Un artiste incendiaire dans Le mandala de feu

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Après Chiruran, le nouvel éditeur Mangetsu continue le lancement de ses premières sorties par Le mandala de feu. Vous pensiez que la vie d’un peintre est ennuyeuse ? Changez d’avis par cette biographie flamboyante de Tôhaku Hasegawa.

La biographie d’un artiste

Le mandala de feu dépeint la vie d’un artiste méconnu en France mais considéré au Japon comme une référence des fresques murales. Ses paravents, ses effets de matière et sa maîtrise de la peinture monochrome venue de Chine en ont fait un maître. Pourtant sa vie mal connue offre au scénariste et dessinateur Shimomoto Chie une très grande liberté. Son lieu de naissance est douteux et on ne sait pas exactement qui l’a formé. Il est cependant connu pour son esprit indépendant qui peut évoquer celle du peintre italien, le Caravage. Dans Le mandala de feu, Tôhaku Hasegawa part à Kyoto pour recevoir l’enseignement d’Eitoku Kanô mais il est rejeté par le maître. En le suppliant de changer d’avis, il démontre son dévouement absolu pour la peinture… en vain. Ce refus bloque l’artiste en le faisant douter. Quand il a 44 ans, l’incendie du château d’Azuchi sera le déclencheur de son inspiration.

La révélation dans Le mandala de feu

Au-delà de la biographie, Le mandala de feu est une réflexion plus générale sur l’art. Père de famille célibataire, Tôhaku vivote par l’illustration de cartes à jouer mais méprise cette œuvre commerciale. Il ne semble plus avoir d’idée et le mangaka nous questionne alors sur l’origine de l’inspiration. Plutôt que de fuir les flammes, Tôhaku rentre volontairement dans le palais en feu pour voir une œuvre d’Eitoku Kanô. Cet événement certes dramatique mais banal à l’époque, a ouvert l’esprit de l’artiste en lui montrant des possibilités nouvelles. Son corps reçoit le feu de l’inspiration et il n’a plus qu’à le transférer dans ses toiles. Cependant, l’inspiration ne suffit pas et ce volume montre bien que la peinture au-delà d’huile est composée de beaucoup de sueur et de larmes. En effet, Tôhaku a tout sacrifié pour relancer sa carrière y compris la santé de sa première épouse et celle de son fils. On sourit aussi souvent de son inaptitude à faire des activités quotidiennes ou à respecter les conventions.

Être au niveau d’un génie

Quand il fait le récit d’un peintre en bd, le dessinateur a forcément la pression. Avec ses moyens, saura-t-il se mettre au niveau ? On comprend cette recherche par les références que cite Shimomoto Chie en fin de livre. Forcément, on navigue sur internet pour comparer avec son dessin. Malgré cette pression, le dessinateur réussit à impressionner le lecteur par des pages incroyablement belles tout au long du récit. Comme Tôhaku, on est soufflé par la vision divine qu’il reçoit dans le château. Par différentes perceptions d’un papier peint, il nous fait rentrer dans la vision de l’artiste. Mais, au-delà de la maîtrise technique, un autre problème se pose : le mangaka doit-il singer le maître ou tenter de préserver son style ? Shimomoto Chie ne tombe pas dans le piège de l’illustration car chaque case s’insère dans un récit global. Même si chaque élément est très précis, le dynamisme est toujours mis en avant par le cadrage et la mise en page.

Une page de toute beauté dans Le mandala de feu

Le mandala de feu est au premier abord une plaisante plongée dans la vie d’un artiste. C’est encore plus une réflexion sur l’inspiration et la difficulté pour un artiste de se confronter au monde réel. Alors que les autres fuient une menace, Tôhaku Hasegawa trouve une nouvelle vie au milieu des flammes. Ce récit complet est donc un vrai plaisir de lecture mais prenez garde en refermant ce volume car à l’image de l’artiste vous pourriez recevoir une vision déclenchant votre inspiration.

Si cette chronique vous a intéressé, vous pouvez lire la chronique du premier tome de Chiruran sorti chez le même éditeur et Les délices de Tokyo sur une autre forme d’art, la cuisine.