L’Atelier des sorciers, critique des quatre premiers volumes

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l'atelier des sorciers

Depuis la saga monumentale de J.K Rowling Harry Potter, le monde des sorciers occupe une place de choix dans la fiction. Films, série, bande dessinée, romans, explorent l’univers au risque souvent de l’épuiser. Ce n’est toutefois pas le cas de l’oeuvre de Kamome Shirahama publiée par les éditions Pika. Passée par la case comics, cette diplômée en design de l’université des arts de Tokyo s’est faite connaître par ses illustrations et couvertures pour DC, Marvel. Ce galop d’essai très remarqué lui permet en 2016 de lancer sa seconde série, l’Atelier des sorciers immédiatement saluée par la critique notamment étatsunienne qui lui décerne le prix Eisner et le prix Harvey. Une consécration très méritée au vu de l’immense qualité narrative et visuelle de son manga.

Une petite fille qui rêvait de magie

Dans le monde de la petite Coco, les sorciers forment une caste à part. La naissance leur a conféré un don unique et mystérieux : la pratique de la magie. Cet art a depuis toujours fasciné Coco. Mais simple humaine, elle ne peut que rêver maîtriser cet art. Jusqu’au jour au Kieffrey, un jeune sorcier aborde le village de la petite fille. Celle-ci, intriguée, espionne le magicien et découvre la réalité de la magie. Les sorts ne sont pas incantés mais écrits. Intriguée elle tente de reproduire en cachette ce qu’elle a vu et provoque une catastrophe dont sa mère est victime.

Effondrée de chagrin et de culpabilité, Coco voit alors le sorcier Kieffrey lui proposer son aide. En effet il est intrigué par les talents de la jeune fille et soupçonne une sombre confrérie de mages d’avoir manipulé l’enfant. Il décide d’en faire son apprenti et de faire d’une pierre deux coups. Aider Coco à conjurer le sort qu’elle a lancé et enquêter sur ces sorciers mystérieux. S’ouvre pour la jeune fille une vie nouvelle faite d’apprentissage, d’amitié et d’épreuves. Car des règles ancestrales régissent le monde des sorciers.

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L’Atelier des sorciers : la fantaisie comme peinture

La série de Kamome Shirahama s’appuie d’abord sur une très forte ambiance graphique. L’autrice, qui est aussi dessinatrice, nous laisse comprendre pourquoi elle a séduit DC ou Marvel. L’univers graphique proposé est très dense. Que ce soit les intérieurs, les paysages, le bestiaire, l’ensemble fourmille de détails. La créatrice propose chapitre après chapitre une immersion dans un monde où se croisent ruines, labyrinthes, objets magiques et sorts vertigineux. Le tout forme une toile dont la richesse ne cesse de nous happer.

La mise en scène des sorts renforce d’ailleurs l’attraction exercée par L’Atelier des Sorciers. La magie en effet fonctionne différemment que dans l’univers d’Harry Potter. Elle troque ici la baguette pour la plume, la parole pour l’écrit. Ce qui donne des planches très dynamiques où les sorciers rivalisent de trouvailles pour tracer en peu de temps leurs incantations. Et comme l’autrice ne manque pas d’imagination, la diversité des sorts offre de très beaux moments.

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Harry Potter : une référence au service d’un univers original

L’Atelier des Sorciers s’inspire de dizaines d’œuvres ayant défriché le thème de la magie.le manga ne s’en cache pas. Au contraire, il revendique cette influence. En effet, les clins d’œil à Harry Potter par exemple ne manquent pas. On repérera le village des sorciers, fusion entre le village de Pré au Lards et le chemin de Travers. Le lecteur attentif sourira aussi à vue de la boutique de plume, hommage appuyé à celle d’Ollivander. Au gré des pages, l’autrice reprend également allègrement des objets fétiches de la saga de J.K Rowling comme la cape d’invisibilité.

Ces références doivent se comprendre comme des hommages. Elles sont en effet intégrées à un monde, un lore très minutieux et très différent de ce que l’on trouve d’habitude dans les œuvres traitant de la magie. Ici point de monde caché. Sorciers et humains se connaissent et se respectent. L’idée force de l’Atelier des Sorciers réside dans les raisons pour lesquelles, seuls certains ont des pouvoirs magiques. La réponse qui nous est révélée très vite donne tout de suite le ton à une œuvre très adulte.

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L’Atelier des sorciers : les lettres de noblesse du Seinen

Le ton de l’œuvre est une des belles surprises de l’œuvre. Si le dessin est très beau, très lumineux, l’histoire dès le début nous plonge dans le drame, le deuil, la culpabilité. L’héroïne Coco doit se faire pardonner. D’avoir blessé sa mère, de n’être pas à la hauteur de ses camarades de formation. De même, la vie d’apprentie est dure. Si le maître de Coco est doux et attentif, ce n’est pas le cas de tous les mentors. De même, les autres apprenties portent en elles de cruelles cicatrices qu’elles ne parviennent pas exorciser.

Il y a enfin le monde des sorciers. Dans la plus pure tradition du Seinen, derrière les ors et les paillettes se cachent de lourds secrets. Les sorciers ne sont pas animés des plus purs desseins. Des forces hostiles s’agitent dans l’ombre. Et même les gardiens de la lumière ne sont pas sans reproche. C’est ce qui donne toute la force à l’histoire de Coco. C’est ce qui explique la très forte empathie que le personnage suscite. Elle souffre, doit laisser d’autres agir, se trompe et assume les conséquences de ces choix.

La magie des quatre premiers volumes de L’Atelier des sorciers a donc fonctionné totalement. Formellement irréprochable, la série offre une histoire dense, drôle et tragique s’appuyant sur une proposition très originale. Il ne reste plus qu’à dévorer les volumes suivants et à profiter d’un manga captivant et loin d’être fini. Dans un autre registre, nous vous conseillons de découvrir la série Pluto d’Urasawa dont l’adaptation en animé sera disponible en octobre sur Netflix.