Dans le monde de Shy, le manga écrit et dessiné par Bukimi Miki, les super-héros sont une sorte de conseil des Jedis. Chacun protège un pays à l’aide de pouvoirs parfois originaux : la création, la compassion. Or, Shy, la protectrice du Japon est un peu à part. Marquée du syndrome de l’imposteur, elle ne cesse de douter en permanence. Et c’est pourtant autour d’elle que la mangaka construit une intrigue brillante qui s’étoffe de volume en volume, comme en témoigne ce dernier tome.
Se relever encore et toujours
L’univers de Shy est en ébullition. Le groupe Amalarilk, dirigé par Stigma, un énigmatique enfant (mais en est-il un réellement), a fait sortir des eaux Never Land. Cette île présentée comme le paradis de l’enfance perdue attire des centaines de civils. Or, ce refuge se révèle être une prison où Stigma emprisonne les âmes des adultes, les piège dans une illusion cauchemardesque. Pour les libérer, les super-héros, guidés par Shy, se sont inflitrés dans cette antre, bien décidés à mettre leurs ennemis hors d’état de nuire.
Mais la lutte est rude car Stigma a convoqué tous ses lieutenants. Pour l’atteindre, les héros devront vaincre chacun des membres d’Amalarilk. Or pour les super-héros, vaincre implique d’essayer de sauver l’âme de ses adversaires car chacun semble être victime des machinations de Stigma. Une telle mission n’est pas sans risque et Shy elle-même en a fait l’amère expérience. Pour triompher de son ennemi, Vade Retro, elle se retrouve entre la vie et la mort.
Shy : la tentation du côté obscur ?
Depuis le tome 16, la série Shy brouille volontairement les pistes. En effet, la révélation des origines de Stigma, matérialisation de la face obscure de Shine, la soeur de Shy et ancienne héroïne du Japon, a bousculé l’équilibre. Les doutes assaillent les héros comme leurs adversaires. Les deux forment un miroir. N’importe qui peut basculer dans l’ombre ou la lumière. Cette véritable épée de Damoclès mais aussi lueur d’espoir animent l’esprit de tous et de toutes.
A commencer par Shy qui entame un périple entre les deux mondes. Sa force, c’est l’amour, l’empathie pour autrui. Mais, ses combats successifs l’ont amenée à plonger au fond d’elle-même afin de découvrir ce que cache cette noblesse d’âme. Pour une héroïne toujours en proie au doute, cette introspection est douloureuse, presque horrifique. Ne porterait-elle pas en elle la même blessure que celle qui a conduit sa soeur à sombrer ? Que se passe-t-il quand un héros se laisse submerger par des émotions telles que la colère ou le désespoir ? Est-il condamné à trébucher ?
Les chemins de la rédemption
Tout en mettant ses personnages face à des choix terribles, Bukimi Miki entreprend de tisser un chemin vers la rédemption. C’est le personnage de Lady Foufou, le coffre à jouets humains, ancienne servante de Stigma qui montre la voie. Toujours hésitante sur son avenir, elle avance petit à petit vers la lumière. Mais c’est une route particulière, faite de nuances de gris où elle ne renie pas encore totalement son passé. Sa folie demeure latente et semble toujours à deux doigts de la submerger.
Ce qui la maintient à flot, c’est la foi que sa nouvelle amie, Spirits, a en elle. C’est cette même foi en l’autre qui alimente le sauvetage de Shy. En effet, la solitude est le pire allié du héros, celui qui finit par le faire trébucher. Sans ses amis, le héros est en réalité vulnérable. C’est tout le sens du périple de Shy : accepter de s’ouvrir à l’Autre, écouter ce qu’ils pensent d’elle. Elle n’est pas Superman et ne peut se réfugier dans sa forteresse de Solitude. Sa guérison ne peut venir que du regard d’Autrui. Si elle est incapable de s’aimer, d’autres le feront à sa place, à elle d’apprendre à se laisser aller et d’accepter d’être sauvée.
Shy : de nouveaux adversaires
L’une des nombreuses qualités de cette série réside dans les révélations progressives distillées par son autrice. Ainsi, les tomes précédents nous ont présenté de nouveaux héros (même si tous ne nous ont pas été encore présentés). Néanmoins, la mangaka ne nous a pas encore tout dit sur les membres d’Amalarilk. Seul leur nombre est connu, 10 au début de l’histoire.
Or, quatre déjà sont tombés, un est neutralisé et une semble avoir changé d’alliance, il en reste quatre encore très mystérieux. Ce 19ème opus nous présente donc Louise. Elle tire sa force de sa jalousie. Celle-ci lui permet de prendre l’apparence, de reproduire les capacités de toutes personnes qu’elle envie. L’introduction de cette adversaire, ultra maniaque est un modèle du genre. Charismatique, menaçante, elle reste nimbée d’une aura étrange. A nouveau, elle pose un nouveau défi aux héros : comment guérir une âme rongée par la convoitise ?
Shy continue de s’affirmer comme un modèle de shonen super-héroïque. Porté par un dessin toujours somptueux et une narration maîtrisée de bout en bout, la série nous entraîne dans un réflexion assumée et intelligente sur la figure du héros. La série est à lire chez Kana et à découvrir en anime sur crunchyroll.