Keiji est toujours aux prises avec différents clans cherchant à s’imposer dans l’entourage du shogun. Dans ce huitième tome, il devient même enquêteur. Mais, à la logique de Sherlock Holmes, il préfère sortir le sabre.
Une montagne de muscles à l’esprit adolescent
Dans le tome précédent, Keiji avait quitté la capitale pour le village de Nagiri. Il y comprenait qu’une fillette, Ofû, est au centre d’un conflit opposant les deux clans les plus puissants du pays. Seul ou presque, il avait fait fuir toute une armée. Dans ce volume, le commanditaire, Mitsunari, vient réclamer que l’enfant lui soit livrée. Logiquement, Keiji dépassé en nombre et en influence politique par ce très proche du shogun, devrait céder mais le kabuki-mono ne suit que son code d’honneur…
Plutôt que de le combattre il humilie Mitsunari en public. Il s’essuie les oreilles avec les sous-vêtements de son adversaire. Keiji adore provoquer par les mots, par les actes quitte à basculer dans la violence mais également par sa tenue. Cette outrance en fait un personnage attachant car il est plus proche d’un ado capricieux que de l’adulte stratège. Il apparaît même très moderne par sa vision démocratique de la société japonaise. Même s’il est un grand seigneur, il s’agenouille avec un humble paysan pour prier. Il frappe aussi bien les humbles soldats que les puissants seigneurs. La bagarre est sa forme de démocratie car la descendance ou l’argent s’effacent devant la force. Le dessin de Tetsuo Hara fait de Keiji un super-héros. Il découpe des corps par dizaine d’un seul coup de lance. Ses assistants ont des corps extrêmes. L’un est de petite taille et l’autre un géant. On se moque deux mais Keiji sort son sabre pour imposer le respect.
De Sherlock à Noureev
Dans le huitième de Keiji, les scénaristes Mio Asô et Keiichirô Ryù proposent une voie inédite à la série. La première partie est organisée comme une enquête policière pour trouver un meurtrier. En effet, un rencontre pour le thé entre deux puissants est l’occasion de parler d’un meurtre ayant ému la cour. Un notable a tué ses gardes, les hommes de Nagiri, avant de se donner la mort. Le haut fonctionnaire, Tokugawa, penche pour un coup de folie alors que son ami, le marchand de thé, émet des doutes mais sans pouvoir tout dire. En effet, son suspect est marié à la fille du haut fonctionnaire.
Les péripéties suivantes de Keiji sont encore plus délirantes, évoquant la série Ken le Survivant du même dessinateur. Les mercenaires du roi des enfers attaquent la concubine d’un shogun. L’un de ces soldats peut repousser ses adversaires et les paralyser par la voix. C’est encore plus vrai ensuite car la deuxième partie bascule dans le fantastique. Une tête coupée vole et parle, un fantôme apparaît. Cependant, loin de faire peur, ces exagérations font sourire. Keiji profite d’un concours de danse nô pour tendre un piège. Face à lui, Kôtarô Fumâ peut faire jaillir des colonnes d’eau par un signe de main en triangle, lacérer des corps par ses cheveux et faire pleuvoir une nuée de papillons. Le combat à mort entre les deux devient une suite de gestes poétiques. Rien de tout cela ne serait crédible sans le talent de Tetsuo Hara. Son style rappelle les classique du cinéma à l’ancienne. Pour les longs dialogues, le mise en page est simple et des cases semblent former des ralentis avant de céder la place à des diagonales complexes pour les combats.
Dans ce huitième volume, Keiji demeure un récit d’action fun. La série éditée par Mangetsu ne cherche pas à dénoncer la guerre ou la violence mais à vous distraire. Elle y réussit grâce aux nombreux complots et manigances de plus en plus complexes pour donner des fausses pistes et cacher une attaque décisive à venir…
Sortez les sabres pour retrouver sur le site les chroniques des débuts de Keiji ou du polar Golden Guy chez le même éditeur.