Vous l’aurez compris, on va ici parler du test de Yakuza 5. Vous vous souvenez peut-être, j’avais déjà largement évoqué cette série au cours d’un dossier en deux parties (Vous pouvez retrouver ici la 1 ère partie, puis la 2 ème). Au final, le futur de la série de SEGA en Europe semblait assez incertain, et même au Japon d’ailleurs, car il y a un an l’éditeur évoquait l’arrêt des jeux pour consoles, et vu que Yakuza (ou Ryu Ga Gotoku) est une série phare des consoles Sony depuis la PS2 au pays du soleil levant, ça fait réfléchir. Depuis, il y a eu quelques annonces, dont le sixième opus qui a été officialisé. Et chez nous me direz-vous ? C’est avec près de trois ans de retard que nous est parvenu en décembre Yakuza 5 dans des conditions pas forcément optimales : une publicité quasi inexistante, des sous-titres toujours en anglais, une simple version dématérialisée pesant plus de 20 go sur PS3 et au prix pas franchement au rabais de 40 euros. Honnêtement, je ne vois pas qui, à part les fans, aurait pu craquer pour un jeu sortant avec d’aussi mauvaises conditions. Moi-même j’ai failli passer mon chemin. Cela aurait été une grossière erreur.
Le Gameplay habituel
SEGA avait annoncé vouloir changer de formule et prendre un nouveau départ avec Yakuza 5. Nous allons voir que, par bien des aspects, le pari de SEGA est réussi. Même si c’est loin d’être une déception, le gameplay, et particulièrement celui des phases de combat est loin d’être dépoussiéré. On retrouve quasiment les mêmes mécanismes introduits par le quatrième opus (qui ne révolutionnait déjà pas grand-chose) : on gagne assez rapidement des points de talents à dépenser sur les quatre personnages, ce qui améliorera leurs combos et augmentera leurs statistiques. Le système de combat ne change pratiquement pas, d’autant plus qu’on retrouve, à une exception près, les même protagonistes, à savoir Kazuma Kiryu que l’on ne présente plus, Shun Akiyama et Taega Saejima déjà présents dans l’épisode précédent, et Tatsuo Shinada, un ancien joueur de Baseball reconverti dans l’écriture de chroniques prenant pour sujets des lieux de divertissement pour adultes (rien que ça !). On prend (quasiment) les mêmes et on recommence… Après ce n’est pas forcément un gros défaut : le système de combat de Yakuza 4 était déjà très bon et le fait de pouvoir alterner entre quatre protagonistes évitait enfin le côté beaucoup trop redondant de se battre systématiquement avec Kazuma, qui n’a pas vu ses coups énormément évoluer depuis 2005.
Une histoire complexe
Il suffit de voir la scène d’introduction pour se rendre compte que Yakuza 5 emprunte énormément au cinéma. Il est question de Daigo Dojima, chef du clan Tojo, qui prend un taxi, seul, après avoir négocié une alliance avec une famille concurrente. Les dialogues sont bien écrits, et la mise en scène magistrale. On se rend vite compte que le chauffeur de taxi était Kazuma Kiryu que l’on retrouve dans une existence solitaire loin de son orphelinat d’Okinawa. Sans trop vous en dire pour ne pas spoiler, il va être question d’une guerre imminente entre le clan Tojo et l’alliance Omi, manigancée dans l’ombre par d’obscurs individus qui tirent les ficelles. Tous les personnages vont être mêlés bien malgré eux à ces machinations. D’ailleurs, l’histoire, même si elle a le mérite d’être extrêmement longue et originale, souffre d’un problème de rythme, notamment lorsque l’on change de personnage. On passe du coq à l’âne, et on retrouve un personnage qui vit des choses n’ayant strictement rien à voir avec ce qui s’est passé précédemment. Plus tard, les pièces du puzzle s’emboîtent et on comprend le rapport entre les événements, mais sur le coup, l’ambiance « Prison break » au début du chapitre Saejima a tendance à lasser après des événements qui s’enchaînaient à 100 à l’heure. De manière générale, chaque début de partie met le temps de présenter tous les personnages secondaires, ce qui a pour effet de mieux s’y attacher, mais aussi, malheureusement, de casser le rythme. Le pire moment reste celui où l’on contrôle Haruka en tant que 5ème personnage jouable mais non combattant. En effet, la fille adoptive de Kazuma s’est lancée dans une carrière de Jpop. Cette dernière se prépare à participer à une sorte de « nouvelle star japonaise ». Du coup, Yakuza 5 se transforme pendant 3 à 5 heures en suite de mini-jeu, et une ambiance « vis ma vie de chanteuse ». Varier le tout avec des mini-jeux de rythme, c’est une très bonne chose, mais mettre tout ça au centre de l’aventure principale pendant un chapitre complet casse complètement le rythme et l’ambiance noire qui était superbement bien campée auparavant. C’est dommage. Mais l’ensemble de l’histoire reste, malgré ce problème de rythme, excellent. Les personnages, les ennemis notamment, débordent toujours de charisme et donnent des combats de boss absolument épiques et mémorables.
Vis ma vie de Samy Nacéri
Au risque d’avoir l’air de me contredire : Haruka en personnage jouable non combattant, c’est une sacrée bonne idée ! Son chapitre casse peut-être le rythme de l’histoire, certes, mais gérer sa carrière est une activité longue et complexe. Vous devrez décider de ses prochaines représentations, mais aussi planifier sa promo pour avancer sa carrière, comme ses séances de dédicaces, ou participer à des émissions télé. Chaque activité donne un mini-jeu original qui apportera encore plus de variété à la série qui était déjà réputée pour ça. La Jpop, c’est déjà super, mais s’il n’y avait que ça… Je l’ai mentionné précédemment, Kazuma est devenu chauffeur de taxi pour gagner sa vie, et ce n’est pas un simple élément scénaristique. Vous pourrez prendre le contrôle de votre véhicule pour faire des courses de rue (rien n’est comparable à un taxi équipé de nitro qui parvient à doubler des voitures de sport, qui a dit Peugeot 406 blanche ?). Il sera question également de conduire des clients à bon port en respectant le code de la route (faites gaffe, on roule à droite au Japon). Shinada, lui, se contentera de s’entraîner dur pour s’améliorer au Baseball tandis que Saejima se lance dans la chasse en haute montagne. Toutes ces activités constituent de grandes séries de mini-jeux de luxe, qui, non contents de relancer complètement l’intérêt de la série, ne font que s’ajouter aux mini-jeux et activités habituelles comme le Karaoké, les tournois, les bars à hôtesses, ou encore le légendaire Virtua Fighter 2. Certains habitués de la série ont coutume de dire que le vrai Ryu Ga Gotoku commence à la fin de l’histoire, lorsque l’on se lance dans le mode libre. Cela n’a jamais été aussi vrai.
Pari gagné pour Sega ?
Les habitudes des joueurs ne sont pas bousculées outre mesure, il est vrai. Côté technique, les personnages sont toujours aussi bien modélisés, mais le moteur semble sortir tout droit d’un autre temps, et pour cause, il l’est. Le jeu est sorti au Japon en 2012 sur PS3 et fonctionnait déjà majoritairement avec le même moteur de jeu. Celui-ci, débarquant comme ça sans crier gare en fin 2015, à une époque où certains jeux se font bâcher pour leur technique limite sur consoles current gen, semble légèrement anachronique. Les fans sont certes heureux de le retrouver, mais un peu trop tard hélas. Au-delà de cela, l’histoire fonctionne, et elle est d’une classe hallucinante malgré les longueurs qui désamorcent un peu le propos. Au bout d’une cinquantaine d’heures (ce qui est quasiment équivalent à l’histoire d’un rpg) vous vous retrouverez soufflé par cette aventure qui se termine par un crescendo de révélations et de scènes les plus épiques les unes que les autres. Le challenge est, comme d’habitude, très relevé et vous posera un réel problème dans les difficultés supérieures. Sinon, vous vous consolerez avec le mode libre où vous pourrez combattre et participer à un très grand nombre d’activités avec 5 personnages dans 5 quartiers différents. Yakuza 5 propose une durée de vie encore plus dantesque qu’à l’accoutumée.
Malheureusement, Yakuza 5 aura peu de chances de retenir l’attention des néophytes. La faute à une sortie européenne qui intervient beaucoup trop tard, et en plus de ça, proposée avec une simple traduction du japonais vers l’anglais au minimum plus que syndical. La sortie confidentielle aura échappé au commun des joueurs. Mais si, par hasard, lire ce test vous aura donné envie de tenter l’aventure, n’hésitez pas. Yakuza 5 offre tout ce qui était réussi dans les anciens opus en ajoutant encore plus de choses. L’histoire n’est hélas pas parfaite avec un problème de rythme, mais demeure néanmoins, dans l’ensemble, une des meilleures que j’ai pu voir dans cette série, mais également dans l’ensemble de ma vie de joueur. Je parais peut-être un peu excessif dans mes éloges, mais je n’ai jamais autant regretté que la série de SEGA ne bénéficie pas d’une meilleure visibilité par chez nous. Alors plus que jamais, je vous le dis sans détour : Yakuza 5 vaut le coup, largement, et ce malgré ses quelques défauts. Vu le chemin parcouru par SEGA, le 6 ème opus paraît plus que jamais prometteur. Enfin, s’il arrive jusque chez nous, et pas trois ans après, si possible.