La dernière parade d’Ochô dans le final de Butterfly Beast

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Les aventures de l’espionne et geisha Ochô arrivent à leur terme dans ce cinquième tome. Trois fois hélas pour nous mais le final de Butterfly Beast sera-t-il une apothéose ou une déception ?

Seule au châteauOchô sans soutien

Dans ce final de Butterfly Beast, deux intrigues se rejoignent pour une unité de lieu, de temps et donc d’action. Tout le monde se retrouve au centre du pouvoir. La courtisane et et espionne Ochô continue sa mission d’infiltration au château d’Edo. Elle doit débusquer des chrétiens cachés au sein de l’entourage du shogun. Cependant, quand elle les débusque, l’espionne est contrainte de mener un double jeu pour éviter la mort. Elle est cachée par eux car les gardes pensent qu’elle est responsable d’un meurtre. Ces gardes sont le groupe d’Iga que l’on retrouve le même mois dans Keiji. Ce n’est pas tout car Ochô doit également composer avec les intentions du shogun. Pendant ce temps, une révolte des chrétiens persécutés et des shinobis réprouvés se dirige vers Kyûshû. La Toussaint arrive et c’est le jour où le Père thomas va rencontrer le shogun. Une ancienne proche d’Ochô ayant rejoint les chrétiens pense qu’un grand coup se prépare.

La scénariste et dessinatrice Yuka Nagate présente les chrétiens japonais comme des martyrs dans une vision très pessimiste. Face à la répression, ils sont nombreux à avoir perdu tout espoir de vivre librement leur religion. Si on ne se renie pas, le seul espoir est de mourir pour aller au paradis. Ce nihilisme dans la défaite pourrait les rapprocher des kamikazes. Deux visions différentes du christianisme coexistent dans Butterfly Beast. Pour le pouvoir, cette religion est un outil des occidentaux pour coloniser le pays. Les mots espagnols pour la religion montrent cette influence. Pour les chrétiens locaux, ils sont indépendants de ces étrangers et, nationalistes, ils estiment que les persécutions divisent le pays. Le père Thomas propose la tolérance et la fusion du christianisme dans la religion locale. Même si elle est adaptée au manga, cette dernière idée est totalement inconcevable historiquement. Elle créerait une Eglise indépendante de Rome et mêlant catholicisme et religion locale.

Une héroïne doubleOchô affaiblie

La vie de l’héroïne de Butterfly Beast est pleine de contradictions. Quand elle est dans le quartier des plaisirs, Ochô est la courtisane la plus connue. Elle vit dans le luxe car les hommes dépensent des fortunes pour passer la soirée avec elle. Elle boit trop et se permet des attitude de diva. Cependant, en tant d’espionne, elle délaisse ses clients dans le quartier des plaisirs. Ils s’inquiètent de son absence mais elle s’entraîne en forêt avec son compagnon, Raizô. Les deux sortent en effet traumatisés de leur dernière bataille. Ochô a souffert dans sa chair alors que Raizô a dû trahir son groupe pendant un temps. Sa vie est encore compliquée par une double histoire d’amour impossible aussi bien en tant qu’espionne que comme geisha.

Cet ultime récit de Butterfly Beast est le moment d’une réconciliation des deux personnalités d’Ochô car l’espionne quitte pour une fois les bas-fonds pour rentrer dans le palais du Shogun. Elle ne se considère pars comme une espionne mais comme une chasseuse. Cette femme apparaît comme la plus solide au milieu des hommes. En effet, leurs faiblesses apparaissent dès que les paravent se ferment. Le jeune shogun qui paraît insensible, subit de violents cauchemars et a des remords d’avoir tué. Contrairement aux dures persécutions qu’il impose aux chrétiens, il est plus humain.

Malgré les nombreuses victoires d’Ochô, Butterfly Beast est série plutôt sinistre. L’autorité est bonne même quand elle use de violence en dehors de la loi ou des droits humains. Du point de vue intime l’amour est souvent un mauvais conseiller et n’apporte aucun réconfort à long terme. Il est une brusque passion qui fait tout oublier ou une simple rencontre de deux intérêts. Le bon amour est inatteignable. Le sexe reste invisible pour le bon mais torride pour les ennemis. Cependant, cette noirceur est illuminée par le dessin de Yuka Nagate. Les visages sont doux et les décors extrêmement précis mais sans aucune fioriture. A l’inverse, les combats sont très rapides. Les multiples traits parallèle montrent la vitesse des gestes. On ne voit pas le coup mais l’action juste avant et après. Par un cadrage très subtil, une scène de sexe devient conjointement torride et politique.

Butterfly Beast sera restée jusqu’au bout un manga historique magnifique visuellement et rempli de rebondissements. Le lecteur ne peut que regretter la fin de cette belle série de Mangetsu surtout qu’elle semble abrupte comme elle avait été faite sans l’accord de l’autrice. Heureusement, il reste la possibilité de tout relire pour retrouver ces magnifiques dessins et la passionnante vie d’Ochô.

Vous pouvez retrouver sur le site une chronique du premier tome et les mangas les plus attendus par la rédaction.