Izu a eu de multiples vies. Passé par le monde des jeux vidéos, l’animation et le monde de l’édition, il a été directeur littéraire aux Humanoïdes Associés et créateurs d’oeuvres aussi diverses que Omega Complex, Devil May Cry ou Ayakashia légende des 5 royaumes. De ces expériences, il a tiré une connaissance fine du monde de la création et du marketing. Alors quand il s’attaque à l’univers des youtubeurs, des influenceurs et des créateurs de contenus dans Talento Seven, paru chez Kana, le résultat ne peut être que décapant, drôle et ultra référencé. Et c’est exactement ce qui se dégage de la lecture de ce premier tome, récit à la mode shonen, nourri de références au manga et aux figures du web qui égratigne les dessous du monde du web tout en célébrant celles et ceux qui contribuent à le faire vivre.
Il faut sauver le youtube games
Adel a un rêve, devenir une star du web. Animé par la passion du retrogaming, il décide de la partager sur l’internet. Mais il a un léger problème. Face caméra, il est rattrapé par ses émotions et est incapable d’aligner les mots. Son destin semble condamné lorsqu’il rencontre lors d’une convention Benzou, un créateur de contenus reconnu membre du talento seven, l’élite des youtoubeurs. Entre le vétéran et le novice, une relation de confiance se construit.
Benzou est en effet en quête de rédemption. Déçu par l’évolution du monde d’internet, il cherche à retrouver la simplicité et l’honnêteté de ses débuts sur les réseaux. Or, ses nouveaux projets sont rejetés par sa direction mue uniquement par la recherche du nombre maximum de vues. Alors quand ses supérieurs lancent un grand concours pour recruter le prochain membre des Talento even, Benzou décide de soutenir le jeune Adel dans sa volonté de percer dans le monde de la création internet.
Talento Seven : de l’autre côté du miroir
Izu propose un récit humoristique dévoilant la réalité de l’univers des créateurs de contenu. Son héros, Adel tel Alice, plonge dans un monde d’illusions. Le monde du web en effet a bien changé. Entre ce que Adel croit et ce qu’il découvre, l’écart est grand. Le temps du web «far west » est révolu. Derrière les créateurs de contenu se cachent des grands groupes multimédia en quête de rendement. Les programmes sont donc choisis en fonction du retour sur investissement, des placements de produit et des enquêtes de satisfaction. Plus de place pour l’originalité.
Ce récit s’intéresse aussi à la construction de cette culture web. Créateurs de contenu, youtubeurs, influenceurs, c’est toute cette histoire récente qui se déroule sous nos yeux à travers le périple d’Adel. En effet, le web est devenu ultra concurrentiel. Il est difficile pour notre héros de percer dans le rétrogaming. De niche, le sujet est devenu mainstream et Talento Seven propose un état des lieux de l’économie du web. Ainsi qu’une réflexion sur la notion du succès. La passion et la générosité suffiront-elles à faire triompher Adel ?
A l’assaut de la popularité
Ce premier tome offre une métaphore grinçante et un peu cynique du monde des influenceurs. En effet les Talento Seven sont adulés par des millions d’internautes et de jeunes vidéastes. Mais derrière les sourires se cache une construction artificielle. En effet Izu compare ce groupe à un boys band dont des agences de communication calibrent la moindre déclaration. Tout est conditionné par un story telling permanent. Ceci pose alors la question de la sincérité des démarches et du courage du mentor Benzou pour s’élever contre ce système.
Ceci amène alors le récit à pointer du doigt les compromissions, les lâchetés que sont capables d’imposer ces géants du multimédia et que sont contraints d’accepter les star du web. Il est impossible d’en dévoiler plus ici mais Talento Seven résonne avec l’actualité récente la plus dramatique. On sent aussi que l’auteur s’est penché sur les débats qui ont enflammé youtube, notamment les réflexions du joueur du grenier sur l’évolution de youtube. Ce qui conduit ce manga à évoquer les différences entre générations notamment leurs rapports à l’internet en décrivant une opposition entre les pionniers devenus stars par accident et les nouveaux venus qui font carrière pour devenir star.
Talento Seven : les gardiens du sanctuaire
Si le propos est parfois amer, le ton de ce manga reste néanmoins très positif. Il est en effet construit dans un esprit shonen. Le dessin accompagne parfaitement cette tonalité porté par Kalon, une artiste qui se définit comme étant de la génération Goldorak et dont la découverte des animes japonais a été le déclencheur de sa passion. Et cela se voit dans sa mise en scène, ses visages, ses univers. Elle reprend tous les codes du genre, multipliant les poses iconiques dignes de Saint Seiya ou de Dragon Ball pour dynamiser le périple d’Adel.
La référence à Saint Seiya ou Dragon Ball n’est pas que visuelle car le héros de Talento Seven doit gravir de multiples étapes, acquérir de nouvelles compétences et affronter ses propres peurs comme de redoutables adversaires. Dans sa quête vers le Graal suprême, il pourra compter sur des mentors Benzou (clin d’oeil au vidéaste Benzaie) et le joueur de la cave (le JDG). Le récit devient dès lors très méta mêlant fiction et introspection du monde de youtube sur lui même. Ce manga n’en devient que passionnant par ce va et vient perpétuel en imaginaire et monde réel.
Talento Seven se présente comme le Bakuman du monde de l’internet. Drôle, incisif, nourri de réflexion et de clins d’oeil, c’est une oeuvre forte dont nous attendons avec impatience la suite.