Le yuri en France : un genre en plein essor !

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Si depuis quelques années, le yaoi (romances entre hommes) a le vent en poupe en France, son pendant féminin fait quant à lui doucement sa place. De nouvelles maisons d’édition se lancent dans l’aventure de l’amour au féminin. Au-delà des circuits spécialisés comme Taifu Comics, des œuvres de grande qualité nous parviennent. Focus sur certains mangas yuri qui méritent le détour !

Petit point historique

Le terme yuri, dont l’idéogramme signifie « lys », fait référence au Yurizoku, les pages consacrées aux lettres et aux rencontres entre femmes dans les magazines gays japonais comme Barazoku et Aran, populaires dans les années 1970. En effet, le yuri s’insère dans la droite ligne du esu, genre littéraire à destination des femmes et dépeignant des relations intimes entre adolescentes, avec une mise en avant du lien émotionnel et spirituel entre les protagonistes. Ainsi ces notions, tout comme celles de beauté et d’appartenance, fondent les bases du yuri tel qu’on le connaît.

En effet, il est assez rare de retrouver des relations sexuelles explicites entre les pages d’un manga étiqueté yuri, contrairement à la plupart des yaoi, plus « corsés ». Si des scènes érotiques peuvent émailler le récit, celui-ci met plutôt en lumière la construction des relations entre les protagonistes et les tourbillons émotionnels qui les traversent. Cela ajoute à la touchante beauté de ces histoires, même si certaines peuvent se mâtiner de tragédie.

En résumé, le yuri évoque des relations intimes entre femmes, dans une acception large et englobante. Avec une définition aussi floue, il peut être parfois difficile d’inclure un manga seulement dans cette catégorie. Le yuri transcende les frontières des genres bien établis et se retrouve dans de nombreuses œuvres, de Sailor Moon (Naoko Takeuchi) à Maria-Sama ga miteru (Oyuki Konno), en passant par YuriYuri (Namori) et Alter Ego (Ana Sanchez) !

Depuis les années 2000, le public a donc accès à un certain nombre d’œuvres que l’on peut intégrer dans cette catégorie de mangas, et l’offre continue d’augmenter, avec des titres qui sortent du lot par leur originalité et leur traitement délicat des liens entre femmes. Si le terme évoque pour certains les diversement appréciés Citrus (et sa suite Citrus+, de Saburôta) et Netsuzô Trap (Naoko Kodama), nous vous proposons aujourd’hui un tour d’horizon de mangas contemporains peut-être moins connus mais d’une grande qualité !

All we need is love, Amano Shuninta

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All we need is love, A. Shuninta. Détail des couvertures

Ruki Shishido vient d’intégrer une fac qu’elle n’a pas choisie. Aux côtés de son amie Fueko, elle se morfond chaque jour sur sa situation. Autour d’elles, des couples se forment, les filles discutent à propos des garçons… et elle ne le supporte pas ! Toute cette superficialité lui donne de l’urticaire ! Ruki se défend de tout intérêt pour la question ; l’amour, ce n’est pas pour elle, ni aujourd’hui, ni demain. Mais à l’occasion d’un groupe de travail, son monde va se retrouver chamboulé…

Avec un trait atypique, à la fois délicat et puissant, Amano Shuninta nous amène à la rencontre de sept personnages féminins forts et bien construits, aussi touchants dans leurs moments de faiblesse que dans leurs combats acharnés pour se constituer en tant qu’adultes. Ainsi, les liens entre Ruki, Fue, Sachi, Asuna, Maasa, Meru et Remia se font et se défont. Le lecteur peut les construire selon son ressenti lorsque lui est proposé de les représenter lors d’intermèdes entre les chapitres ! La violence des sentiments n’est pas cachée, et les défauts des personnages sont à la fois leur force et leur talon d’Achille. A quel point est-on libre et laisse-t-on la personne que l’on aime l’être ? L’amour peut-il être un jeu ? Doit-on faire des compromis pour faire durer une relation ? Doit-on renoncer à soi pour trouver le bonheur ? Et d’ailleurs, en quoi consiste-t-il ?

Les personnages créés par Amano Shuninta tentent tant bien que mal de répondre à ces questions. Loin d’être manichéennes, ces femmes sont traversées de doutes, de peurs et d’espoirs. Chacune d’entre elles détient une personnalité propre dont la psychologie est fouillée et délicatement restituée à travers les trois tomes qui composent cette série. All we need is love s’avère être un manga très réussi et réaliste, et nous n’avons qu’une seule envie : se replonger au cœur de ses pages et retrouver, encore et encore, toutes ces femmes si attachantes !

Le point bonus : le retour par l’auteure sur la création de ses personnages, à la fin du dernier tome ! Cela donne un nouvel éclairage à l’œuvre et aux relations qu’entretiennent les sept filles entre elles. A ne pas manquer !

Série en trois tomes, éditions Taifu Comics.

Autre œuvre d’Amano Shuninta : Sweet Guilty Love Bites, one-shot, Taifu Comics (2013).

Bloom into you, Nio Nakatani

bloom into you manga banner Le yuri en France : un genre en plein essor !
Bloom into you, N. Nakatani

Yû Koito fait sa rentrée au lycée Tohmi Higashi. D’un naturel plutôt réservé, on pourrait se dire qu’elle ressemble à n’importe quelle lycéenne de son âge. Cependant, Yû a cela de particulier qu’elle n’a jamais connu l’amour. En réalité, ces sentiments, s’ils parviennent à l’émouvoir à travers des moyens de fiction, ne l’ont jamais traversée. Sans en souffrir réellement, Yû se questionne pourtant en voyant ses amies en faire l’expérience. Un immense fossé semble se creuser entre elles.

Alors, quand elle surprend Tôko Nanami, figure emblématique du conseil des élèves, rejeter un garçon qui lui avait déclaré sa flamme, Yû pense avoir enfin trouvé quelqu’un comme elle. La jeune fille s’inscrit alors au conseil des élèves, espérant trouver une alliée qui pourrait la sortir de sa mélancolique solitude. Hélas, Nanami lui avoue bientôt ses sentiments pour elle… Comment Yû va-t-elle gérer cette déception ? Acceptera-t-elle l’aveu de Tôko ? S’ouvrira-t-elle à l’amour ou lui restera-t-il toujours étranger ?

Vous le saurez en lisant cette saga douce-amère ! Si le thème de ce manga semble usité, Nio Nakatani parvient à y instiller une dose de nouveauté à travers le personnage de Yû. Ses sentiments contradictoires sont très bien retransmis, avec des mises en scène percutantes. La relation qui se construit entre elle et Tôko nous amène à nous questionner sur la réalité de l’amour, et l’impuissance que nous ressentons parfois à comprendre l’autre qui se dresse face à nous. Des personnages vont venir se greffer et donner de la matière et de l’épaisseur au récit. Celui-ci est bien mené et reste cohérent jusqu’au bout. En conclusion, Bloom into you est une très bonne découverte qui mérite que l’on s’y attarde !

Par ailleurs, les studios Troyka proposent une adaptation animée de bonne facture, disponible en France chez Kana Home Video et ADN.

Série en huit tomes, aux éditions Kana.

Octave, Haru Akiyama

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Octave, H. Akiyama. Une rencontre toute en mélancolie !

Yukino Miyashita est une ancienne idol dont la carrière n’a pas réussi à décoller. Elle en a retiré un profond mal-être et un certain dégoût vis-à-vis des hommes. Cette jeune fille discrète tente de reprendre une vie normale, partageant son temps entre un travail mal payé dans son ancienne agence, et la solitude dans laquelle elle plonge lentement. Mais lorsqu’elle fait la rencontre de Setsuko Iwai, quelque chose commence à changer en elle…

Octave est le récit d’une rencontre entre deux femmes écorchées. Yukino et Setsuko ont chacune du mal à faire confiance aux autres, et se replient souvent derrière des défenses qui peuvent paraître insurmontables. La tourmente dans laquelle les plongent leurs sentiments se ressent jusque dans les couvertures des tomes. En effet, les figures de Yukino et Setsuko semblant se chercher mutuellement, derrière un masque mélancolique. Leur lien est suggéré par des détails de la tenue de Yukino, parfois aussi ténu qu’un fil, ou bien aussi solide qu’une longue pièce de tissu ou une liane fleurie.

Haru Akiyama nous propose ici une romance mature que l’on suit avec plaisir et parfois des pincements au cœur devant les épreuves que le couple doit traverser. Par conséquent, Octave se place sans problème comme un manga incontournable du catalogue yuri des éditions Taifu comics. Par ailleurs, l’histoire reste abordable pour les néophytes, qui seront séduits par sa sensibilité et par les questionnements très actuels de ses personnages.

Série en six tomes, Taifu comics.

Luminous Blue, Kiyoko Iwami

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Luminous Blue, K. Iwami. Une romance adolescente pleine de potentiel !

Passionnée de photographie, Kô Tarumizu débarque dans le lycée de ses rêves, celui qui a hébergé son idole, lauréate par deux fois du concours national de photographie lycéen. C’est l’occasion pour elle d’exercer son talent ! Mais hélas, le club photo est désormais bien inactif… Kô va tout faire pour lui rendre son dynamisme et participer à son tour au concours. Pour cela, elle décide de prendre pour modèles Nene Aono et Amane Akimoto, deux camarades de classe. Un profond sentiment d’intimité entoure les deux adolescentes… Et pour cause : notre héroïne découvre qu’elles étaient encore en couple il y a quelques mois ! Leurs sentiments sont-ils réellement éteints ? Comment Kô va-t-elle pouvoir s’inscrire dans cette relation tumultueuse ? L’objectif de son fidèle appareil photo pourrait bien être le témoin privilégié d’une douce valse des émotions !

Avec ce touchant diptyque, Kiyoko Iwami nous place en spectateurs des tourments adolescents, dans une chorégraphie douce et superbement retransmise par son trait délié. La relation triangulaire qui se met en place entre Kô, Nene et Amane prend de la force au fil du récit et donne lieu à des scènes qui ont le pouvoir de faire battre le cœur ! La mangaka joue habilement avec nos nerfs, enchaînant les moments de camaraderie et ceux où la tension émotionnelle grimpe en flèche, jusqu’au final réussi. Luminous Blue peut convenir à tous ceux qui sont à la recherche d’un manga tout à la fois mature, réconfortant et innovant !

Série en deux tomes, Taifu comics.

Candy, Yufuko Suzuki

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Candy, Y. Suzuki. Un titre idéal !

Kanan Miyamoto fait figure de star du lycée. Membre du club de tir à l’arc, elle attire à elle l’attention de nombreuses filles et reçoit souvent des déclarations d’amour. Mais elle les refuse toujours, ne les prenant pas au sérieux, et se dévalorisant au passage en pensant qu’elle n’a rien d’extraordinaire. Cependant, lorsque Chiaki Beshiyo, une élève de terminale, lui avoue ses sentiments, Kanan se retrouve désemparée… Troublée, la jeune fille va alors faire l’expérience de sentiments jusque-là inconnus !

Candy est une œuvre courte mais complète, dans laquelle nous suivons l’évolution de la relation entre Kanan et Chiaki, qui se révèlent peu à peu l’une à l’autre avec beaucoup de pudeur et de tendresse. Les deux lycéennes vont doucement grandir ensemble, et affronter les rumeurs et les atteintes d’un entourage amical pas forcément à l’écoute. Le tout baigne dans une atmosphère assez mélancolique, qui donne envie de s’arrêter pour réfléchir aux méandres des sentiments humains.

Yufuko Suzuki construit ses personnages jusqu’au bout et retransmet leurs combats intérieurs avec beaucoup de talent. Elle nous offre même un aperçu de ce qu’ils sont devenus après cette période charnière du lycée, ce qui est très appréciable. Nous avons alors le sentiment agréable d’une histoire achevée, d’une évolution qui a pu être menée à son terme. Enfin, les dessins, sans être exceptionnels, sont très jolis et doux. Nous apprécions particulièrement les couvertures des tomes, qui se répondent et s’illuminent de couleurs sucrées !

Série en deux tomes, Taifu comics.

Hana no Breath, Caly

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Hana no Breath, Caly. La force de l’amour !

Azami Takahashi, 16 ans, est à la recherche du prince charmant. Loin des préoccupations de ses amies qui ne semblent s’intéresser qu’au monde imaginaire des mangas, et surtout des yaoi, elle n’a d’yeux que pour Gwen, membre emblématique du club de basket. Après de nombreuses tergiversations, elle décide enfin de déclarer sa flamme au jeune garçon… qui se révèle être en réalité une fille ! Tout d’abord ébranlée, Azami réalise que ses sentiments envers Gwen n’ont pas disparu, et qu’ils sont partagés. Les deux adolescentes vont alors commencer une jolie histoire d’amour, envers et contre tous les obstacles qui pourraient se dresser devant elles !

Avec Hana no Breath, Caly signe un manga tout en finesse, aux ramifications multiples. Son dessin très reconnaissable est doux et attire l’œil. Les personnalités des différents personnages, qu’ils soient principaux ou secondaires, est très bien travaillée. La difficulté de s’accepter, l’impact parfois délétère du regard des autres, la jalousie et la passion, tous ces thèmes s’insèrent parfaitement dans le récit et s’entremêlent en une toile de fond qui amène le lecteur à se questionner sur ses propres réactions. La relation entre Gwen et Azami est très touchante et nous donne envie de les accompagner encore longtemps. Malgré seulement deux tomes, Hana no Breath mène son histoire jusqu’au bout, sans fioritures ni précipitation, nous laissant un souvenir de lecture très positif !

Série en deux tomes, éditions H2T. Pour lire un extrait, c’est par ici !

Autres œuvres de Caly : Nova (manga en cours, un tome paru, éditions H2T) ; MaHo Megumi (manga en autopublication).

Plongée dans la nuit, Goumoto

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Plongée dans la nuit, Goumoto. Une rencontre dans les profondeurs de l’adolescence !

La belle et taciturne Tsukiko Yano évolue dans l’espace scolaire comme dans un rêve insondable et silencieux. Solitaire, elle observe ses contemporains de loin et semble refuser toute tentative d’approche. Mais un jour, elle surprend Aya Utsumi, une camarade, en train de nager, et la forteresse derrière laquelle elle se retranche commence à s’effriter. Tsukiko tente d’en savoir plus sur cette mystérieuse sirène, jusqu’au jour où l’occasion lui est offerte d’entrer en contact avec celle qui a déclenché tant de remous dans son cœur…

Attention, COUP DE CŒUR ! Plongée dans la nuit est un manga si poétique et sublime qu’il nous est difficile de décrire l’impact qu’il a provoqué chez nous. Goumoto se révèle une mangaka très talentueuse, au trait puissant et plein de charme. Les incrustations aquatiques rappellent le travail de la tout aussi géniale Yuhki Kamatani (Éclat(s) d’âme, Nos c(h)oeurs évanescents), et rendent bien compte du trouble qui agite les deux jeunes filles. Leur relation évolue doucement, en même temps que nous en apprenons un peu plus sur elles. Les personnages secondaires ne sont pas laissés de côté et ajoutent une plus-value au récit, le rendant immersif et vivant. C’est avec une hâte non dissimulée que nous attendons la sortie des tomes suivants !

Série en cours, deux tomes parus, Taifu comics.

Fleurs bleues, Takako Shimura

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Fleurs bleues, T. Shimura. LE classique à (re)découvrir !

Akira Okudaira fait son entrée au lycée Fujigaya, un établissement huppé pour jeunes filles. Sur le chemin qui la mène à sa nouvelle école, elle croise Fumi Manjome, qui n’est autre que sa meilleure amie de primaire ! Les retrouvailles entre les deux jeunes filles sont chaleureuses. Cependant, Fumi semble plongée dans une étrange tristesse. Cela est dû à une profonde blessure sentimentale qui mettra du temps à cicatriser, laissant l’adolescente vulnérable et toujours au bord des larmes. Akira saura-t-elle tirer Fumi hors de ce gouffre où elle se morfond ? Sa joie de vivre et son énergie inépuisable seront-elles de taille face aux tourments qui les attendent durant leur scolarité ? Une nouvelle étape est sur le point d’être franchie entre les deux amies !

Fleurs bleues reste l’un des mangas incontournables lorsqu’il est question d’acceptation de soi. Takako Shimura nous offre ici l’un des piliers de la littérature yuri de ces dernières années, avec son récit doux-amer et ses personnages attachants. Les tomes sont de très bonne facture. Notamment, les couvertures attirent immédiatement l’œil, avec leurs airs de peinture à l’aquarelle. Déceptions et espoirs se côtoient, saupoudrés de quelques touches de légèreté et d’humour qui nous aident à reprendre notre souffle dans cet océan d’émotions. Laissez-vous tenter par ce manga classique, épuré et époustouflant de richesse !

Série en huit tomes, éditions Asuka.

Autres œuvres de Takako Shimura : Comme un adieu (tome 1 le 8 avril 2021, éditions Akata) ; Happy-Go-Lucky Days (anime disponible, manga inédit en France intitulé Dônika Naru Hibi, deux tomes) ; Hôrô Musuko (anime ; manga inédit en France. Disponible en langue anglaise sous le titre Wandering son) ; Si nous étions adultes (à venir, éditions Akata).

         Nous espérons vous avoir donné envie de jeter un œil sur ces quelques œuvres emblématiques du genre avec cette petite liste qui n’est bien sûr pas exhaustive ! Pour une touche de légèreté, vous pouvez également vous tourner vers les très mignons Kase-san (de Hiromi Takashima, chez Taifu) et Inu & Neko (un Yonkama de Kuzushiro, chez Ototo, disponible en anime sur Crunchyroll !). N’hésitez pas à faire vos propres suggestions dans les commentaires. Le yuri a encore de beaux jours devant lui. Nous attendons avec impatience les mangas à venir qui pourraient bien le transcender et élargir ses frontières !