20 mars 1936. Il y a 80 ans, un beau jour de printemps, naissait un drôle d’oiseau coiffé de plumes vertes, jaunes, rouges.
Ce dimanche 20 mars, JustFocus a eu l’immense honneur d’assister à l’unique date parisienne de la légende de la musique jamaïcaine : Lee « Scratch » Perry.
Annoncé à 21h30, The Upsetter est précédé du chanteur jamaïcain I Kong.
En effet, après 30 ans d’absence, cette pointure du reggae qui a notamment officié aux côtés de Jimmy Cliff et Bob Marley dans les années 70, est de retour avec son nouvel album « A little Walk », sorti en 2015.
C’est une scène prestigieuse, et prodigieuse, que nous offrait hier soir le Cabaret Sauvage. Face à un public totalement ouvert et réceptif dès les premières notes, I Kong a pris possession de la scène comme s’il ne l’avait jamais quittée. Entre reggae actuel et roots d’antan, I Kong nous a transporté et transmis tout son plaisir de retrouver son public, toujours au rendez-vous.
A 21h30, après une mise en place rapide, les lumières se tamisent et des sonorités quasi-spatiales envahissent le chapiteau du Cabaret durant de longues minutes. Perry nous a prouvé, avant même d’arriver sur scène qu’il était le roi de cette musique si spéciale et délicate, et qu’il savait exactement comment préparer son public. Comment lui donner envie. Comment le faire vibrer. Cette imprégnation totale sera petit à petit accompagnée par de brèves phrases, par cette voix que l’on reconnaîtrait parmi mille.
Quelques secondes plus tard, ça y est, l’histoire est là, devant nous. Coiffé de plumes aux couleurs panafricaines, Lee Scratch Perry est bien présent, face à nous, prêt à fêter son 80ème anniversaire sur scène. Cette parure mystique annonce la (les) couleur(s) : Lee Perry a atteint la maturité des grands maîtres et semble, à la manière des cathédrales, s’élever vers le Tout puissant et se protéger des mauvais esprits grâce aux vertus magiques de ce couvre-chef.
Après une carrière incroyablement tracée et innée (que nous vous racontions au sein d’une petite brève, rappelez-vous, ainsi que dans cet article sur son documentaire) cet illuminé né nous a fait vivre deux heures que nous avons encore du mal à raconter.
Un être mystique
Comme nous vous le racontions, Lee Perry a un parcours totalement atypique. Ce véritable paquebot s’est laissé voguer au rythme des vagues de sa vie, de la musique et des rencontres qu’il a pu faire. Connecté à la vie et à toutes ses expressions, Lee Perry semble avoir compris quelque chose que seules quelques personnes ont eu la chance de toucher, d’apercevoir.
Habité par une présence quasi divine, cette légende vivante semble constamment en communication avec un au-delà transcendant, lui procurant cette énergie créative si puissante.
Si atypique, The Neat Little Man fait de l’exception et de l’extravagance la norme. A ses pieds : une rose blanche, un gâteau muni de deux bougies (« 20 x 4 ») et des bananes dans lesquelles seront plantés des bâtons d’encens. Pour rester connecté au plus près de cette énergie qu’il sait si bien recevoir, on pourra même distinguer parmi les mille décorations de sa casquette : des cailloux et pierres collés à même celle-ci.
Une musicalité transcendantale
Outre le personnage si étonnant, ce que nous retiendrons de ce spectacle est la créativité musicale innée de cet homme. En effet, Lee Perry n’est pas connu pour ses performances vocales, oui, souvenez-vous, Coxsone avait même refusé de l’enregistrer à cause de cette particularité qu’il qualifiait de faiblesse. Mais tout son génie réside cependant dans cet élément. Lee Perry parle, chantonne, conte…Il vit la musique, dans tous ses états.
Lee Perry est par ailleurs, un éternel enfant, un inventeur et savant fou inépuisable. Cette capacité à recevoir ce que le monde lui envoie se traduira notamment dans son sursaut lorsqu’il entendra pour la première fois de la soirée le larsen de son micro. Une fois la surprise passée, Perry s’amusera à transformer ce défaut sonore en élément complétant ses compositions.
Certains pourraient apparemment transformer de la boue en or. Perry, lui, transforme la musique en un véritable voyage expérimental. En vivant ce concert, nous avons réellement eu l’impression d’assister à la représentation d’une parfaite maîtrise de la musique et de tous ses aspects.
Evidemment, résolument moderne et en avance sur son temps, le créateur du dub nous a régalé les oreilles et le corps tout entier avec des basses incroyablement rondes et précises.
Le bonheur de la scène
Après 1h30 de show mystique, Lee Perry a quitté la scène avant de revenir rapidement, appelé par le régisseur général insistant sur le fait qu’il s’agissait d’une nuit spéciale. En effet, cette unique date parisienne correspondait, pour notre plus grand honneur, à la date exacte de son anniversaire.
Toujours imbibés par la magie de cette soirée, nos yeux ont vu débarquer sur scène, un gorille et Inspecteur Gadget portant à bout de bras une pièce montée flamboyante en l’honneur des 80 printemps de ce merveilleux Upsetter.
Animé par un réel amour de la scène et par un plaisir immense de partager cela avec nous, Lee Perry aurait pu rester beaucoup plus longtemps sur scène si l’horaire tardif n’avait pas posé problème. Finalement interrompu quelques minutes après un second rappel, Perry nous transmettra tout l’amour qu’il a eu à se produire devant nous. Après plusieurs « Bye bye », comme à la maison, entre copains, Perry quittera la scène, en serrant la main de tous ceux désireux de remercier ce personnage si touchant pour ce moment hors du temps.
Ouvert au monde et aux énergies positives, Lee Perry nous a fait comprendre que le fait d’être soi même, jusqu’au bout des doigts, mène loin. Très loin.