’a suivi dans ses pérégrinations 15 ans durant) ainsi que la bande-annonce ci-dessous sont en tout cas prometteurs.
Sortie du film en juillet.