Méfiez-vous de Soïchi, l’enfant terrible de l’horreur

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Soïchi est un des personnage emblématique de Junji Ito auquel il a consacré plusieurs nouvelles. Elles sont toutes rassemblées dans ce recueil publié par Mangetsu. Mais comment un garçonnet peut-il être si effrayant ?

Un démon en culottes courtes
La première apparition de Soïchi

Comme la plus grandes parties des œuvres du maître japonais de l’horreur, Soïchi s’organise autour d’une suite de nouvelles indépendantes, mais on y trouve les mêmes lieux et la plupart des personnages reviennent à chaque récit dont le monstre du titre. Cependant, le démon est ici un enfant. L’ambiance est posée dans le premier court récit. Des ados Yusuke et Michina passent contre leur gré des vacances chez des parents méconnus à la campagne. Ils retrouvent le fils Kôichi du même âge et les plus jeunes, la fille Soyuri et le dernier Soïchi. L’ambiance entre les quatre plus grands est très joyeuse jusqu’à l’arrivée du plus jeune dont l’excentricité et la violence transforme le séjour bucolique en cauchemar.

Au départ, Soïchi fait innocemment le mal. Il laisse ses instincts agir sans limite afin que sa famille le remarque. Son frère et sœur le mettent à l’écart à cause de ses particularités. Il garde en permanence des clous dans la bouche pour soigner son anémie. Cette exclusion le pousse à développer un sentiment de supériorité.

Soïchi porte un uniforme de collégien un short bleu et un t-shirt blanc banal mais également une cape rouge comme un déguisement enfantin mais aussi comme Dracula. Au fil des épisodes, il évolue peu, mais sa folie ou ses pouvoirs semblent se renforcer. Il ne fait pas toujours le mal, mais sa simple présence puis ses mots trompeusement doux incitent les autres à la violence. Dans la deuxième nouvelle, Soïchi utilise ses clous comme un vampire sucerait le sang. Plus loin, il pompe l’énergie d’un adulte. Il pratique la magie noire et le vaudou, mais peut être dépassé par ses créations. Soïchi ne suit pas juste un enfant mais aussi sa famille et ainsi le lecteur remonte aux source de mal avant, dans le dernier tiers du livre, de basculer plus loin dans le futur alors que le petit Soïchi a bien changé…

Soïchi et Ito
La dernière nouvelle de Soïchi

Soïchi retrouve le lugubres chemins de l’horreur. De nombreux personnages sont dans une période charnière de leur vie. Yusûke va quitter le secondaire. Soïchi est dans sa dernière année de primaire et donc année de transition. Junji Ito retrouve dans ce volume ses obsessions en mariant le quotidien et l’inquiétant. Cependant, contrairement à d’autres nouvelles, Junji Ito ne va pas jusqu’à l’horreur absolu (comme le meurtre ou la destruction). Tout redevient normal à la fin de la nouvelle et le mauvais garçon est puni. On peut faire l’hypothèse qu’il se retient car les personnages concernés sont des enfants.

En tournant les pages, le lecteur peut trouver le dessin de Junji Ito très précis et doux. Il paraît sans aspérité, mais par de très subtils changements il distille l’inquiétude : une ombre noire autour des yeux, une frange dépareillée, des gouttes de sueur sur le visage… L’effroi se transmet souvent par le visage – qui est le lieu où le lecteur opère un transfert. Ces nouvelles étant écrites à différentes périodes de la carrière d’Ito on peut voir également son style évoluer.

L’éditeur Mangetsu regroupe en un tome l’intégralité des aventures de Soïchi. Il propose également en exclusivité une couverture dessinée par Junji Ito. Ce choix, mais également la préface, la postface et la qualité du papier illustrent avec quel soin l’éditeur s’occupe des œuvre de l’auteur. La préface de Marius Chapuis éclaire d’une sombre lueur ce nouveau volume des œuvres de Junji Ito.

A travers cet enfant mis de côté qui se venge, Soïchi est une critique l’exclusion des personnes différentes. Le démon en culotte courte n’est pas si maléfique et les différentes nouvelles offrent un regard tantôt inquiétant tantôt attendri. Soïchi est également un voyage dans le Japon rural, celui des petites villes trop rarement mis en avant dans les mangas.

Vous pouvez retrouver sur le site d’autres chroniques sur cette magnifique collection des œuvres de Junji Ito avec Frankenstein et Zone fantôme.