Critique de HITOMOJI stress mortel : l’ennemi intérieur

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hitomoji

Les éditions crunchyroll proposent, ce mois-ci, le dernier titre de Motoro Mase, Hitomoji. Son auteur s’est fait rapidement un nom dans le monde des mangas seinen. A travers les titres comme Ikigami, Demokratia, il s’attaque à des sujets lourds comme le suicide, le sens de la vie, l’Intelligence Artificielle ou le sens de la démocratie. Ses œuvres éminemment politiques, engagées, satyriques, s’attaquent tout autant aux problèmes du Japon qu’aux dérives du monde moderne. Sa dernière oeuvre propose une plongée vertigineuse dans le monde de la pandémie et des angoisses de notre monde contemporain.

Pandémie émotive

Le Japon tremble sous les coups d’une nouvelle maladie. Transmise à l’homme par la mutation d’une amibe, la myxomycète, le mal frappe les individus anxieux. Ceux-ci sont transformés en hitomoji, des corps liquéfiés appelés plasmode, dont seule la tête reste humaine. Si rien n’est fait, ce plasmode durcit en sporange avant d’exploser, tuant le malade et libérant des spores contagieux pour qui les inhale.

Si beaucoup de personnes sont porteurs du virus, toutes ne développent pas la maladie. Pourtant l’épidémie progresse. Pour la stopper, le gouvernement a formé une équipe médicale d’intervention dirigée par Misakai Tamaru. A charge pour cette brigade d’intervenir dès le moindre cas repéré et d’essayer de trouver une solution, si ce n’est un traitement, pour enrayer l’avancée de cette maladie.

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Course contre la mort

Hitomoji, comme la série Ikigami, nous propose de suivre la travail quotidien d’un groupe d’agents. Le récit se déroule, en effet, presque en temps réel et nous montre la gestion des multiples cas que rencontrent ces « sauveteurs ». Motoro Mase, grâce à cette construction, offre un récit très rythmé, dynamique. Nos « héros » sont jetés dans une course contre la mort. Pour sauver les malades, il leur faut plonger dans leur vie et identifier les causes de leur tourment.

Le récit peut dès lors se lire comme une évocation de ces temps de pandémie où le monde médical devait à la fois soigner et enquêter pour comprendre l’origine du Covid 19. Il se présente aussi comme une introspection non moralisatrice où les vies des patients sont disséquées pour analyser le poids de petites décisions, les conséquences des non-dits. La maladie fonctionne ainsi autant comme une menace que comme l’élément nécessaire à la prise de conscience.

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Hitomoji : une représentation horrifique d’un mal trop commun

Ce manga se présente comme une œuvre d’ambiance qui emprunte certains codes de l’horreur. En effet, Motoro Mase choisit de représenter une maladie particulièrement repoussante, qui fait fondre les corps. On est pas loin de l’imagerie de The Thing de John Carpenter. Cette dimension oppressante est renforcée par la nature même de la contagion : une amibe, des pores. Le manga insiste sur cette menace aveugle, grouillante qui dévore ses victimes.

Cette amibe n’est pourtant pas l’ennemi. Il est le véhicule d’une menace beaucoup plus sournoise : le stress. C’est ainsi l’occasion de parler d’un fléau qui ravage la société japonaise mais aussi l’ensemble des pays développés. L’auteur y dresse un tableau riche, prenant la précaution de bien montrer notre inégalité face à cette menace. Dans la seconde partie de ce volume 1, il en profite pour montrer les multiples palliatifs que l’Homme utilise pour se voiler la face et ainsi provoquer sa mort à petite dose. L’ennemi est en somme déjà là, l’amibe n’a fait que le rendre visible.

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Tragiquement humain

Hitomoji construit son intrigue à travers plusieurs personnages de victimes. Ce voyage dans les terres de l’angoisse permet à Motoro Mase d’appréhender ces petits tracas de la vie humaine débouchant sur des drames humains. Entre les conditions de travail précaires, la fragilité de la vie de famille, les chagrins amoureux, tout est propice à ce que cette maladie se réveille. Mais alors pourquoi certains plus que d’autres développent-ils la maladie ? L’auteur n’a pas encore répondu à cette question si ce n’est en insistant sur le manque de dialogues.

L’autre élément important de ce récit concerne le regard des autres et de la société sur ces malades. Les biens portants hésitent entre rejet, fuite, incompréhension. Tous sont désarmés devant ce mal silencieux contre lequel aucun remède n’existe, si ce n’est l’écoute. De même, Motoro Mase s’intéresse à la psyché des malades. Guérir signifie accepter que vos proches vous voient au plus mal, sans presque plus rien d’humain. Mais qui est capable d’un tel choix ?

Le premier volume d‘Hitomoji confirme le talent de Motoro Mase pour nous décrire notre monde présent à travers des tranches de vie. Utilisant admirablement notre peur de la maladie, il livre une histoire passionnante dont on attend de lire le développement