En publiant à partir de janvier 2021 le premier recueil Tezucomi, les éditions Delcourt ont permis aux lecteurs francophones de découvrir un formidable projet éditorial japonais. Celui-ci réinvente la notion d’hommage en proposant à des auteurs japonais et non japonais de réinterpréter des œuvres culte d’Osamu Tezuka, le père du manga. Avec une totale liberté de ton et de style, les deux premiers recueils (voir ici les critiques des tomes 1 et 2) ont ravi notre rédaction. C’est avec beaucoup d’attente que nous avons découvert cet ultime opus.
Entre habitués et nouveaux venus
Ce recueil réunit à nouveau une très belle équipe de créateurs. Les lecteurs avertis retrouveront des auteurs déjà rencontrés dans les tomes précédents. Victor Santos, Ishida Atsuko, Philippe Cardona, Kenny Ruiz ou Elsa Brants viennent présenter de nouvelles visions. Pour cette dernière par exemple, elle passe de Black Jack (Tome 1 ) à Princesse Saphir. Un grand écart qui démontre toute l’inventivité de cette autrice. Ce volume introduit aussi de nouveaux auteurs : Tagame Gengoro, Souya ou encore Takeshi Nogami. Certains comme Sourya sont connus du public français notamment par son travail sur la série Rouge chez Ankama, spin-off de l’univers de Freak’s Squeele.
Ces auteurs offrent par leur diversité des relectures à nouveau très audacieuses des œuvres de Tezuka. En effet, vous trouvez d’abord des auteurs de manga ou des créateurs très influencés par BD nippone. Mais sont aussi conviés aussi des auteurs d’œuvres classiques tels Victor Santos, Keeny Ruiz, lesquels vont astucieusement mêler des influences multiples. Ensuite, les auteurs invités dans ce recueil illustrent la diversité de la B.D. A côté de spécialistes du fantastique, de l’humour, se retrouvent un maître du gay-art (Gengoro Tagame), une référence du moe (Takeshi Nogami). Ces derniers vont ainsi offrir une vision iconoclaste et toujours respectueuse du matériau.
Tezucomi tome 3 : entre légèreté et sérieux
Ce recueil ne faillit pas la règle et permet à un lectorat divers d’y trouver son compte. En effet, les histoires proposent d’abord des thèmes éclectiques. Pour les amateurs d’histoires légères, de jolis contes, les relectures de Marvelous Melmo ou de Princess Saphir sont idéales. Si vous recherchez des récits de Science-fiction matinés de space opéra et de robotique, Team Phoenix ou Astro Boy vous raviront. A l’inverse, les dévoreurs d’histoires plus réalistes, d’enquêtes policières auront l’embarras du choix entre un polar noir, les tracas d’une créatrice, les périples d’un médecin de l’ombre ou les fantasmes d’un couple moderne.
Ces thématiques encore une fois riches s’accompagnent d’univers graphiques très ouverts. Ce tome laisse d’une manière générale une place plus large au thème de corps, de la sensualité. Que ce soit par la plongée dans le monde secret des homosexuels au Japon (Inspecteur Modoki) ou par la relation d’une autrice et de sa muse (Doppelgänger). A côté, vous retrouverez des œuvres aux traits fortement minimalistes (Heartless, la souris)qui viennent soutenir des histoires assez sombres. A l’inverse, des récits comme Astro, Phoenix ou L’enfant aux trois yeux profitent de dessins lorgnant vers le shonen, le seinen.
Un recueil en forme de feu d’artifice final
La grande réussite du projet Tezucomi réside dans le choix des œuvres. Il s’agissait en effet d’atteindre trois buts. Le premier était de faire connaître la richesse du travail de Tezuka. C’est pourquoi les recueils laissent une place importante à des reprises d’histoires moins connues (Neko No Chi, l’enfant aux trois yeux, Ayako…). L’autre objectif c’était d’attirer un public de néophytes en s’appuyant sur des personnages, œuvres plus célèbres : Astro, Métropolis, Black Jack… C’est pourquoi ce tome se clôture magistralement parce que les fans attendaient une aventure mettant en scène Astro !!! Une fin élégante qui répond au récit ouvrant le premier volume: Dororo. Ces deux figures tutélaires de l’univers de Tezuka encadrent ainsi , tels des gardiens du temple, l’héritage du père du manga.
Le dernier objectif du projet résidait enfin dans le lancement de séries s’appuyant sur ces mini-histoires. Les précédents volumes ont ainsi servi de rampe de lancement aux séries Ayako de Kubu Kirin et Dororo d’Atsushi Kaneko. Dans ce volume, les éditions Delcourt nous ont réservé une surprise de taille. L’inauguration de Team Phoenix, un space opera conçu comme un cross over des œuvres de Tezuka. Un fantasme de fan porté avec talent par Kenny Ruiz comme le prouvent le court récit présenté et la sortie récente du premier tome de la série.
Avec ce dernier opus s’achève une très belle aventure éditoriale. Tezucomi est à la fois une anthologie, un hommage et un passage de relais. Il nous rappelle l’immense influence de Tezuka sur le manga et la bande dessinée en général.
Vous pouvez retrouver l’intégralité de la série auprès des éditions Delcourt .