Foals, les pointures grandissent (presque) trop vite

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Foals

Le groupe atypique des débuts qui mélangeait avec délice math rock et post punk mélodique n’est plus ce qu’il était : quasiment groupe à stade, les Foals continuent d’encenser également les critiques et les amateurs indés, mais jusqu’à quand? On sent une légère tendance « à la Muse » dans ce grandiloquent « What Went Down », où on a quand même quelques bons éléments. Critique et écoute…

Foals - What Went Down
Foals – What Went Down

2008, un groupe venu d’Oxford sort son premier album « Antidotes« , ce vivier de chansons rapides et ingénieuses, à la technique math-rock et aux tendances pop sans prétentions. Une boule d’énergie qui rappelle l’intention post-punk : refondre le rock après la déferlante punk. L’apport de ce dernier est fondamental mais ne fait pas oublier que l’on donnait le rock pour mort. Ce n’était pas sans compter des groupes 80’s comme Television, Talking Heads, The Rapture, Elvis Costello, The Au Pairs,The Raincoats, The Go-Betweens (et d’autres groupes de l’époque du label mythique Rough Trade) qui ont eu le don de proposer un nouveau souffle de liberté, d’une force créatrice au moins égale à celle des années 60. Sauf que les Gun’s Roses, Metallica, le rap et la techno naissants on largement tu(é) médiatiquement ces prouesses, alors qu’ils méritaient un encensement digne de ce nom. Qu’à cela ne tienne, rock’n roll will never die, et les aficionados n’auront de cesse de citer ces références comme celles qui ont régénéré le genre. Le math rock, qui apparait dans cette mouvance au seuil des années 90 (Slint, Don Caballero par exemple, en France la scène est aussi très vivante, avec par exemple Electric Electric), est cette musique qui consiste à appliquer des règles de symétries (et de maths, logique) aux accords, avec des harmonies dissonantes et des staccato à la rapidité impressionnante, lorgnant vers le métal. Les Foals appliquent (un peu) ce genre dans leur guitare, sauf qu’ils ont le talent de le rendre mélodieusement « acceptable » pour des formats quasi pop, et pour des résultats virevoltants : ça pulse dans tous les sens, en gardant toujours l’objectif d’élever et de calmer les ardeurs de temps en temps. « Antidotes » a alors sa place dans ces disques qui se proposent de réinventer le rock en sautant ses propres barrières, et c’est tant mieux.

On se retrouve 7 ans plus tard, après 2 précédentes réalisations (Total Life For Ever et Holy Fire) : en lisant des phrases, de la part du chanteur Yannis Philippakis, comme « Je voulais qu’il soit beau, fou, puissant, passionné, violent, sexuel » ou alors ses déclarations philosophiques raillées sur internet, et sachant qu’ils remplissent désormais les stades, on peut se poser des questions sur ce que sera ce nouvel album. Là où le précédent « Holy Fire » était assez intéressant, c’est qu’il présageait une évolution semblable à celle des Raptures (une atmosphère moins abrupte et plus calme, mais tout de même un calibre très saturée pour les guitares derrière), plutôt positive donc. Alors qu’à l’écoute de « What Went Down« , on se demande à la première écoute ce qui a baissé en qualité pour avoir une première impression moins bonne. Malgré les propos dithyrambiques utilisés par les médias pour qualifier cet album, difficile de le comparer avec le talent des débuts. On le dit plus « soul », si légèrement élever sa voix par dessus une rythmique plus syncopée c’est « soul », alors tout le monde l’est. On le dit « métal », mais si cette musique se définit par un niveau de gain de guitare minimal, alors tout le monde l’est. D’ailleurs, Philippakis dit souvent qu’il n’écoute jamais comment les autres qualifient l’album, il dira que c’est du « Foals ». Les références musicales n’étant faites que pour repérer l’auditeur novice, on dira rapidement que dans ces titres, il y a un peu de Dead Meadows, de Sleepy Jackson, du Entrance, ou pour une référence plus récente, du Algiers (pour le coté légèrement gospel dans la tonalité de Yanis). Jusqu’ici, on ne rechigne pas (« Mountain At My Gates, « Birch Tree »).

Sauf que… Un effroi apparait lorsqu’on entend une certaine paresse déguisée en des compositions pompeuses, avec roulements de tambour en-veux-tu (« Give it all« ), saturations poussives et inutiles, vacuité des textes déguisés en références effectivement pseudo-philosophiques (« A knife in the ocean« … les paroles sont à pleurer et l’effet d’impression voulu n’est pas au rendez-vous), « effets spéciaux » qui rajoute des prinkles sur des chansons à la fluorescence déjà bien bourrative (« Snake Oil« ). Foals se « Musefie-til » ? C’est ce qu’on craint un peu, quand on croirait entendre également du Kings of Leon (un groupe qui a pourtant bien démarré), ou du Coldplay (pareil) récent. Bon, la situation donne encore espoir, il y a quand même certaines bases initiales (quelques velléités math rock viennent donner un dynamisme pimpant bienvenu) et une qualité de composition (la belle ballade « Lonely Hunter« ) qui sauvent le bateau, devenu un Titanic inégal, du naufrage.

Foals sera le 2 février 2016 à l’olympia de Paris.