Après 60 heures de jeu, voici un petit article isolé pour comprendre pourquoi No Man’s Sky a été un échec, tant au niveau de son lancement que du jeu en lui-même.
Vous n’imaginez même pas à quel point écrire ce titre me peine profondément. Pourtant, fan de jeux spatiaux (je suis un joueur très régulier d’Elite : Dangerous depuis quasiment sa sortie) et de craft, je recevais chaque trailer avec une excitation fébrile qui ne faisait qu’accroître mon impatience. Même si la communication d’Hello Games paraissait plutôt obscure pour certains, les promesses n’en étaient pas moins claires : de l’exploration, du craft, du combat et de la survie en solo. En effet, il avait été précisé assez tôt qu’il ne fallait pas s’attendre à une expérience multijoueur mais bien à une aventure solitaire du genre Man vs Wild de l’espace. Rencontrer des races aliens, apprendre leur langage et commercer avec eux permettait d’atténuer un peu la solitude et promettait de varier un peu l’expérience. Tout ça, c’était la théorie. Au final, la sortie avait été retardée de deux mois et s’annonçait chez nous début août. Pourtant, dans l’ensemble, les promesses ont bel et bien été tenues, et pourtant No Man’s Sky garde un arrière-goût d’échec. Faisons un bilan ensemble.
L’aspect technique
Premiers constats : les bugs foisonnent. Bon, je n’évoquerai pas les quelques cas d’avant-postes positionnés de traviole ou de caisses en lévitation parce qu’une génération procédurale aussi vaste n’exclue pas quelques loupés et puis bon, il faut bien avouer que ce genre de bugs sont assez rares. Par contre, niveau optimisation, c’est autre chose. Après avoir été reculé de deux mois, le jeu sort dans un état qui n’est pas exceptionnel. Que ce soit sur PS4 ou PC, No Man’s Sky souffre de ralentissements, de crash brutaux et autres. De plus, les trailers nous montraient quelque chose de fluide, sans transition ni aucun chargement. On voyait le joueur entrer dans le vaisseau, décoller, sortir de la planète et se poser sur une autre, et tout ça à la suite ! Là c’est pareil, mais avec des ralentissements bien violents, et un clipping assez horrible quand le terrain se crée devant nous. Dans les vidéos de présentation, si l’on regarde bien, cet effet est présent, mais beaucoup plus discret. Là… on ne peut juste pas le rater tellement il prend tout l’écran.
Une version PC désavouée
Alors soyons clairs directement : non, la version PC n’est pas inférieure à la version console, mais elle a souffert de plusieurs facteurs assez handicapants. Premièrement, le retard de sortie. Parce que oui… les joueurs PS4 ont pu jouer 2 jours avant les PCistes. Raison ? Bah … bonne question. Sean Murray s’était contenté de commenter le retard par un banal « on veut que le jeu soit le meilleur possible » enfin comme d’habitude quoi. On va dire que depuis le retard de deux mois de Final Fantasy XV pour incorporer un patch Day One au Blu-Ray, on va dire qu’on va oublier toute logique. A la limite, je proposerai bien maintenant qu’un développeur annonce un retard comme ceci : « ouais … c’est retardé… Et alors ? Lol. Bisous ». Au moins, il y aurait une certaine forme d’honnêteté. Mais bon passons, on ne va pas non plus faire un scandale pour deux jours. Par contre, qu’une partie des joueurs aient été obligés de suivre les conseils d’Hello Games qui auraient pu se condenser dans un fichier intitulé « Lancer No Man’s Sky pour les nuls » c’est un peu plus problématique. Bon là encore on pourrait dire « c’est bon, deux jours après il y avait pu de soucis ». Dans la même veine, que ceux qui ont réussi à le lancer tout de suite (comme moi) soient tombés sur une version ralentie à l’extrême et proprement injouable, ça c’est autre chose. Encore fallait-il remarquer que les options étaient trop feignantes pour évaluer votre configuration, et se sont contentées de tout régler au minimum. Du coup, on se retrouvait limités en graphismes bas à 30 FPS. Il fallait juste demander au jeu de s’afficher correctement. On pourrait, là aussi, dire qu’il suffisait de configurer les options et que le souci était réglé. Alors certes, on pourrait … Mais ça fait quand même beaucoup de conditionnel pour un jeu qu’on a payé 60 balles !
Un triple A indépendant ?
Vous avez sans doute déjà remarqué que Battlefield 1 (sans ses DLC, haha) se vend en précommande bien plus cher que l’excellent The Banner Saga 2. La raison est simple : BF 1 est ce que l’on appelle communément un « Triple A ». C’est-à-dire un jeu édité par un studio d’importance internationale (EA dans le cas présent), avec beaucoup de fric dépensé (bien souvent même plus en marketing qu’en développement du jeu) pour en récolter encore plus. Un jeu indépendant, au contraire, est un jeu développé et édité par un studio de petite ou moyenne importance qui n’a techniquement pas de compte à rendre à un éditeur tiers. Il faut préciser aussi qu’en général, un jeu indé qui marche, réussit grâce à un succès critique et d’estime de la presse (peut-être) mais surtout des joueurs ! La raison est simple : les studios indépendants ont rarement plusieurs millions à dépenser pour la pub. Pour No Man’s Sky, le cas est assez particulier, puisque les joueurs ont pu découvrir le jeu lors des conférences Sony à l’E3. Ici encore, cela s’explique facilement : le constructeur de consoles finance le portage pour sa machine et la com (estampillée PS4 forcément) mais pas plus. Ils ne donnent pas d’argent pour le développement, et n’interviennent pas dans son processus de création. Donc là, on a affaire à un jeu qui a la com d’un triple A, mais avec le développement d’un jeu indé, puisqu’en effet, Hello Games est le studio qui a développé le jeu, mais qui l’a aussi édité. Bon, la com monstrueuse c’est une chose, déjà il y a confusion dans l’esprit des joueurs, mais vu le prix, on ne va pas s’étonner que les joueurs n’aient pas été tendres avec le jeu. En effet, No Man’s Sky a été lancé à 60 euros sur PS4, mais encore pire : à 60 euros sur PC, parce que si vous avez jamais remarqué, en général, même les triple A sortent moins chers sur PC. Faire payer un jeu au prix fort, pourquoi pas, mais indé ou non, à ce prix, il n’a pas le droit à l’erreur. Il doit être en effet excellent pour faire oublier aux joueurs les multiples problèmes de lancement après autant de facteurs, et surtout un prix assez élevé. Et là, c’est le drame…
Randonnée spatiale simulator
A partir de là, on est arrivé à la conclusion que si le jeu n’est pas irréprochable, il se gaufrera plus vite que le Virtual Boy (la réalité virtuelle lancée par Nintendo en 1995). Et en effet, No Man’s Sky n’est pas excellent. Il tient ses promesses, mais tellement au minimum syndical que cela ne suffira pas. On promettait de l’exploration, et il y en a. Du combat spatial ? Aussi ! Du craft ? Pareillement ! Alors qu’est-ce qui cloche ? Chaque élément du jeu est développé de façon extrêmement superficielle. Au début du jeu, on répare notre vaisseau, du coup on cherche du minerai que l’on trouve toujours au même endroit. Ensuite on marche, on scanne tout ce que l’on trouve pour se faire du fric, au détour de nos explorations on trouve des plans pour améliorer notre multi-outil (qui récolte, tire, scanne, fait le café…) mais aussi notre combinaison et notre vaisseau. Quand on a assez d’unités (monnaie du jeu) on peut acheter n’importe quel vaisseau croisé sur station spatiale (ou dans les avants-postes) en demandant simplement au pilote quelque chose du genre « Hey le bouseux, tu le vends combien ton gaufrier volant ? » Et là, le type te balance un prix, tu payes et bim … nouveau vaisseau. Sachant que la seule chose qui change c’est les emplacements libres (ceux qui ne sont pas utilisés pour construire un élément du vaisseau serviront de place dans la soute). Et ainsi de suite pendant 10-15 heures jusqu’au moment où l’on se rend compte que ça ne sert plus à rien de crafter quoi que ce soit vu qu’on n’est jamais en danger. La moindre bestiole qui attaque peut être tuée en genre 5 secondes, la plus grande tempête de radiations peut être inoffensive grâce à un module de combinaison qui va bien, et le vaisseau est immortel dans l’espace puisque quand le bouclier est épuisé, on peut tranquillement le recharger en utilisant les matières premières. Du coup… je crois être mort une ou deux fois au départ quand j’étais encore en mode « Homme en slip dans l’espace » (et encore je n’avais pas compris que le bouclier se rechargeait avec des ressources) mais sinon… je n’ai jamais eu aucune sueur froide. Ce qui manque le plus dans No Man’s Sky c’est bien plus que de la difficulté : de l’enjeu. Parce que se battre dans l’espace ne sert à rien, on se fait juste de temps en temps agresser, et c’est tout. Pas de missions, de chasse à la prime, rien ! Au bout d’un moment, quand on a tous les plans disponibles (et qu’on ne fait que looter des doublons inutiles en boucle), explorer les avants-postes ne sert plus à rien non plus. Du coup, il ne nous reste plus qu’explorer pour … ben explorer. On marche, on scanne, on donne des noms épiques à des systèmes solaires (genre Mulin du Centaure) ou des planètes inutiles (genre Pôle emploi). Et au final avec la com dantesque, on peut aisément comprendre que certains s’attendaient à Star Wars et qu’ils ont été déçu devant « Randonnée Spatiale Simulator ».
L’effet Murray
Dernier point qui cloche : ce qu’on va appeler « l’auto com ». Parce que oui la campagne marketing de Sony était cool, voilà le jeu est beau, plein de trailers, la musique sympa, tout ça. Mais quand Sean Murray, le CEO d’Hello Games commence à parler, c’est un peu autre chose, parce qu’entre les excuses semi-foireuses sur le lancement, les trucs de grand-mères pour réussir à lancer son jeu sur PC, les patchs qui corrigent 15 millions de petits trucs (preuve que ça aurait pu largement être fait avant), quand le bonhomme s’exprime il en ressort pas toujours de la fiabilité. Pourtant au départ, il passait plutôt bien : gueule plutôt sympathique, reconnaissable, il parlait de son jeu avec une certaine passion et semblait convaincu qu’il faisait un truc épique, bref : il avait l’œil du tigre ! Mais quand on voit le résultat, et qu’en plus le mec continue de réagir comme si son bébé était une réussite… Quand on voit les réactions des joueurs, qui rappellent presque celles observées au lancement d’Assassin’s Creed Unity, le fait que le jeu enregistre des demandes de remboursement abusives et que les articles spécialisés qui prouvent le désastre se multiplient, on se demande un peu à quoi il carbure. Le point culminant de cette auto com désastreuse aura été la déclaration peu avant la sortie comme quoi les ajouts faits au jeu seront entièrement gratuits. Créations de base et autres nouveautés seront disponibles en simples patchs. A peine on avait eu le temps de bafouiller un « Merci Mr Murray » qu’on se retrouvait à dire « Merci l’effet Murray » de façon extrêmement blasée. En effet, à peine une semaine après ses autres déclarations, notre CEO de la loose déclarait qu’il avait peut-être été naïf et que du contenu serait bel et bien payant. Ok. Balle de match.
No Man’s Sky est un cas d’école comme j’en ai rarement vu. Il ne pourrait pas exister un écart aussi grand entre le génie de l’idée de base et son application. Car dans les faits, oui, ce qui avait été annoncé a bien été appliqué (et l’utilisation de la génération procédurale est une prouesse technique d’ailleurs), mais juste en surface. C’est un peu comme si vous aviez l’idée géniale de vous balader un dimanche aprem. Vous prenez la voiture, tout content, et vous roulez. Une fois 150 km parcouru, vous vous rendez compte que vous avez roulé en ligne droite et qu’à part ça vous n’avez rien fait d’autre. Techniquement, vous avez appliqué votre idée géniale, mais de façon tellement superficielle. Si vous aviez réfléchi un peu vers quelle direction aller, si vous aviez un peu creusé l’idée, vous auriez passé un très bon dimanche, mais là hélas, vous n’avez fait que perdre votre temps. Pour que No Man’s Sky soit un jeu réussi, Il aurait fallu des factions, des missions aléatoires, de la difficulté, une progression longue et logique, des trucs qui se passent, de la vie, tout ça…. Parce qu’en effet, même sur Elite : Dangerous je vois des joueurs blasés qui ont le meilleur vaisseau du jeu et qui ont l’impression d’en avoir fait le tour, mais au bout de plus de 1 000 heures de jeu, pas de 15. En gros ce qu’il aurait fallu à Hello Games, c’est réfléchir à ce qu’est un jeu, comment on donne envie au joueur de continuer à jouer, comment on suscite son intérêt, comment rendre le jeu addictif, comment rendre le gameplay amusant mais aussi pertinent avec les objectifs que le jeu donne au joueur, et ce même si c’est le joueur qui doit s’imposer ses propres objectifs (ce qui est souvent le cas dans un jeu sandbox). Mais là, non. L’idée était bonne, alors ils l’ont appliquée, et ils n’ont pas été plus loin. On va rester positif quand même avec No Man’s Sky : l’idée était bonne et elle peut donner de l’inspiration. Peut-être que d’autres studios vont avoir envie d’utiliser la génération procédurale pour faire des jeux avec un univers infini et passionnant où il y a plein de choses à faire. Imaginez un genre de mmo sur ce principe (Dual Universe par exemple) ! On peut aussi, pourquoi pas, espérer qu’Hello Games bosse sur son jeu pour le rendre tel qu’il aurait dû être ! Mais en même temps, l’effet Murray….