Décrié et déserté face à la programmation éclectique de cette nouvelle édition, Rock en Seine est toujours le meilleur endroit pour marquer la fin des beaux jours…
En mars dernier, l’annonce des premiers noms de la programmation de Rock en Seine déchaînait les foules. PNL, Macklemore, Post Malone : nombreux n’ont pas tardé à renommer le festival « Rap en Seine ». Kendrick Lamar désormais accaparé par le tout nouveau Paris Summer Jam, le festival s’est retranché vers des artistes matières à débat. N’en déplaise à Live Nation, Rock en Seine est toujours le rendez-vous incontournable de la fin de l’été et c’est dans le parc de Saint-Cloud que nous avons décidé de passer le week-end. Retour sur une édition inhabituelle, qu’on espère seulement « de transition ».
Vendredi, les premiers instants passés sur la pelouse du festival paraissent tristes : pas de queue aux toilettes, pas de queue aux stands, peu de monde devant les scènes. En résumé : personne, nulle part. C’est donc face à quelques centaines de spectateurs tout au plus que les deux sœurs suédoises de First Aid Kit débutent leur concert. De l’hymne féministe « You Are The Problem Here » à une sublime de « Runnin’ Up That Hill » de Kate Bush, une douzaine de titres leur suffit toutefois pour charmer et illuminer la Grande Scène de leur féerie.
Alors que les organisateurs annoncent avoir accueilli un total de 90 000 festivaliers pour les trois jours, le ressenti était de bien moins. Il était souvent possible d’arriver en plein milieu d’un concert et de se retrouver au troisième rang, notamment le vendredi. Face à un DJ-set de SOPHIE des plus vides et décevants, aux transitions brutes et rythme mal géré, Parcels a rattrapé le tout et montré toute l’étendue de son talent live sur l’excellent final « Overnight », collaboration avec Daft Punk. PNL, la tête d’affiche de la soirée, en retard d’une trentaine de minutes, montre une Grande Scène plus déserte que jamais. Parallèlement, à la scène du Bosquet, Yelle offre un « Bouquet Final » bien meilleur, pailleté, sportif et amusant. Le plus frappant fut sûrement le vide remarqué sur les écrans diffusant le concert d’IDLES le dimanche. Une dizaine de rangées se tenait devant le groupe de punk anglais, d’une énergie et ferveur pourtant débordante.
Bonne nouvelle : le monde a enfin réellement débarqué juste après, en se cantonnant néanmoins aux têtes d’affiche. Devant des milliers de festivaliers, Macklemore et Post Malone ont réussi leur pari et conquis à la fois aguerris et novices. De la même manière que le duo sud-africain Die Antwoord vendredi. Sans réelle surprise – outre l’apparition de sa fille Sixteen – mais d’une efficacité hors-pair, le couple a débité la plupart de ses tubes sans s’arrêter une seule seconde. « Oui oui, mon ami, oui oui ! » scandait Ninja tous les trois morceaux, et avec un show aussi énergique, on en aurait voulu encore plus !
Si les plus déçus retiendront uniquement les quelques ratés et l’affluence incroyablement basse, cela n’a pas empêché à Rock en Seine de réunir et fédérer, dans ses plus beaux instants. Loin du concert brouillon de Stefflon Don sur la scène de l’Industrie, Mike Shinoda, ancien membre de Linkin Park venu défendre son album solo, a rendu un long hommage à son défunt coéquipier Chester Bennington. Un discours plein d’anecdotes et des fans en pleurs sur les écrans, le tout accompagné de notes de piano larmoyantes : peut-être un peu « too much » mais c’était l’un des moments les plus touchants du week-end.
Le lendemain, toujours sur la Grande Scène, c’est la « Rock’n’Roll Star » Liam Gallagher qui a créé la surprise. L’ex-Oasis est arrivé avec ses deux ingrédients préférés habituels : parka et nonchalance. S’il a gardé la première pendant 1h15, la deuxième s’est peu à peu atténuée. Clou du spectacle : avant de démarrer l’ancien « Champagne Supernova », l’Anglais se rappelle des événements ayant amené à la séparation d’Oasis il y a quelques mètres de là neuf ans plus tôt. « Mon petit doigt m’a dit que c’est là qu’Oasis a tout foutu en l’air. C’est LE festival, n’est-ce pas ? Je savais bien que les coulisses me semblaient… familières » lance Liam avant de dédicacer le morceau à son frère, « Mister Noel Gallagher », provoquant nombreux rires narquois. Bien conscient de l’engouement, le benjamin enchaîne les titres du groupe avant un double final majestueux sur « Wonderwall » et « Live Forever ». Comme une manière de rattraper le temps manqué en 2009…
Entre déceptions et événements majeurs, Rock en Seine a su montrer comme d’habitude son abilité à dénicher de grands talents dans les petits noms de l’affiche. En face d’un Nick Murphy, anciennement Chet Faker, mou du genou, Fang The Great a ébloui la scène Ile-de-France, à la croisée de Sampha et Drake. Samedi, âgé d’à peine 21 ans, le Belge Tamino a envoûté la Scène du Bosquet grâce à sa voix remarquable et pleine d’émotions. Lendemain, même lieu, même heure, l’Américain Ezra Furman a embrassé son côté queer de la meilleure des manières : jupe, collier de perles, rouge à lèvres. Sans l’empêcher de délivrer un punk-rock saturé, criard et brillant.
Enfin, cette année, deux jours après la sortie de son album live Woman Worldwide, Justice avait la lourde tâche de clôturer le festival, en même temps que sa propre tournée. Outre la déception d’une scénographie inchangée par rapport aux autres festivals de l’été, le groupe électro français a usé de sa patte habituelle pour réunir du beau monde sur la pelouse de la Grande Scène. Ah, si elle avait pu être aussi remplie pendant tout le week-end… Le duo finira par faire une apparition surprise sur une scène improvisée à côté de la régie avant de retourner à la scène à travers le public. Un show grandiose et intimiste à la fois, terminé sur les attendus « D.A.N.C.E. » et « Fire ».
Il ne nous reste plus qu’à rentrer chez nous et récupérer les quelques euros restants sur notre bracelet cashless… En attendant la reformation d’Oasis sur la grande scène en 2019, dix ans après sa séparation au même endroit. On a le droit de rêver, non ?
Crédit photo à la une : Zelie Noreda