Family Compo de Tsukasa Hojo : critique des tomes 1 et 2

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En invitant cette année Tsukasa Hojo, la Japan Expo a permis au public de découvrir toute l’oeuvre de ce mangaka de génie. En effet, à côté de ses séries cultes Cat’s eye et City Hunter, l’exposition rétrospective, qui lui a été consacrée, a mis en avant toutes ses créations dont la remarquable série Family Compo. Ce récit unique, hors normes, audacieux, n’a pas pris une ride en 30 ans et demeure d’une incroyable modernité. Retour sur un manga phare, éloge de la différence, de la diversité et de l’humour décomplexé.

Une drôle de famille

Masahiko Yanagiba se prépare à rentrer à l’université quand le deuil le frappe à nouveau. Après avoir perdu très tôt sa mère, c’est son père qui décède. Devenu orphelin, il reçoit la visite surprise de sa tante qui se propose, avec son mari, de l’accueillir chez eux. Pour Masahiko, c’est l’occasion de retrouver un foyer et une vie de famille d’autant que les Wakanae (sa famille d’adoption) sont adorables et que sa cousine a beaucoup de charme.

Ce que Masahiko ignore, c’est que son oncle et sa tante cachent un secret. Sa tante est en fait son oncle et son oncle sa tante. Autour d’eux quelques personnes sont au courant et personne ne remet en doute leur équilibre familial. Sauf Masahiko qui commence à se poser des questions sur sa cousine, sa famille, lui-même et la société. Va-t-il réussir à accepter cette différence et vivre pleinement une nouvelle vie ?

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Family Compo : une réflexion sur la différence

Ce manga a commencé à être écrit en 1996 alors que les questions d’homosexualité, de genre n’étaient peu voir pas du tout abordés. Tsukasa Hojo livre donc une oeuvre visionnaire, audacieuse sur les non-dit de la société. Il va donc se plonger dans l’univers du travestissement et discuter la notion de genre. Ici un homme qui se sent femme et qui aime une femme qui se sent homme. Avec en sous-texte la question du choix en matière d’amour et de sexualité.

Cette inversion des genres  conduit à une analyse fine des relations hommes-femmes Car ce n’est pas que la sexualité qui est inversée mais aussi la place sociale. Family Compo égratigne la société japonaise, notamment l’inégalité entre hommes et femmes et le conservatisme des normes. La femme mariée s’occupe du foyer tandis que le mari travaille, rentre tard, sort avec ses collègues. Ainsi l’oncle devient une vraie épouse japonaise et offre un regard vif sur la condition féminine. Mais l’auteur mène ces réflexions sans militantisme, moralisation ni voyeurisme. Ses héros ont fait un choix qui leur appartient et qu’ils ne cherchent pas à imposer aux autres.

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Un humour décomplexé

Sur ce sujet qui aujourd’hui déchaînerait les passions et briderait la créativité des auteurs, Tsukasa Hojo appose tout son style narratif. Comme dans City Hunter ou Cat’s Eye, l’humour irrigue chaque case. L’auteur ne se prive pas d’utiliser toute le ressort comique de cette situation. Confusion des genres, sous-entendus érotiques, gay, jeu sur le travestissement tout y passe. La virilité, le romantisme sont broyés par ce couple qui fait chavirer les coeurs. De la cérémonie de rentrée universitaire au repas entre anciens élèves, tout est prétexte à mettre en scènes des moments drôles où l’on rit, non des héros, mais de la réaction de la société.

Cet humour se déploie d’ailleurs autour du personnage de Masahiko. La découverte de la vraie identité de ses nouveaux parents est hilarante. Mais ce qui l’est encore plus, c’est comment cette révélation agit sur son psychisme. Il se pose des questions sur sa cousine, sur lui-même. Et quand vient le moment de tourner dans un film et qu’il faut se travestir, tout se télescope offrant à Family Compo de multiples niveaux de lecture.

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Family Compo : une beauté visuelle unique

L’exposition consacrée à Tsukasa Hojo a mis en lumière son talent de dessinateur unique. Sa manière de dessiner les corps, les courbes, les cheveux, son utilisation de la lumière confèrent à ses planches une beauté hypnotique. Il parvient, par ses cadrages, ses poses, à suggérer la tension sexuelle, à mettre en image le magnétisme que dégagent ses héros et héroïnes. Family Compo ne déroge pas à cette règle.

En effet, les connaisseurs de City Hunter, Cat’s Eye, retrouveront ses archétypes, ses clins d’oeil à ces deux séries, son amour pour les corps. Family Compo permet, en outre, à Tsukasa Hojo d’aller encore plus loin dans un thème qui lui est cher : le déguisement, le travestissement. Il se délecte à mettre en scène le trouble, la double identité, le déguisement. Le masculin, le féminin, se mélangent laissant le lecteur, la lectrice dans un doute permanent.

Family Compo est donc un récit intelligent, drôle, non partisan. Tsukasa Hojo s’empare d’un sujet très contemporain pour écrire une oeuvre qui ne s’interdit rien dans le but de nous faire réfléchir à notre rapport à la différence. L’oeuvre est à retrouver sur le site de panini manga.

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