Keiji, le samouraï au milieu de la bataille

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Le neuvième tome se concluait par un cliffhanger digne de Sept Samouraïs : Keiji recrutait des déserteurs et des brutes pour sauver des enfants. Mais, dans le dixième volume, ces amateurs font-ils le poids face à l’armada ennemie ?

Tetsuo Hara, héros des bataille

Keiji autour de ses troupes

Depuis le tome précédent, Keiji a quitté les intrigues du palais pour retrouver la guerre civile sur l’île de Sado. Il vient régler une guerre civile entre le pouvoir central et un seigneur rebelle. On pourrait croire qu’il s’implique dans les luttes politiques mais, en réalité, il vient soutenir son ami Kanetsugu et aider les paysans dont les enfants sont retenus en otage dans le château de Kawarada.

Cette campagne militaire offre au Tetsuo Hara l’opportunité de décrire de vastes combats. À la fois gore et émotionnellement fort, le dessinateur montre des images sanglantes d’un homme qui perd son sang, mais se relève pour partir au combat. Le dessin demeure extraordinairement précis et la composition très réfléchie. En une page, Hara lance l’attaque de Keiji et présente la topographie de la bataille par des petites annotations. Dans sa préface très humble, Tetsuo Hara est à la fois fier d’avoir capté l’esprit du roman, mais ajoutant sans cesse des péripéties sur Keiji, il craint de trahir l’œuvre originelle. On peut voir par exemple que le dessinateur retrouve son thème de la virilité quand un bataillon ne porte qu’un pagne. On pense à la Grèce antique avec des images troublantes : un gros plan sur les fesses des soldats.

Keiji, héros des paysans

Keiji part seul à l'attaque

Pour réussir le siège du château, Keiji dirige tout un bataillon de paysans, mais aussi un groupe bigarré issu des dernières aventures. Un nain l’accompagne depuis les tous premiers tomes, mais également des géants et des paysans locaux. La série Keiji illustre la dualité entre individu et collectif. Son peloton offre au kabuki-mono la possibilité de mener une stratégie collective. Cependant, il agit seul. Il ouvre la voie et se met en danger pour préserver le groupe. Même si la bataille est massive, le lecteur suit quelques autres individus au milieu de la masse confuse.

Keiji est un agent perturbateur de l’ordre social. Son armée est composée des pires exclus : des paysans, des vieux et des prisonniers. Pourtant, sur le champs de bataille, ils devancent les nobles et les soldats professionnels choquant les généraux. Keiji détourne ensuite les codes de la guerre. Il vole tout l’équipement à sa propre armée car ces fantassins n’en sont pas dignes. Pour lui l’honneur ne vient pas du rang mais de l’action sur le champs de bataille. Il se crée une bannière, mais avec humour. Une tête de mort surmontée d’une fleur comme si la guerre était le terreau de la vie. La guerre est le lieu où tous peuvent s’élever quel que soit leur origine. A d’autres moments, Keiji respecte la hiérarchie en demandant au commandant en chef l’autorisation de combattre. Y voyant une chance de victoire, Uesugi accepte de fermer les yeux. Ainsi il laisse une liberté temporaire sans remettre en cause à long terme les règles.

La division entre les nobles et les paysans passe par le langage. Grâce à une excellente traduction, on perçoit l’opposition entre le langage soutenu des nobles méprisant et la brusque vulgarité de ceux qui agissent. L’insulte sert à faire taire et à bouleverser l’ordre tout comme les images scatologiques.

Toujours édité par Mangetsu, ce dixième volume prouve que Tetsuo Hara et Keiichirô Ryù ont encore beaucoup de choses à dire. Le lecteur est tout d’abord surpris par la vision de la guerre dans Keiji. Elle peut être une opportunité pour des exclus. Cependant, par sa cruauté, la conclusion montre bien qu’aucune guerre n’est bonne.

Retrouvez sur le site la chronique sur le premier tome et une autre série histoire, Le mandala de feu.