Arrivée depuis peu au catalogue des éditions Vega-Dupuis, The Far East Incident n’a pas tardé à trouver son public. Son histoire est construite comme une uchronie teintée de super-pouvoirs dans le Japon de l’Après Guerre. Récit virevoltant laissant une belle place à l’émotion, il a conquis notre rédaction en peu de temps. Avec son troisième volume, il nous emmène dans une nouvelle direction aussi inattendue qu’inventive.
Le Calme avant la tempête.
A la fin du tome précédent, le coup d’État de la Kiheitai est sur le point de réussir. Pourtant grâce à l’intervention des membres du bureau et de la santé publique du G.H.Q, le calme est revenu dans les rues de Tokyo. Mieux, le général Miura, chef des terroristes a été éliminé et ses hommes se font discrets. C’est une pause bienvenue pour nos héros qui depuis des semaines traquaient sans relâche leurs adversaires.
Néanmoins, deux des plus dangereux fanatiques courent toujours : Hana Yanagi, la bête de combats responsable d’attentats à la bombe en pleine rue et Hitomoro Kuromori, officier fanatique. Celui-ci est particulièrement dangereux car il semble avoir planifié une opération encore plus ambitieuse que la première. Plus inquiétant, l’échec du coup d’état ne le perturbe pas plus que cela, comme ci cela servait son opération future. La lutte va donc reprendre, encore plus féroce.
The Far East Incident : démocratie en péril
Ce troisième volume surprend par la tonalité de sa seconde partie. En effet, après avoir clos les événements dépeints dans le tome précédent, l’auteur se penche sur la prochaine étape des rebelles. Celle-ci sera éminemment politique. Kuromori, vétéran et mutilé de guerre, met en branle un plan très précis qui n’est pas pas sans reparler celui-ci d’un sous-officier autrichien dans l’Allemagne des années 1920. Jouant autant sur son passé d’ancien militaire que sur les frustrations nées de la défaite, il souffle sur les braises du populisme et de l’esprit revanchard.
C’est dans ce moment d’extrêmes tension qu’intervient un nouveau personnage : une journaliste idéaliste. Au nom de la liberté d’informer, elle veut faire la lumière sur les événements qui ont secoué la capitale. Ses convictions pures entrent en collision avec les impératifs des membres du bureau de la santé publique. S’ils censurent l’information, c’est au nom de la protection du plus grand nombre. Que gagnerait-on à révéler l’horrible vérité si ce n’est créer une panique incontrôlable ?
Mandchourie, terre de sang
Ce troisième tome de The Far East Incident revient plus longuement sur la Mandchourie. Rappel historique. Cette province du Nord-Est de la Chine a été conquise de force par le Japon en 1931 qui la transforme en État fantoche confié au dernier empereur de Chine. En réalité, c’est une colonie gérée par l’armée japonaise qui en fait une base arrière pour une expansion vers la Sibérie et le terreau de ses expérimentations, notamment celles de l’unité 731.
Cette province va donc baigner dans le sang. Dans la vraie histoire, il s’agit de celui des victimes d’expériences sordides. Des civils, des prisonniers de guerre sont employés comme cobayes (leurs tortionnaires les nomment « maruta » ou bûches) pour mettre au point des armes bactériologiques. Dans le manga, cette histoire est reprise et modifiée. Les talents ont été fabriqués après des années de tests sur des centaines de victimes civiles et aussi des soldats japonais blessés. Il y a aussi un autre sang qui irrigue cette région. Celui des soldats japonais, morts ou blessés en 1939, lors de la guerre contre l’U.R.S.S. Cette guerre perdue (notamment à la suite de la bataille Khalkin Gol) cachée au grand public, mit fin aux rêves d’expansion nippone vers la Sibérie et explique l’itinéraire de Kuromori dans ce manga.
The Far East Incident : Tokyo Chicago
L’action demeure toujours précédente dans ce volume. Ce qui change néanmoins, c’est l’ambiance globale des affrontements. Comme le dit l’un des personnages, Tokyo ressemble à Chicago. En effet, les fanatiques emploient désormais des méthodes dignes de la mafia. Mitraillages en pleine rue, règlements compte, que n’aurait pas renié Al Capone. Ces nouvelles attaques correspondent au changement de stratégie. La conquête se fera telle un virus qui gangrène la société.
Ce changement implique alors l’importance accrue de personnages secondaires. L’enfant des rues, le trafiquant d’armes, les membres des grandes familles industrielles ont tous un rôle à jouer dans ce Japon qui peut basculer à tout moment. L’auteur dépeint un pays qui n’a pas encore achevé sa transformation et qui risque à tout moment de retomber entre les mains de ceux qui l’ont conduit à sa perte. D’ailleurs, on sent poindre de-ci de-là de petites piques contre ces groupes d’extrême-droite japonais actuels, marginaux certes, mais encore actifs et qui empoisonnent encore la vie politique nippone.
The Far east Incident continue son sans-faute. Rythmé, créatif, rempli de références historique, il lève le voile sur une période méconnue du Japon tout en offrant une fiction de très grande qualité.
Vous pouvez découvrir sur le site de la maison d’édition Véga-Dupuis l’intégralité des volumes disponibles.