Dans ce huitième tome, la série Chiruran franchit une nouvelle étape. Ce ne sont plus seulement quelques samouraïs qui s’affrontent, mais la guerre totale est déclarée entre les clans mafieux. Découvrez dans la chronique si ce changement marque une progression pour la série.
Fini de rire
Chiruran suit le clan mafieux Kondô pour le contrôle du groupe mafieux du Shinsen Gumi et ce nouveau tome marque une rupture. Si vous avez lu la chronique précédente de cette série éditée par Mangetsu, vous savez qu’une guerre se prépare à l’intérieur du Shinsen Gumi. Le groupe de Kondô est endeuillé depuis le meurtre d’Aijirô Sasaki par Matasaburô Saeki. Cet évènement transforme une concurrence agressive entre les deux branches d’une même mafia en une bataille rangée autour de trois groupes : le clan de Kondô, le groupe de Serizawa et le groupe plus proche de l’empereur de Niimi. Plus que le clan Serizawa, c’est la concurrence entre Kondô et Niimi qui est au centre de ce volume. Les personnages se multiplient donc et le portrait de chacun en début de tome devient de plus en plus indispensable. Les stratégies deviennent plus collectives. Ce n’est donc plus le talent individuel qui compte, mais l’effectif des troupes. Hélas, le clan Kondô est peu nombreux face à ses concurrents.
Le jubilé impérial
Le scénariste Shinya Umemura fait également entrer le pouvoir impérial dans l’arène faisant de Chiruran un manga au contexte plus historique. On voit les liens avec Keiji, l’autre série historique de Mangetsu. Le pouvoir est cependant très affaibli après l’attaque des clans d’Aizu et de Satsuma en 1863. Même si l’armée a su résister, l’empereur confie à la mafia la surveillance de son palais et des rues de la capitale Kyoto. Kamo Serizawa est le gagnant de cette nouvelle donne en devenant chef de la garde. Au contraire, Niimi est écarté de la cour, mais en digne correspondant japonais de Machiavel, il place ses pieds autant du côté de l’empereur que du Shinsen Gumi pour conserver en secret le contrôle. Il ne faut cependant prendre Chiruran comme un livre d’histoire. Ici, des espions sortent littéralement de terre comme une taupe.
C’est à ce moment de l’histoire que l’on peut se poser une question morale : raconter l’ascension d’un clan mafieux est-il justifié ? Il ne faut pas croire que Chiruran plonge le lecteur dans des noirceurs morales, car le groupe central du clan Kondô ne cherche pas le pouvoir, mais à punir les criminels. Ils sont solidaires et honorables alors que leurs adversaires sont des mercenaires toujours prêts à fuir si le combat devient défavorable. Bien que faisant des marginaux de la société, les groupes mafieux japonais sont paradoxalement très hiérarchisés. Le chef qui donne son nom au clan n’est pas contesté. Son autorité est naturelle et ses faiblesses sont un signe d’humanité plus qu’un indice de faibles. Il y a en dessous des vice-commandants, des agents et des apprentis. Le respect des règles est à la base du succès.
Seul contre tous ?
La deuxième moitié de ce tome suit également la trajectoire de Sanosuke Harada que l’on voit sur la couverture avec son arme de prédilection, la faux. Lors du siège d’un palais du clan Kondô, il est la pièce maîtresse. Le dessinateur Eiji Hashimoto le représente comme l’ange de la mort occidentale, mais ses actes font penser à Romulus de la mythologie romaine.
Chiruran reste une série sur des parcours individuels. Dans le clan Kondô, chaque individu a un rôle : Keisuke Yamanami est l’intellectuel et donc le stratège du groupe. Son rôle est encore plus grand ici car il doit compenser leur nombre plus réduit par la connaissance des lieux et la gestion des étapes de l’attaque. Chacun a aussi une arme fétiche. C’est l’occasion pour Eiji Hashimoto de montrer son talent de dessinateur. Il arrive à rendre la stratégie collective et les combats individuels. La représentation des morts par la faux de Sanosuke Harada est particulièrement impressionnante.
Dans ce nouveau tome, Chuiruran franchit une étape vers les séries d’exception. Oubliez les petits combats de rue et découvrez une stratégie complexe pour défendre un palais, mais aussi un plan d’ensemble où trois groupes vont se battre pour être près de l’empereur. Cependant, Shinya Umemura n’oublie jamais de construire des personnages passionnants ou terribles comme le prouve l’image finale.
Vous pouvez retrouver sur ce lien un article sur le premier tome de la série et sur un autre manga historique, Le mandala de feu.