Picasso Mania au Grand Palais

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Du 7 octobre au 29 février 2016 se tient au Grand Palais l’exposition Picasso Mania. Une nouvelle approche de l’œuvre du maître du 20e siècle et un regard sur son influence.

Comme une exposition miroir à celle sur Picasso et les maîtres qui montrait comment le peintre espagnol avait été influencé par ses pairs, Picasso Mania fonctionne sur le même principe mais inversé. Il s’agit ici de voir comme le génie espagnol a profondément marqué l’art contemporain jusqu’à devenir une icône.

Dès le début de l’exposition on est frappé par l’image de Picasso au-delà de son art ; c’est le personnage lui-même qui fascine et on se rend compte à quel point il a lui-même été le sujet de créations, sorte de « fanart« , et de reproductions. Cette fascination a donné lieu à une diversité d’effigies de Picasso dont on retrouve quelques exemples marquant dans la première salle. Devenu symbole de l’art moderne, il apparaît dans de nombreuses œuvres venue d’Afrique comme de Chine, d’Amérique et d’Europe.

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Picasso, c’est bien entendu le cubisme !
Inspiré de la peinture volumétrique de Paul Cézanne, il s’agit de peindre non pas ce que l’on voit, mais ce que l’on conçoit. Cette démarche va progressivement évoluer au point de frôler l’abstraction. Accompagné de Georges braque, Picasso sera un des chefs de file de ce mouvement de 1908 à la fin de la première Guerre mondiale. On a le plaisir de retrouver ici un échantillon significatif de travail du maître. Matière, couleurs ocres, son travail est ensuite confronté à une nouvelle approche du cubisme, celle de David Hockney, qui propose une relecture du cubisme.

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L’exposition propose ensuite une installation très intéressante qui regroupe l’ensemble des images sur cinéma, du théâtre, de la danse, de la publicité et de la musique faisant référence à Picasso. Cette banque d’image, projetée sur 3 murs dans une salle sombre, a été réalisée avec la participation de Jean-Paul Battagia et Fabrice Aragno et la complicité de Diana Widmaier-Picasso.

Autre tableau majeur de la carrière de Picasso, Les Demoiselles d’Avignon a largement inspiré de nombreux artistes. Un espace est entièrement consacré à la façon dont ils se sont réapproprié l’œuvre sexuelle et exotique. Mike Bidlo, Richard Pettibone, André Raffray, Jeff Koons… Ces œuvres permettent aussi une réflexion sur ce que Picasso a apporté à l’art africain. En effet de nombreux artiste originaire d’Afrique considèrent aujourd’hui Picasso comme un contributeur à la renaissance de leur art. La salle propose aussi une approche par des artistes femmes de l’image du modèle et plus particulièrement de la prostituée.

Chef d’œuvre, Guernica a su marqué les esprits au-delà de la guerre d’Espagne jusqu’à devenir dans l’art contemporain le symbole d’une lutte et de l’art engagé. L’image de ce tableau sera utilisée pour d’autres combats, comme la guerre au Vietnam, et inspirera de nombreux artistes à porter des messages de paix, dénonçant avec violence les atrocités de la guerre, mais aussi incitant le peuple à la réflexion et cherchant la prise de conscience collective. Parmi les œuvres proposées ici, on souligne celle d’Adel Abdessemed qui explore au sens propre et figuré l’expression  » l’homme est un loup pour l’homme  » et celle de Goshka Macuga qui invite le visiteur à s’asseoir autour d’une table pour échanger sur le sujet.

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Dans un deuxième temps, l’exposition s’attache au travail de Picasso et à son évolution liée aussi à l’histoire. Du cubisme au surréalisme, une touche d’expressionnisme, c’est a travers les portraits que la métamorphose est plus évidente. Couleurs, formes, textures, peaux lissées, matières… ce sont des chimères, des créatures, une synthèse de styles. Le portrait féminin notamment deviendra le sujet de reproduction en série qui inspirera le Pop art : Roy Lichtenstein, mais aussi Warhol reprendront des figures de Picasso pour les refaire à leurs sauces. Picasso devient lui aussi un objet de consommation.

Tel un silence au cœur de l’exposition, la vidéo de Rineke Dijkstra propose de découvrir La Femme qui pleure à travers les commentaires des élèves d’une école. Ainsi, nous ne voyons pas le tableau mais nous le découvrons à travers les réactions des enfants et des commentaires, analyses et critique qu’ils font de l’œuvre. I See a Woman Crying est une façon originale de substituer une œuvre par une autre tout en la racontant. Autre mise en abîme, celle proposé par Jasper Johns ou comment un artiste va piocher des formes, des figures dans l’œuvre de Picasso pour composer ses propres tableaux.

Plus qu’un artiste, une icône, Picasso est aussi une Star qui fera souvent l’objet d’article dans la presse. Que ce soit pour des motifs politiques ou personnel, il maîtrise son image et en joue au grès de ses besoins et envie. C’est aussi grâce à ses amis et relations photographes qu’il produit de nombreux portraits, images, souvenirs qui permettront de pérenniser les multiples facette de son existence : artiste, politique, millionnaire, ami, père, grand-père, créateur, génie, intime… L’artiste Martin Kipperberger va être fasciné par une de ces images. Celle de Picasso sur le perron de sa maison à Cannes, arborant un magnifique slip kangourou. Cette image donnera lieu à des autoportraits de l’artiste dans la même posture et plusieurs déclinaisons plus ou moins insolites.

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L’exposition se termine sur les dernières œuvres de Picasso : L’exposition qu’il a faite au palais des Papes à Avignon en 1973 fut condamnée par la critique à l’époque. Pourtant, certains de ces contemporains verront encore le génie du maître. C’est ici un mur entier reprenant les tableaux qui ont marqué la fin de la vie du peintre que nous présente l’exposition. La dernière salle permet la déclinaison de ses images qui finalement finissent par s’imposer comme un renouveau de l’art dans les années 1980.

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Pour les érudits d’art contemporain, cette exposition est une analyse pertinente et efficace de l’œuvre de Picasso et de son influence sur ces contemporains mais aussi sur les artistes qui ont suivis. Pour un public moins avertis, le Grand Palais nous offre un bel espace de réflexion sur l’art et son impact à travers les âges, mais aussi sur l’œuvre d’un artiste indémodable qui reste la figure de proue de l’art au 20e siècle, une indétrônable icône !  

Photos : Anouck ZANA