Breakbot : « Notre composition s’apparente à un château de cartes »

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Présent le 20 février dernier au Bikini de Toulouse pour une soirée électro-disco endiablée, JustFocus a rencontré le DJ français Breakbot et son acolyte Irfane. Lunettes noires pour Thibault Berland ; boisson de grand-mère au gingembre, miel, citron et eau chaude pour Irfane, le duo inséparable répond à nos questions lors d’une interview « à la cool », allongés au bord de la piscine de la salle de concert, profitant des derniers rayons de soleil d’une chaude journée d’hiver. Ils nous parlent de leur dernier bébé, l’album « Still Waters » sorti le 5 février, mais aussi de leur rapport personnel à la musique ainsi que de leur univers.

 

© Louis Rayssac
© Louis Rayssac

 

Salut Breakbot et Irfane, pouvez-vous vous présenter et nous dire comment vous vous êtes rencontrés?

Breakbot : Je m’appelle Thibaut, il s’appelle Irfane. On s’est rencontrés en 2009 lors d’une soirée au Point Ephémère grâce à un ami en commun qui s’appelle Krazy Baldhead. Irfane avait chanté sur un morceau qui s’appelait « Sweet Night », j’étais moi-même en train de travailler sur mon premier maxi pour Ed Banger. Il me manquait une voix, c’est tout naturellement que j’ai pensé à cette voix enchanteresse (rires) que j’avais entendue la veille lors d’une soirée un petit peu imbibée.

 

Le nom Breakbot, ça vient d’où ?

B: Alors…Breakbot = Thibault, Baul-Thi, bot, breakbot, tout ce qui est du breaks.

Irfane : Un petit surnom qu’il nous dit qu’on lui a attribué, mais il se l’est attribué lui-même (rires)

B: Ce n’est pas du tout vrai. C’est un copain…

I: Un copain imaginaire ! Du lycée ?

B: Non quand j’étais à supinfocom figure-toi.

 

Parce que tu es graphiste à la base. Comment es-tu passé dans le monde de la musique ?

B: Oui. Mais je faisais de la musique à côté, c’était un hobby. Puis un jour, j’ai décidé de quitter mon métier pour poursuivre mes rêves ! (rires)

 

 

En 2012, vous sortiez un premier album « By Your Side« . Le 5 février est sorti « Still Waters« , pas un peu peur du passage assez casse-gueule du deuxième album ?

B: Je ne vais pas mentir, on a toujours un peu d’appréhension, on a envie que les gens aiment la musique et qu’ils se l’approprient, mais on vit ça plutôt bien. On a la chance d’être bien entourés, d’avoir un label qui nous soutient hyper bien, qui nous a laissés le temps et la liberté …

I: … De vraiment faire un truc en lequel on croyait et qui nous reflète bien donc on n’a pas trop de pression de ce côté-là. C’est assez cool.

B: On se sent plutôt bien entourés et les gens sont plutôt réceptifs à la bonne humeur qui transpire de nous et de notre musique.

 

« By Your Side » avait mis du temps à décoller, ça se présente comment pour « Still Waters » ?

B: Je ne suis pas sûr que cela ait vraiment décollé un jour. On ne sera peut-être jamais dans le top 10, on ne sera jamais des Rihanna ou des Beyonce.

I: Même s’il y a déjà un petit culte Breakbot (rires)

B: Ce n’est pas ça qui nous intéresse. On veut faire de la musique qu’on aime et la partager du mieux qu’on peut. Finalement ce qui est cool c’est de pouvoir en vivre, de pouvoir faire ça le plus longtemps possible. Pas forcément d’être connu.

I: C’est la longévité.

B: Il y a quand même des singles qui ont bien pris comme « Baby I’m Yours« . Après, je ne sais pas si l’album va marcher, on n’est peut-être pas dans une période où les jeunes achètent beaucoup d’albums… Ce n’est pas trop dans nos considérations.

I: On veut juste pouvoir voyager, en vivre, pouvoir partager…

B: Aimer !

I: Et être aimé !

 

 

D’où il vient le nom « Still Waters » ?

B: C’est le petit bout du morceau « Man Without Shadow » où Irfane, qui compose les lyrics, a écrit « Still waters run deep ». C’est un dicton anglais et l’équivalent français serait « Il faut se méfier de l’eau qui dort ». En gros, ça veut dire que tu as une surface calme, mais il se passe des choses en profondeur. C’est un truc qui nous reflète un peu : on est assez calme en surface, mais à l’intérieur ça bouillonne ! (rires).

 

 

Dès les premiers morceaux de ce nouvel album, on ressent directement la « patte Breakbot ». Comment vous l’expliquez ? C’est quoi votre ingrédient spécial ?

B: En fait, je n’ai pas vraiment de recette, mais je pense que comme chaque personne qui fait de la musique, je n’ai pas d’autres vecteurs que mes propres mains. C’est ça qui fait le dénominateur commun à tous mes morceaux. Je ne peux pas faire autrement que faire ce que je sais faire. Je le fais du mieux possible, mais il y a forcément une personnalité qui transparait. Comme tout le monde, je suis quelqu’un d’unique. Chaque personne qui fait de la musique a sa manière de le faire. Toutes les personnes s’inspirent d’autres personnes.

I: Toujours à leur manière.

B: Ce sera toujours une interprétation et c’est ça qui est drôle. Quand on s’intéresse à l’histoire de la musique, on remarque que chaque personne qu’on aime a déjà eu un modèle 15-20 ans avant. Par exemple, Michael Jackson était très fan de James Brown, il le regardait bouger et finalement on voit des espèces d’affiliations entre la dance de James et celle de Michael. Des attitudes.

 

« Still Waters » est bien plus intime, avec de vrais instruments, pourquoi ce retour à l’analogique ?

B: Il n’y a pas eu que de vrais instruments. Comme le premier album, il a été fait sur Ableton (un logiciel pour séquencer la musique NDLR). Mais après, quand on a voulu terminer les morceaux on a eu l’envie d’aller un peu plus loin. On est allé chez mon frère et on a remplacé beaucoup de plug-ins par des synthés et d’autres instruments. On a fait une sorte de balance entre les deux, c’est un album un peu hybride.

I: C’est tout simplement un album qui s’inspire des outils de notre temps, mais aussi qui va chercher ce qu’il y a de mieux dans l’analogique et dans les synthés rétro.

B: C’est ce que je pensais à la base, je pensais pouvoir tout faire avec mon ordi, c’est comme ça que j’ai fait le premier album puis finalement je me suis rendu compte que quand on appuie sur une note de moog, le spectre du son est beaucoup plus plein. On n’a pas du tout le même résultat entre un plug-in et un vrai synthé. La démarche vient de ce constat-là. On a eu besoin de ça.

 

 

Petite nouveauté, on retrouve des voix féminines sur plusieurs morceaux. Qui sont ces nouvelles arrivantes ?

B: C’est Yasmin qu’on a rencontré à Hong-Kong, une fille géniale qui vient de Londres. Elle est DJ et mixait dans un festival dans lequel on mixait aussi. La rencontre s’est faite de manière fortuite. On ne s’est pas tout de suite dit : « tiens, il y a cette meuf DJ, il faut qu’on la prenne sur notre prochain album ». On ne savait pas qu’elle chantait aussi bien. Ça s’est fait plus tard, elle nous a fait écouter un morceau et on s’est dit : « Ok, elle chante hyper bien, bienvenue chez nous ».

I: On avait quelques morceaux où on n’avait pas encore de voix. On avait des idées et on s’est dit que ça pouvait lui convenir. Elle est venue à Paris pendant quelques jours et on a enregistré trois chansons. Il y a aussi Sarah, ma copine, qui chante sur deux titres et qui, à l’inverse de Yasmin, à une voix un peu plus fragile, haut perchée. Ça donne un peu plus de relief à l’album, c’est ce qu’on voulait faire. Le plaisir est dans la variété.

 

Avec les musiciens sur scène ainsi que Yasmine, Breakbot est-il devenu un groupe maintenant ?

 B: Sur le premier album il y avait d’autres chanteurs, sur le prochain il y en aura d’autres aussi. Je ne dirais pas que c’est un groupe, plutôt un projet ouvert. Mais aujourd’hui, Breakbot c’est carrément nous deux, cet album on l’a fait ensemble, on le défend ensemble. Ça se passe très bien, on a une relation qui est hyper complémentaire, c’est ça qui nous a permis de faire ce disque. J’ai envie de dire que l’union fait la force.

I : C’est surtout qu’on a fait tout ce projet à deux depuis le début de la composition de l’album.

 

A quoi ressemble le processus de création lorsque vous composez un morceau ?

B: On n’a pas vraiment de méthode, c’est ça qui est aussi cool. Comme c’était vraiment un hobby, on faisait ça pour le fun, on n’a jamais vraiment eu de méthode, on ne cherche pas à faire un truc spécial.

I: On fait de petites démos, des trucs qui donnent libre cours à l’imagination de l’autre. Notre composition s’apparente un peu à un château de cartes. La plupart du temps Thibault va avoir des idées d’instru et moi je peux construire là-dessus. Ou sinon je viens avec une petite mélodie et il compose autour. C’est plutôt ça qui est cool, il n’y a pas vraiment de formule.

B: L’image du château de cartes est bien parce que c’est assez fragile comme processus. Des fois, ça fait un truc assez cool, d’autres fois, ça s’écroule et on recommence.

 

Pouvez-vous nous dire deux mots sur le « Get Lost » réalisé à la manière des Gifs ?

B: C’est l’idée d’un duo franco-canadien qui s’appelle Dent de Cuir. Ils ont eu cette idée qui collait hyper bien au morceau qui parle d’un instant qui se prolonge dans le temps. Une sorte de distorsion du temps.

I: C’est une manière très forte visuellement de représenter ce sentiment-là à l’écran. Il y a aussi la petite touche comique qui est assez plaisante. À ce sujet-là, des Thaïlandais ont fait une reprise du clip plan par plan, c’est hallucinant ! Bon c’est amateur, mais c’est marrant.

 

 

2016 est une grosse année pour Ed Banger avec les sorties d’album pour Para One, Cassius et Justice. Vous pouvez nous en dire un eu plus ?

I: Le premier maxi des Cassius durera 16 minutes !

B: Justice n’a pas encore de date de sortie parce qu’ils n’ont pas fini le disque. Mais il ne faut pas s’inquiéter, ça va arriver bientôt.

I: On a eu la chance d’écouter quelques morceaux de Justice qui sont vraiment mortels. Comme nous tous, ils sont dans une recherche personnelle qui fait qu’ils veulent toujours se dépasser.

B: Chacun de leurs albums était différent, moi j’ai l’impression que leur deuxième album était meilleur que le premier, le troisième je le trouve encore meilleur que le deuxième. Chacun est dans sa petite bulle de créativité. En tout cas, c’est une année assez excitante avec des albums cools à venir. C’est marrant qu’il y ait des cycles, ça crée de l’énergie.