En 2013, Spiders et Focus Home Interactive sortaient le RPG de science-fiction Mars War Logs. Si le jeu n’avait pas convaincu de fond en comble, toutes les critiques s’étaient néanmoins évertuées à dire qu’il avait des arguments à faire valoir. Il faut dire que Mars Wars logs proposait des mécanismes de gameplay intéressants. Alors quand les petits gars de chez Spiders décident de retenter l’expérience dans le même univers que le premier opus mais avec une histoire différente et parallèle, les connaisseurs se sont enthousiasmés. The Technomancer était né. Mars parviendra-t-elle à convaincre ? The Technomancer tombe-t-il dans les mêmes travers que Mars War Logs ? Sans plus tarder, Just Focus vous livre son verdict !
Mars et ça repart !
Lorsque les colons Terriens ont décidé de venir sur Mars, ils ne pensaient pas que l’avenir de l’humanité se jouerait ici. Reprenant les bases de l’univers dressé par Mars War Logs, The Technomancer vous conte la vie aride et terriblement asséchée de Mars. Voilà plus d’un siècle que les colons sont coupés de la Terre et que les humains ont du apprendre à vivre sur la planète rouge. Et quand une planète est inhospitalière et que l’eau devient un élément rare, la vie civilisée se scinde. C’est ainsi qu’Abondance et Aurora, deux corporations bien différentes se livrent bataille pour la domination. Et dans cette lutte, les Technomants, des guerriers maîtrisant l’électricité sont des atouts de taille. Et vous dans tout cela ? Vous incarnez Zachariah, un apprenti Technomant à Abondance. Comme tout bon élève, Zachariah est en passe de confirmer son rang. Mais les choses ne vont pas se passer comme prévu. Sur trame de trahisons, de bouleversements politiques et sociétaux, Zachariah va devoir transcender tout ce qu’il a appris et faire de nouvelles alliances pour survivre et découvrir des informations capitales. The Technomancer fait le pari de se positionner non comme une suite, ni un préquel, mais bien comme une histoire alternative à celle de Mars Wars Log. Au lieu de suivre un destin au sein de la corporation Aurora, The Technomancer propose de le vivre du côté d’Abondance. Et il faut le dire, le jeu est accessible pour tous mais n’explique pas toujours des évidences énoncées dans Mars War Logs. Certains joueurs pourront donc se sentir lésés. L’histoire n’est pas haletante, elle ne possède pas les ressorts scénaristiques qui incitent à jouer avec une passion débordante. Tout en restant modeste, elle offre néanmoins son lot de rebondissements (et on est loin de toujours les deviner). D’autant qu’elle suit l’essence de ce corps particulier qu’est celui des Technomants, oscillant entre bataillon militaire et cellule du savoir. Et comme la petite histoire s’imbrique dans la grande, le jeu n’aura de cesse de mettre en parallèle Abondance et Aurora pour leurs systèmes politiques et sociaux éloignés. The Technomancer ne fait pas dans les bons sentiments, la dure vie sur Mars est sans cesse mis en avant. Humains, technomants, mutants ont autant de raisons de s’envier que de se redouter.
Du côté des personnages, Zachariah le technomant est bien entendu la tête d’affiche. Il est d’ailleurs sommairement personnalisable en début de partie. Sans être totalement dépourvu de charisme, il lui manque une petite étincelle pour en faire un personnage culte. Pour contrebalancer ce héros mi-chaud mi-froid, vous pourrez compter sur des compagnons glanés ici et là sur la carte. C’est une petite équipe qui s’offrira à vous et dans laquelle vous pourrez piocher pour choisir deux compagnons en combat. Il faut l’admettre, ce sont eux, avec leur background et leur caractère qui sont les plus intéressants. Ils se confieront à vous, solliciterons votre aide et vous pourrez même vivre une romance avec certains d’entre eux. A ce titre, Amelia Reacher à mes faveurs pour son franc-parler et le « bébé » qu’elle conduit. A la manière d’un RPG Bioware, chacun trouvera midi à sa porte. S’il est évident que tous les personnages ne vous plairont pas, la diversité des profils devrait néanmoins vous permettre d’en aimer au moins un. Du côté des antagonistes, il y a une tripotée de raclures détestables qui devraient vous motiver à castagner des têtes. Et au milieu de ce bourbier, certaines présences remarquées auront le don de rayonner. C’est par exemple le cas du « Prince marchand« , mélange de rastafari et de stratège aux intentions voilées. Comme on dit ici-bas, ce n’est pas l’emballage qui fait la barre chocolatée…
Faire la quête : Karmagedon !
The Technomancer est un RPG traditionnel avec son lot de quêtes principales et secondaires. Quêtes optionnelles qui avouons-le, ne sont pas le fort du jeu. Certaines sont intéressantes, mais le gros du problème repose sur les allers-retours incessants à réaliser sur la carte. Ce qui pourrait encore passer si certaines quêtes ne vous forçaient pas la main. Par exemple, les quêtes liées aux compagnons vous obligent à garder le personnage concerné dans votre équipe jusqu’à l’achèvement de la mission. Il faut le dire sans détour, les envies de meurtre se feront sentir parfois. Autant les quêtes secondaires sont « souvent » bien renseignées, autant les quêtes principales se contentent d’un objectif en cinq mots et aucune autre indication. Si vous avez eu le malheur de ne pas bien tendre l’oreille au détour d’un dialogue anodin, vous allez vous en mordre les doigts. C’est ainsi qu’une très énervante Valley m’a fait fouiller la carte de Mars sous toutes ses coutures parce que l’objectif était minimaliste à souhait et les possibilités sur le terrain très limitées. Alors quand un garde vous dit pour la vingtième fois « Vous ne pouvez pas entrer…« , l’hystérie dévastatrice n’est pas loin. En réalité, il s’agissait d’un bug de quête. Sur le même principe, certaines quêtes vous laisseront dans le flou, si bien que le joueur peut se demander si elles sont buguées. Mais il s’agit en fait bien souvent d’un morceau de la quête qui s’actionnera quand vous aurez avancé un peu plus dans le jeu. Si les quêtes sont rébarbatives, elles ont cependant le mérite de faire la part belle aux dialogues, et aux choix. En effet, The Technomancer offre un système de Karma. L’eau et la vie sont précieuses. Quand un adversaire est neutralisé, il est possible de l’achever et d’en retirer ainsi du sérum, nécessaire pour acheter et se faire des soins. C’est donc tout autant la monnaie qu’un composant essentiel pour le craft. Si tuer permet de s’enrichir, cela donne aussi un mauvais Karma et certains de vos compagnons ne pourront être qu’en désaccord avec vous. Outre, l’aspect vie / mort, le Karma sera positif ou négatif en fonction de vos choix moraux qui interviendront dans le dénouement des quêtes. De la même façon, vos décisions influeront sur le relationnel que vous entretenez avec les différentes factions qui pourront être hostiles, suspicieuses ou à l’inverse, en bons termes, voire amicales. Les PNJ n’auront pas les mêmes réactions selon votre réputation.
Pour obtenir de nouveaux équipements, de l’expérience, la loyauté de vos compagnons, des factions, ou même repousser vos limites, les quêtes seront incontournables. Et c’est là où le bât blesse ! Les quêtes vous obligent souvent à passer d’une ville à l’autre. La raison ? The Technomancer fait le choix à l’ancienne de zones couloirs (à la manière d’ailleurs d’un Kotor). Une ville sera divisée en zones, et vous ne pourrez y accéder que par les entrées et sorties en bout de carte. Pas de problème, mon colonel ! Mais si on vous dit qu’il y a une armada d’ennemis qui sévira à chaque passage avec un taux de repop digne des MMORPG les plus sombres et d’un trajet souvent long et fastidieux (malgré le sprint), on passe de Colonnel John Hannibal à Colonel moutarde ! Qu’on se le dise d’ailleurs The Technomancer n’est pas moche, il n’est certes pas au niveau des AAA actuels, mais il propose sur PC des visages souvent soignés et des décors avec des effets réussis (sable, rouille…). Les graphismes pêchent davantage du côté des textures comme celles des vêtements qui donnent parfois une sensation étrange que le corps et le visage ne sont pas solidaires. Cette parenthèse des graphismes faite, nous pouvons en revenir à la dynamique de l’exploration. La carte de Mars propose quelques villes où l’on peut aller et venir à son aise avec son lot de commerçants, de « donneurs de quêtes », d’établis, de sorties, d’ennemis… Et des zones qui ne sont accessibles qu’une seule fois. Autant la décision de faire un rpg qui n’est pas un open world est respectable, autant on regrettera que les zones ne soient pas aussi riches et accessibles au gré des envies. Le cycle jour / nuit / mi-journée est appréciable, parce qu’il permet de ne pas trop se lasser des environnements dans lesquels Zachariah passe et repasse inlassablement. Il est difficile de varier un territoire comme celui de Mars, mais il faut reconnaître que la « ville marchande » a son petit cachet oriental qui contraste avec le style plus empire galactique de la première. La durée de vie de The Technomancer tourne autour des 40h-45h pour celui qui fera les quêtes annexes, explorera et farfouillera pour des composants. La rejouabilité est bien présente notamment avec les différents choix dans les missions, les romances, les points de talents comme le charisme ou les sciences qui impactent les dialogues. Le rapport durée / prix sur PC est honnête avec un prix de lancement de 38,24€ sur Steam. Sur console, c’est une tout autre histoire…La bande-son assez atypique d’Olivier Deriviere (Remember Me) aura le mérite de renforcer les différences culturelles des lieux et d’instaurer une ambiance. Le doublage anglais est plutôt agréable à l’oreille. Le reste ne sera malheureusement que désert, désolation et débris…
Esquive-moi si tu peux !
The Technomancer récupère le gameplay combat de Mars War Logs, à savoir ceux de l’action-RPG axé sur le sens du bon timing, de la réactivité et de l’esquive. Là où Mars War Logs proposait trois arbres de compétence (combattant, Technomant et renégat), The Technomancer en fournit quatre : Guerrier, Technomant, Roublard et Gardien. A chaque style de combat s’associe une posture, un type d’arme et une philosophie.
- Le Guerrier fait intervenir le bâton et la fluidité des mouvements (une attaque rapide, une attaque de zone et une attaque déstabilisante)
- Le Roublard s’appuie sur le pistolet et la dague pour allier rapidité et attaques à distance (une attaque de taille, une attaque d’estoc et un tir au pistolet)
- Le Gardien se repose totalement sur l’usage d’une masse et d’un bouclier pour encaisser et contre-attaquer (un coup de masse, un coup de bouclier et une garde au bouclier)
- Le Technomant étant un peu à part, puisque impliquant des pouvoirs utilisables avec les trois styles (les pouvoirs peuvent être assignés via l’onglet Technomant)
A tout moment pendant un combat, il est possible de switcher entre les trois styles. C’est sans doute la partie de gameplay dans laquelle The Technomancer excelle le plus car les combats sont plus techniques qui n’y paraissent ! La personnalisation des arbres de compétence permet d’ajouter de nouvelles attaques actives, des buffs et améliorations passives. En prenant des niveaux, le joueur reçoit un point de compétence et un niveau sur deux, un point d’attribut (force, agilité, pouvoir, constitution) et un point de talent (charisme, science, artisanat, furtivité, crochetage, exploration). Les attributs influeront directement sur les combats alors que les talents auront plus une incidence sur les quêtes, les loots et l’artisanat. A ce sujet, The Technomancer connaît quelques bugs rares mais bien pénalisants. Ainsi, impossible pour moi de débloquer toutes les compétences de Guerrier sans faire cracher inlassablement le jeu avec le magnifique « The Technomancer a cessé de fonctionner« . Le patch day One corrigera le problème, et c’est sans doute ce qu’il faut entendre par la mise en garde de l’éditeur : « The version you will be reviewing with the code below is still being worked on at the moment, as a few fixes still need to be implemented« . Dans la catégorie bugs très gênants : l’ouverture de la carte de zone. En voulant naviguer dessus, il n’était pas rare de tomber sur une fermeture sauvage du jeu. L’optimisation sur PC est encore un peu hasardeuse et cela se ressent par quelques micro ralentissements inexpliqués.
Les combats dans the Technomancer sont dynamiques, ils ne pardonnent pas l’erreur. Même en étant bien équipé et avec un niveau avancé, il n’est pas rare de prendre une correction au détour d’un couloir. Dans ces cas-là, il convient de dire que l’on a été trop entreprenant, attaquant de front avec ses compagnons sans user et abuser d’un déplacement précieux : l’esquive. Un mode furtif existe aussi, bien utile si vous voulez passer sans combattre. Dans le pire des cas, la course vous sera d’un grand secours. En jouant Guerrier, l’esquive et les contre-attaques avec le bâton se transforment en combat jedi ! Loin d’être déplaisant à ce sujet, The Technomancer est particulièrement exigeant : il faut être mobile, alerte, utiliser les différentes attaques à bon escient et surveiller la barre de vie des compagnons. Quand une esquive ou un coup critique est réussi, on a le droit à un ralentissement du temps plutôt stylé ! Le Gardien est sans conteste le gameplay le moins évident à maîtriser, parce qu’il est plus lourd dans ses mouvements et laisse moins de marge pour contre-attaquer. Les combats étant en temps réel, en équipe et avec une vue troisième personne, il faut être vigilant dans la démarche à suivre. Il aurait vraiment été sympathique de pouvoir donner des ordres à ses alliés, parce qu’avouons-le, ils ne se positionnent pas toujours très bien et finissent souvent morts en premier. L’IA n’est pas foncièrement mauvaise, parce que les compagnons savent aussi vous sortir du pétrin mais en face… les ennemis sont souvent très bons. Même en normal, dans les premières heures du jeu, une mission « de sauvetage » vous donnera du fil à retordre et comme entrée en matière, c’est assez violent. Le bestiaire est d’ailleurs constitué de créatures mutantes qui ont chacune leur force et leur faiblesse. A ce petit jeu, les humanoïdes peuvent être les plus coriaces, même si en y repensant, c’est un certain « crapaud » qui m’a donné le plus de fil à retordre. On ne le répétera jamais assez mais l’esquive, les injections de soin et une bonne analyse du contexte seront décisives. Tout comme les multiples sauvegardes…
Le Technomant artisan
Comment survivre sur Mars ? Certainement pas en se faisant dorer la pilule au soleil (sauf si vous désirez mourir) ! Plus vous jouez dans un niveau de difficulté élevée à The Technomancer, plus il sera primordial voire indispensable d’explorer, de tuer des ennemis pour récupérer de l’équipement et des matériaux. D’ailleurs, les armes, les armures, vêtements et autres joyeusetés pourront être recyclés pour collecter toujours plus d’ingrédients (cuir, quincaillerie, pièces de métal…). L’avantage dans The Technomancer c’est qu’il y a un onglet prévu spécialement à cet effet dans l’inventaire, ce qui rend l’espace très ordonné. On ne peut pas rêver d’un inventaire mieux conçu. Le sac regroupe les consommables et les ingrédients. Les armes et différentes parties d’armures / vêtements sont regroupés dans l’onglet équipement. Il suffit ensuite de cliquer sur les pieds pour trouver toutes les bottes, sur la main pour avoir la liste des boucliers et des pistolets etc… Pour faire évoluer l’équipement, il faut d’abord trouver un établi. Un plastron qui pourra être amélioré possédera un ou plusieurs emplacements vides. Avec des plans, il sera possible d’ajouter de la réduction de dégâts électriques, physiques, au poison, ainsi de suite. Pour une arme, ce sera l’augmentation des dégâts, de l’interruption…
Une amélioration possède 3 niveaux. Mais pour pouvoir utiliser des améliorations de niveau 3, il faudra non seulement avoir acheté les plans à un marchand mais en plus avoir débloqué le talent artisanat. Le craft est efficace sans être renversant, on se prête à explorer et à recycler pour toujours plus d’améliorations. De prime abord cela pourrait paraître « gadget » si les combats les plus complexes ne reposaient pas sur cette notion même de craft. Il suffit d’un boss, d’un ennemi mieux équipé, plus adroit, de bandes armées pour que la situation soit à votre désavantage. Je ne compte même plus les fois où le craft m’a sauvée, notamment parce que c’est le seul endroit où l’on peut se procurer des injections de soin. Oui, Zachariah en récupère ici et là sur certains ennemis qu’on peut fouiller mais aux vues de ce qu’un combat peut coûter en injection, il vaut mieux être prévoyant. Par ici la monnaie, une injection coûte 30 sérum ! Eh oui, la vie est injuste, les plus riches enterreront tous les autres ! A moins que cela ne soit le plus patient et travailleur qui est récompensé d’avoir erré comme une âme en peine dans les déserts sordides de Mars…
The Technomancer est à l’image de son prédécesseur, ambitieux mais qui ne s’est pas totalement donné les moyens de l’être concrètement. S’il n’est pas le jeu de l’année et encore moins celui de la décennie, il dispose d’un capital sympathique et d’un gameplay pour les combats qui est au point. Reste qu’il faudra passer outre le système éreintant de quêtes, les cartes cloisonnées qui manquent de tonus et de libertés et les quelques bugs agaçants. Si vous êtes parvenus à faire abstraction des défauts du jeu, il se pourrait bien que l’histoire des Technomants, les personnages secondaires et les combats avec une vraie difficulté vous plaisent. Spiders n’a pas corrigé tous les défauts présents dans Mars War Logs, souhaitons qu’il y ait un « jamais deux sans trois » mais cette fois-ci avec une évolution plus marquée !