Sortie à la fin du printemps 2022, la série Oneira a fait grand bruit. Porté par une équipe franco-italienne (CAB au scénario et Federica di Meo au dessin), le premier volume a conquis les amateurs de dark fantasy orphelins depuis la fin de Versailles of the dead, et a ravi notre rédaction. C’est avec une grande hâte que nous avons dévoré ce second opus qui a confirmé tout le potentiel de cette série.
Le dormeur doit se réveiller
Les cauchemars ont pris vie. Jaillissant des esprits, ils s’emparent de leurs hôtes, contrôlent leurs pensées, hantent leur nuit et les vident progressivement de leurs substances. Une fois que ces monstres ont agrippé leur proie, celle-ci n’a que peu de chance de survivre. Pour ses proches, elle devient une menace mortelle qu’il faut éradiquer au plus vite.
A moins de pouvoir faire appel à des exorcistes, les Epeires, des guerriers hors pair capables de terrasser les monstres tout en sauvant leur hôte. Arane est l’une des plus renommées chasseuses de cauchemars, traquant ses ennemis au nom du Saint Siège. Mais, celle qui a gagné le surnom de croque-mitaine, reste indépendante et n’est pas prête à tout accepter surtout quand la vie de sa fille est menacée. Entre les créatures de l’ombre et un cardinal mystérieux, Arane se trace un chemin de larmes et de sang.
Oneira, Once upon a time in a dark world
Ce qui frappe dans ce second volume c’est à nouveau la qualité visuelle. Oneira se bâtit en effet autour d’une ambiance prenante dès les premières cases. La dessinatrice puise son influence dans l’Europe du XVIIIè siècle. Les villes sont baroques dans le style de l’Europe centrale. On retrouve des hommages à Vienne, Prague, aux demeures aristocratiques. Pour la campagne l’inspiration est à rechercher du côté des contes, ceux de Grimm ou de Perrault : forêt profonde, village isolé. Nos héros naviguent entre ces différents mondes sachant qu’une fois la nuit venue ils se retrouvent sur le terrain de leurs ennemis.
Cette ambiance visuelle s’appuie sur un souci du détail permanent. On est subjugué d’une part par la richesse des décors intérieurs notamment dans les palais. La dessinatrice inscrit en permanence son travail dans un cadre chargé pour faire ressentir l’étroitesse de ce monde que l’irruption des cauchemars va faire éclater. La dimension épique des combats captive d’autre part totalement le lecteur. Les affrontements dantesques font appel tant aux armes terrestres et que magiques et débordent largement sur le plan spirituel. Dessinant un bestiaire aussi effrayant que fascinant, Federica di Meo appuie la dimension chevaleresque du récit.
Quand The Witcher rencontre Sergio Leone
Oneira risque de taper dans l’oeil des amateurs des aventures de Geralt de Riv. En effet le manga en reprend certains codes narratifs. Il se construit comme un quasi western où une chasseuse de prime passe de contrat en contrat. Sans attache, elle traque ses adversaires, touche son argent et passe au village suivant. Cette structure permet à CAB de nous faire découvrir toute la hiérarchie cauchemardesque et le fonctionnement de cette caste des épeire. Solitaire certes mais soumise à un ordre tutélaire stricte.
Comme dans les meilleures scènes de The Witcher ou des films de Sergio Léone, Oneira utilise son personnage central comme élément perturbateur. Les cauchemars comme le bandit ne sont que les symptômes de maux plus profonds. Chaque intervention du croque-mitaine fait remonter à la surface des vérités inavouables pour révéler la figure du véritable monstre. Pour sauver l’hôte, notre héroïne doit comprendre pourquoi il a été ciblé par les entités démoniaques. Ses interventions sous forme d’enquête bousculent irrémédiablement l’ordre établi.
Oneira : les rêveries d’une épeire solitaire
Ce qui rend ce second volume captivant, c’est qu’à côte de l’évocation de la lutte féroce contre les cauchemars, l’histoire se concentre autour de son héroïne. Poursuivant sur la lancée du premier volume, ce tome clôt en effet le retour en arrière sur la rencontre entre Arane et son assistant et surtout sur l’origine de sa fille. Ce passage obligé très bien raconté permet à l’histoire d’introduire l’adversaire principal de notre héroïne. Son irruption ouvre de nouvelles questions et interrogations sur l’institution censée contrôler les épeires.
Ce second opus continue aussi de nous questionner sur l’identité réelle de notre héroïne. Les ténèbres entourant son passe demeurent. Qu’est ce que cette Bar Tolmay dont tout le monde parle ? Qu’a-t-elle fait lors de ce sanglant événement qui a marqué l’histoire de ce monde ? A-t-elle toujours été au service du bien ? Finalement sa vie d’errance ressemble à une fuite en avant et nous attendons avec hâte et effroi de découvrir ce que dissimule son passé.
Les éditions Kana proposent une bien belle série aux amateurs de The Witcher et de dark fantasy. Porté par un dessin sublime et une histoire profonde, ce tome 2 a achevé de nous convaincre.