Gachiakuta est un manga signé Kei URANA, lancé en grande pompe par les éditions Pika au début de l’été. Alors que le quatrième tome est attendu pour le 18 octobre avec une édition limitée, la rédaction vous propose un retour sur cette oeuvre originale et ensorcelante.
L’histoire
Rudo est un jeune garçon qui habite un bidonville dont la particularité est d’héberger les descendants de criminels. Marginalisé et méprisé par ses propres pairs, il brave les interdits fréquemment les interdits pour s’infiltrer dans les décharges où sont stockés les déchets des quartiers riches. Il en récupère certains et les répare pour les revendre.
Mais un jour, il retrouve son père adoptif assassiné dans leur propre maison. Aussitôt accusé du meurtre, Rudo est condamné à mort : c’est-à-dire, à finir au fond de l’abîme, là où sont envoyées toutes les ordures (au propre comme au figuré) de la société. Survivant miraculeusement à sa chute, Rudo jure de se venger. mais pour survivre dans cette immense décharge hostile, il devra trouver des alliés… et apprendre à maîtriser l’étrange pouvoir qui émane de ses gants !
Si tu regardes au fond de l’abîme, l’abîme aussi regarde au fond de toi
Gachiakuta est la première oeuvre publiée de la mangaka Kei URANA. Et pour un galop d’essai, c’est un véritable coup de maître que nous offre cette artiste !
Au premier coup d’œil, on est happé par les couvertures, sur lesquelles les personnages semblent défier le lecteur d’un regard déterminé. La tension émanant de leur simple posture naît ainsi avant même de tourner la première page.
Kei URANA met en scène un univers où clarté et obscurité se côtoient, et s’amuse à alterner des scènes au crayonné épais et charbonneux, et de grands espaces lumineux. Cela vaut autant pour les décors que pour les personnages eux-mêmes. La mangaka maîtrise à la perfection son chara-design, leurs attitudes et surtout leur regard.
Celui de Rudo, d’abord. Personnage principal d’une intrigue dans laquelle sa vie le désigne d’abord comme un objet, les yeux cernés du jeune homme semblent habités : la haine et l’espoir s’y disputent. C’est à travers eux que Rudo entrevoie la perversité du monde dans lequel il vit. Son serment de détruire la société entière passe par son regard halluciné, emplissant une page entière.
Regards vides, déterminés, fous de rage, complices… c’est pour le lecteur la porte d’entrée vers les personnages et la dystopie dans laquelle ils évoluent. L’esthétique rappelle le trait d’Atsushi Ohkubo dans Soul Eater. L’œuvre de Kei URANA le rejoint par ailleurs sur le concept d’âme, insufflée aux objets pour l’une, aux armes prenant forme humaine pour l’autre.
Gachiakuta : mordante critique sociétale
Gachiakuta évoque au premier abord le thème du recyclage et de la consommation de masse. Ainsi, les « Célestiens » se débarrassent des objets (et des humains) qui les encombrent, sans prendre la peine de les réparer. Ils n’ont pas de « lien » avec ce qui leur a un jour appartenu, comme le montre la scène de la jeune fille avec sa peluche, que Rudo récupérera. Les ordures sont jetées dans l’abîme, tandis que le peuple ignore que d’autres gens vivent là-bas. Ceux-ci, lorsqu’ils ne sont pas écrasés par des chutes d’objets, doivent vivre parmi les miasmes toxiques et échapper aux monstres nés de ces montagnes de détritus, les « composites ».
Cela rappelle furieusement la situation de notre époque, où l’on peut évoquer ce continent de plastique à la dérive en mer, les politiques de lutte contre la pollution de la planète ou encore le tri des déchets. Tout cela se mêlant à un critique de la consommation de masse, voire du capitalisme.
Mais le manga de Kei URANA va bien plus loin que ça. C’est aussi une virulente critique de la manière dont les hommes se traitent entre eux. « Célestiens », habitants du bidonville ou de l’abîme, se vouent une haine réciproque et aveugle, sans même s’être jamais vus. Les lourds relents du racisme flottent parmi les gaz toxiques de la décharge.
Gachiakuta : la révolution par la révolte
Victime collatérale de ce système, Rudo jure d’anéantir ceux qui lui ont arraché sa vie. Mais le chemin pour retourner à « la Cité des Cieux » est long et semé d’embûches. Le jeune garçon va rejoindre les « Nettoyeurs » ou « Forgeurs d’âme », qui ont la capacité surnaturelle d’insuffler la vie à un objet particulier, qui devient leur arme contre les composites. Cependant, la puissance de Rudo dépasse les attentes, et il semblerait même que son pouvoir ne soit pas comme les autres, puisque ses gants, dernier souvenir de son père adoptif, peuvent transformer tout ce qu’ils touchent en jinki, ou accessoires animés.
Rudo va apprendre à dompter ses pouvoirs aux côtés d’une nouvelle famille. Mais il ignore qu’une traque silencieuse s’est lancée contre lui, ourdie par de mystérieux hommes masqués. Qui pourraient bien être à l’origine de sa chute originelle ?
La tension monte inexorablement et chaque tome se finit sur un cliffhanger haletant. L’intrigue se complexifie, au-delà de la volonté de vengeance de Rudo, pour dévoiler des méandres bien sinueux et sombres. Gageons que la suite sera aussi bonne que ces deux premiers tomes !
Intrigue haletante, rythme endiablée, graphisme urbain et rageur, Gachiakuta fait partie des quelques pépites sorties cette année. On a hâte de lire la suite et si vous n’avez pas encore plongé dans ce shônen atypique et addictif, plongez-vous dans ces quelques pages d’extrait. Et en attendant le prochain tome, découvrez la critique du septième tome de No Longer Rangers, un manga qui rebat lui aussi les codes de sa catégorie !