Après une bataille collective du clan Serizawa, le tome neuf de Chiruran édité par Mangetsu propose un duel dans la plus pure tradition des films de samouraïs. Soyez prévenus, le sang va couler dans cette chronique.
Le passé d’un démon
Depuis plusieurs tomes, le conflit larvé est devenu ouvert dans la milice du Shinsen Gumi. D’un côté, le camp Kondô promeut des valeurs positives et collectives. De l’autre le groupe Serizawa rassemble un groupe hétéroclite de mercenaires recherchant le pouvoir. Cependant, après la montée des tensions entre les deux gangs, le scénariste Shinya Umemura revient quinze ans dans le passé. Chiruran se passe à l’apogée des samouraï. Dans la salle d’entraînement du maître Takahata, le jeune paysan Kumetarô est en admiration devant eux. Il veut les imiter. Pourtant, il deviendra Nishiki Niimi, un voleur ne respectant ni ses adversaires ni ses alliés. Comment expliquer cette déchéance morale ? Sans vous spoiler, on pourra juste vous dire que ce changement est lié à la cicatrice barrant son visage et le faisant ressembler à un Joker nippon.
Un octogone sous l’orage
Ce passé s’efface pour dévoiler un affrontement dantesque enter Niimi et Hajime Saîto du clan Kondô. Tous les ingrédients d’un excellent film de samouraï sont rassemblés dans Chiruran : de nuit et sous la pluie, deux bretteurs aguerris se retrouvent, l’un voulant venger la mort d’un des siens. La technique est mise en avant par des attaques secrètes. Cependant, le combat n’est pas seulement un affrontement physique mais aussi psychologique. Niimi sait déstabiliser l’adversaire au bon moment pour l’emporter. On retrouve au départ l’opposition entre le bon toujours imperturbable et le méchant manipulant les émotions. Comme souvent dans Chiruran, le scénario montre que cette distinction binaire est fausse. Entrer dans un clan n’est pas une question de morale mais d’occasion. L’enfance explique pour beaucoup les choix des adultes. On comprend que les samouraïs ne sont pas si éloignés de la mafia de Golden Guy. Ils assurent la protection des paysans autour contre le paiement d’un tribut. De plus, le « bon » Saîto recourt à la torture pour venger la mort d’Eisaburô.
Et ce n’est que le début
Ce duel n’est qu’une nouvelle étape avant le déchaînement de violence prévu contre Kamo Serizawa et son clan. Hélas, le camp Kondô n’est pas favori car, en prévision de la lutte à venir, Serizawa fait venir des renforts de province et le lecteur rencontre d’ailleurs les sept démons du Mito Tengu-To. Cette ambiance pesante n’empêche pas Chiruran d’avoir des passages plus légers. Toshizô Hijikata a un égo si surdimensionné qu’il est ridicule et l’épisode bonus l’illustre lors d’une lutte pour un dessert. Ces multiples registres sont très bien rendus par le dessinateur Eiji Hashimoto. Des images sont frappantes comme celle d’un sabre rentrant dans la bouche d’un enfant. Ses scènes de combat sont toujours efficaces. Les coups de sabres ressemblent à des entailles au scalpel dévoilant les entrailles. La mise en page plonge le lecteur dans des combats très lisibles. Les visages et les tenues des combattants sont à la fois réalistes et cartoonesques. Les décors distillent une ambiance prenante avant un combat ou un cadre plus apaisée lors de discussions.
Comme à chaque tome de la série, Chiruran prouve qu’elle est une brillante réussite. On pourra trouver des séries historiques plus précises et des récits de samouraï plus profonds mais aucune série actuelle n’est aussi fun à lire et ne propose une galerie si dense de personnages. De plus, chaque tome se clôt par un cliffhanger de malade qui vous oblige à attendre des semaines avant de lire la suite. Cette série est une torture.