Nous avons eu l’immense plaisir de rencontrer Nakhane aux Eurockéennes 2018. Cet être sensible et spirituel a pris le temps d’évoquer son dernier album avec nous.
C’est avec une grâce désarmante et un sourire radieux qu’il nous reçoit sous le barnum qui sert aux conférence de presse. Simple, agréable, posé et avec cette aura incroyable qui nous avait marqué déjà en février dernier quand nous l’avions découvert lors d’un showcase dans les studios de Warner.
Nakhane a eu la gentillesse de nous accorder quelques minutes pour nous éclairer sur son premier album international : You Will Not Die !
Tu es un chanteur, mais pas seulement. J’ai lu que tu es aussi écrivain et comédien. Quel rôle est le plus important pour toi ?
Nakhane : La musique. La musique parce qu’on peut y faire les 3. On peut écrire des mots, ce que j’adore ; on peut faire des films avec les clips vidéos. On peut faire de ces films ce qu’on veut qu’ils soient : quelque chose d’informatif, uniquement musical ou même un court-métrage. Donc, c’est pour ça que je choisis la musique. Aussi parce que la musique est quelque chose qui fait partie de moi, de mon corps. Je peux chanter, pas besoin d’apprendre à jouer d’un instrument d’une meilleure façon… Chanter est un talent qu’on ne gagne pas, on l’a déjà en soi. On a la responsabilité d’en prendre soin, c’est pour ça que je trouve que ça a plus d’importance. J’ai l’impression que pour être comédien, et même écrivain, il faut une certaine éducation, ce n’est pas quelque chose de naturel… Mais j’aime toujours ça et je continuerai à le faire.
Tu ne comptes pas refaire de films ou de livres ?
Si, si. je prévois de faire plus de film, d’écrire plus de nouvelles. Je devrais être en train d’écrire une nouvelle, que j’aurais du terminé il y a longtemps… Mais j’ai été distrait. Donc oui, j’écris et lis tout le temps !!
Nous t’avons vu en février dernier au Warner studio à Paris. C’est là qu’on a pu découvrir ta musique et c’étais « Wahou »…
Merci ! Je vais porter le même costume aujourd’hui. Je ne l’ai pas porté depuis ce jour, parce que j’ai 3 autres costumes.
Je me suis demandée, que s’est-il passé pour que ta carrière devienne internationale ? Parce qu’avant on ne te connaissait pas…
… Je ne sais pas… Mon manager m’a trouvé sur internet. Il m’a dit qu’il aimait mon travail et voulait savoir si je voulais travailler avec lui. Je lui ai donné 6 mois pour me trouver un bon deal. Et il l’a fait ! A ce moment-là, j‘écrivais mon second album ; les chansons étaient assez bonne. Maintenant qu’on s’est trouvé, oui, ce fut une super aventure, c’est complètement dingue, mais de la meilleurs façon possible je veux dire. J’ai vraiment eu beaucoup de chance ; j’ai aussi beaucoup travaillé pour en arriver là, mais il y a autre chose qui a jouer, je ne sais pas ce que c’est… De là d’où je viens, d’Afrique du sud, mes ancêtres veillent sur moi. Mais même s’ils veillent sur toi autant qu’ils le peuvent, si tu ne mets pas toute ta volonté dans le travail, rien n’arrive. Donc, je dirai une combinaison de bénédiction et de dur labeur !
J’ai vu quelque chose en particulier sur le second album : la chanson Fog, était aussi sur le premier album. Pourquoi as-tu décidé de la garder sur ton premier album « international » ?
Elle n’avait pas la production qu’elle méritait sur le premier album. Je crois que j’ai grandi en tant que chanteur et que musicien. Cette chanson est puissante et j’ai senti que le monde ne l’avait pas entendu et qu’il fallait qu’il l’entende de la meilleur façon possible. Et j’aime aussi l’idée – je ne le ferai pas sur tous mes albums – comme ces musiciens de jazz qui réenregistrent les chansons de différents albums, à différentes périodes… (Tu vois ce que Billie Holiday avait fait par exemple, avec 5 versions différentes d’une chanson enregistrées de 1928 à 1940)… Tu sais… Parce que tu grandis en tant que personne, et ton expérience est un changement, et tu chantes tes chansons différemment. Et ta voix change aussi ! Et entendre ce changement est vraiment intéressant !! Je ne suis plus le même chanteur que j’étais à 13 ans. C’est pour toutes ces raisons que je voulais réenregistrer cette chanson, parce que je savais que je pouvais mieux la chanter !
Ton deuxième album s’appelle « You will not die ». A qui es-tu en train de parler ?
Toi, moi… Toute personne ayant des moments difficiles, ce qui veut dire tout le monde en fait. Tout le monde a déjà eu des moments difficiles dans le monde. On dit souvent que « Le monde n’est pas la maison de ton oncle« . Personne n’est là pour te faire te sentir bien ; personne n’a à te faire te sentir bien. Je pense qu’il est temps de prendre les choses à cœur, de se serrer dans les bras, de nous rappeler que, pour des raisons bizarres, vivre vaut le coup. Parce que la plupart du temps on n’a pas l’impression que vivre vaut le coup. Pourtant la nature est belle, les serpents sont magnifiques, les arbres sont beaux… Mais pour une raison inconnue, pour moi je ne trouve pas que ce soit une raison suffisante pour vivre. Tandis que créer de l’art me donne (je n’aime pas ce mot mais je vais l’utiliser dans cette interview) un but…
Une raison ?
Oui, exactement ! Ça semble noir et macabre… Mais les temps sont vraiment horribles en ce moment : la vie va te donner des claques, mais tu te réveilleras le matin et tu te rendras compte que tu n’es pas mort, ce qui veut dire que tu peux changer l’histoire.
Une autre chanson sublime est Presbyteria. De quoi parle cette chanson ?
C’est à propos de l’église dans laquelle je suis né. J’allais dans une église presbytérienne. En regardant en arrière, ta famille et ceux qui allaient à l’église t’ont peut être blessé et tu réalises qu’ils ne l’ont pas fait exprès. Ils font du mieux qu’ils peuvent avec ce qu’ils savent. Plus on vieillit, moins on est en colère, parce qu’on se rend compte qu’on foire nous aussi et on a alors un peu plus d’empathie. C’est pour ça que je ne crois pas à l’innocence. Si les enfants étaient innocents, cela voudrait dire qu’ils n’auraient pas de jugement, et ne pourraient pas faire quelque chose est mauvais. Donc ils ne pourraient pas avoir d’empathie. C’est pour ça que les enfants jugent leurs parents si durement… Et plus ils grandissent, avec leurs propres erreurs, plus ils commencent à être compréhensifs envers leur parents… parce qu’ils comprennent qu’ils auraient pu faire les mêmes erreurs. Cette chanson est à propos de l’empathie et d’être capable de regarder les gens sans trop les juger. Ça me blesse toujours, mais ils ont fait du mieux qu’ils pouvaient.
A propos de la musique et de ta façon de bouger sur scène, danser semble très important pour toi. Comment est-ce que cela participe à la création de ta musique ?
Danser a toujours été une manière d’ouvrir certains portails, d’inviter les autres, d’inviter les esprits à venir nous rejoindre… d’hypnotiser la foule. Et le corps, les mouvements ont toujours été importants pour nous en Afrique. C’est aussi pour ça que la première chose que les missionnaires nous ont dit en arrivant, c’est d’arrêter de danser de la façon dont on dansait… Parce que c’était incorrect ! (Dieu de merde). Quand je suis sur scène, j’appelle ça un rituel : j’essaye de faire passer des choses à travers la foule, d’en faire sortir quelque chose ou d’en obtenir quelque chose. Quand le show se termine, j’ai envie d’être complètement épuisé parce que j’aurais tout donné à la foule. Parce que je suis un showman, je suis un prêtre. Si je ne suis pas engagé, si je ne me donne pas complètement, comment le public va réagir sur le moment ? C’est ce qui m’intéresse le plus. Ce sacrifice !!
Ce jeune artiste, fin, sensible et plein de bonnes paroles nous a complètement hypnotiser sur scène en effet et son charisme naturel n’y était pas pour rien. Un vrai plaisir de se balancer au son de sa voix douce et enveloppante. Une expérience à renouveler dès que l’occasion se présentera comme à Saint-Etienne, à Nîmes, à Annecy, à Angers ou à Laval où il se produira en octobre et novembre !
Retrouvez le récit de son passage aux Eurockéennes