Pour sa 7ème édition, le Pitchfork Music Festival, édition parisienne, a encore créé l’évènement musical indé de l’automne. Des carrières débutantes tout autant que des vieux trublions dans des styles qui se veulent « So 2017 » ont attiré une foule assez composite. Focus sur 4 des groupes de cette 2 ème journée.
Cigarettes After Sex : à feu doux
C’est une Grande Halle encore clairsemée qui accueille le deuxième groupe de la 2 ème journée. Du coup, la petite masse de fans se regroupe, serré contre la scène, donnant l’impression que le groupe joue dans une petite salle. La sono en tout cas s’adapte bien à l’atmosphère qui caractérise le groupe américain : en tout intimité. Des ballades que d’aucuns trouvent difficilement distinguables. Mais que d’autres accueilleront à bras ouverts, bras qui demandent à s’élargir davantage s’ils veulent également enlacer l’éventuel(le) compagne qui fini par être emballé(e). « K », « Apocalypse » : les morceaux, d’un romantisme à feu doux, que jouent Greg Gonzalez et ses confrères depuis 10 ans sur YouTube, donnent à chaque fois un plaisir béat et cajoleur. La performance de Cigarettes After Sex était aussi sobre que l’élévation que procurent les morceaux était forte. Les musiciens à peine mobiles, sans gestes brusques, avaient une tendresse et une délicatesse qui vont faire fondre ici plus d’un(e) et calmer les ardeurs de plus d’un(e) forcenée de la drague. Les chansons ne se scandent pas ni ne se sifflent : elles se déploient, de notes en mesures, et nous suggèrent un abandon total à la volupté. Vous auriez pas une flamme à déclarer ?
La rappeuse canadienne qui monte : Tommy Genesis
Le Pitchfork a souhaité mettre en valeur certains jeunes artistes talentueux qui émergent tout juste, dont Tommy Genesis, une jeune rappeuse qui vient de Vancouver et qui a signé chez le très connu label hip-hop Awful Records, gage de très grande qualité. C’est une petite foule de connaisseurs et de personnes intriguées qui accueille la rappeuse qui pose directement les bases en sautant dans la fosse pour ses premiers titres. Proximité et gros beat, Tommy Genesis ne lésine pas sur le eye-contact avec son public pour poser ses lyrics et même si on ne connait pas, on en redemande. Le style est old-school, les paroles sombres, le look est travaillé, pas de vocoder ni de fioriture, Tommy Genesis représente un nouveau pan du rap canadien aux codes androgynes avec réussite. On sent la sincérité de ses premières grandes scènes mais aussi celle de sa voix quand elle s’adresse au public, une naïveté timide et déconcertante versus la pulsion de vie de ses interprétations quand elle chante. Elle hurle au loup « TOMMY« , et on a envie de crier avec elle.
Andy Shauf pour réchauffer nos coeurs
Quoi de mieux que le jeune et doux folkeux Andy Shauf entre deux bières pour continuer tout en douceur un début de soirée qui a très bien commencé ? Le folkeux a parcouru toute l’Europe et les États-Unis cette année et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, notamment avec un arrêt au Pitchfork Festival. Accompagné de ses musiciens dont deux clarinettistes, Andy Shauf compose devant un public attendri des mélodies folks et mélancoliques qui ont pour but de nous faire chavirer. Les paroles sont travaillées, raffinées, et on peut reconnaitre les très connus titres The magician ou Quite like you de l’album The Party sorti en 2016. Andy Shauf est un artisan joaillier de l’indie pop, et il manie avec délicatesse et précision les mots. On pourra reprocher la justesse du système son de la petite scène qui ne rendait pas tout le mérite des compositions d’Andy Shauf ce soir là.
Polo & Pan : plus pimenté
Changement d’ambiance à la toute fin de soirée, juste avant Jungle : Polo & Pan, DJ & DJ qui se mixent souvent entre eux dans le petit club huppé du Baron dans le 8ème (de Paris, NDLR Parisienne). On arrête de tomber dans le jugement facile versant dans l’antiparisianisme primaire que ce bref début d’aperçu peut éventuellement susciter et on s’attarde sur la musique seule. Bonifiante, un peu lénifiante, club et exotique, avec une imagerie qui ne prétend pas plus que de faire sourire et danser. La France s’amuse comme elle peut, et elle peut bien faire ça des fois. Leur dernier album « Caravelle » contient des bravoures très dancefloor, avec les sud américains Mexicali (de la surf musique d’El Paso biberonné aux BPM) ou Zoom Zoom (une chaude inspiration du Brésil cette fois). Par ailleurs auteurs de quelques morceaux chantées, Polo & Pan seront rejoint sur scène par leurs 2 fidèles chanteuses, Marguerite Bartherotte et Victoria Lafaurie. La furie est un peu au rendez-vous ainsi, au début du set, lorsque déboulent ces 2 demoiselles habillées en kimono devant des décors faits de personnages de fables moyenâgeuses dessinés au crayon, à tendance Magicien d’Oz ou Alice au Pays des merveilles. Avec une choré qui là non plus n’a aucune prétention autre que de faire sourire. S’en suivent des moments technoïdes / French Touch qui feront sauter les spectateurs en même temps qu’ils sont hâlés par nos 2 DJ, s’improvisant animateurs de soirées un peu beauf, on est là encore béat devant ces 2 donzelles qui invitent à une insouciance, à une indolence presque naïve. En live comme au Baron, Polo & Pan t’envole tous tes soucis.
Une fin de soirée tropicale avec Jungle
Après le set endiablé des deux français Polo & Pan, la foule totalement en liesse se dirige vers l’autre coté de la grande halle pour aller écouter les jeunes mais non moins mythiques Jungle qui ont eu l’honneur de clôturer l’avant-dernier soir du festival. Ils allument la grande scène avec une présence incroyable et font danser tout le Pitchfork du vendredi. Le groupe interprète ses plus grands titres Julia ou Time mais aussi des tracks inédites du prochain album qui arrive, les rythmes tendent alors vers quelque chose de plus électronique tout en gardant cette patte disco-funk qui fait taper du pied et hocher la tête grand sourire. Jungle a réussi le pari de clore ce deuxième soir du Pitchfork avec une foule d’applaudissements. C’est une très belle surprise et on rentre chez nous totalement gaga de ce deuxième soir.
Texte : Piotr Grudzinski et Hélène Chu
Galerie photo : Piotr Grudzinski