Le premier tome avait ébloui la rédaction de JustFocus par la qualité de son dessin et la complexité du personnage principal, mais le deuxième tome de Mibu Gishi Den arrivera-t-il à prolonger cet envoûtement ?
La biographie d’un milicien
Mibu Gishi Den s’ouvre par une très utile page donnant la biographie des personnages principaux et le résumé du récit précédent. En effet, le scénariste et dessinateur Takumi Nagayasu poursuit l’adaptation du foisonnant roman de Jirô Asada. Dans le premier tome, le lecteur découvrait Kan’ichirô Yoshimura, mercenaire du Shinsen Gumi. On découvre l’histoire de l’homme le plus puissant de cette milice par le récit postérieur de Kadoya. Jeune enfant, il a fait partie de la milice et nous fait rentrer dans leur vie pour rétablir la réalité historique.
Promis au succès dans son clan en province à Nanbu, Yoshimura était parti par attrait pour l’argent. Face à son clan figé, le Shinsen Gumi est une rassemblement de voyous et de traîtres chargés d’assurer la police du shogun dans la capitale. Dans ce deuxième tome, on suit essentiellement les affaires internes de la milice.
En effet, les mercenaires tuent plus leur propres hommes pour le non-respect du code qu’ils ne tuent de criminels. Ce ne sont pas des héros. Ils sont craints sans pouvoir obtenir le respect car ce sont des étrangers. Le respect d’un code d’honneur est un moyen d’affirmer une honorabilité que leur origine sociale dénie. L’honneur est si complexe que chacun donne sa version, peut-être pour justifier leurs actes. Le héros déserte car le code refuse l’aide financière du chef
L’histoire d’un honorable traître
On pourrait croire que Mibu Gishi Den est la biographie d’un traître. Dans les premières pages du premier tome, il retournait dans son ancien clan à la suite d’une défaite du Shinsen Gumi. Le ralliement de Yoshimura surprend tout le monde et arrive à un moment encore plus compliqué. Son clan est resté neutre jusqu’à présent. Efficace et habile politicien, le nouvel intendant fait passer l’intérêt du clan avant celui de ce soldat d’élite. Humilié, Yoshimura était poussé au suicide. La tension monte car il va se faire seppuku.
Mais Mibu Gishi Den est plus complexe car un soldat refuse une mort certaine pour la vie. L’honneur est pour lui une arrogance et Kan’ichirô Yoshimura se considère comme un couard. Il est parti de rien, mais par un entraînement strict, il devient entraîneur d’un dojo et d’un cours de lecture. Yoshimura sort des codes car il ne dépense pas tout comme les guerriers, mais économise.
L’histoire d’un pays
Mibu Gishi Den voyage dans le temps par le récit du témoin en 1914. Le ton change totalement car on baigne dans l’optimisme d’un pays en essor et ouvert sur l’étranger. Mibu Gishi Den est également le récit des mutations rapides qu’a connu le Japon. Par les mots du cafetier, on comprend que l’archipel a connu l’arrivée de la modernité. La vie est plus facile et les Japonais vivent plus âgés grâce au progrès médicaux mais le XXe siècle manque de saveur pour le cafetier. Au contraire, le passé est plus imprévisible et vibrant, mais la pauvreté est grande car le revenu est défini en kilo de riz.
Mibu Gishi Den est également une leçon d’histoire militaire. Cette guerre civile montre un changement du conflit. Il s’agit d’une part, d’une changement technique, les combattants d’armes blanches sont écrasés par des canons et des fusils. En effet, les loyalistes ont profité des armes des Occidentaux pour écraser la milice. C’est également une évolution sociale car les samouraï, élite militaire, sont mis de côté face à la force de la masse de l’infanterie. Mibu Gishi Den apporte une vision complexe de la société.
L’œuvre critique le code imposé par l’élite. Yoshimura a toujours souffert. Il n’avait pas accès aux études et écoutait dehors. Il était marginal pour ce goût des armes et des livres. Comme Keiji, la guerre est une opportunité unique d’ascension sociale. Il déserte par ambition ou plutôt car il ne vient pas de la noblesse et n’a donc aucun argent en dehors de son métier. Son talent de guerrier est monnayable.
L’éditeur Mangetsu propose avec Mibu Gishi Den un splendeur visuelle sur une histoire pourtant sanglante. Le manga nous a présenté des héros plus glorieux, mais rarement avec un dessin aussi magnifique et surtout dans le portrait complexe d’un guerrier partagé entre devoir moral et obligation familiale. De nombreux éléments restaient mystérieux dans Mibu Gishi Den, en particulier l’avarice et le désir de mort de Yoshimura.
Découvrez également une autre série sur cette période avec Chiruran.