Le génie de Léonard de Vinci à la Pinacothèque

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Jusqu’au 31 janvier, la pinacothèque de Paris propose de découvrir le génie de Léonard de Vinci à travers une cinquantaine de pages du Codex Atlanticus. Une immersion dans le mystère de Vinci !

Alléchante par son propos, l’expo Léonard de Vinci se présente comme un inventaire, nous permettant d’accéder de façon exceptionnelle au savoir du génie, longtemps caché au grand public. Le Codex Altlanticus, nous est ici dévoilé en partie à travers ses plus belles pages et l’exposition nous propose plusieurs approches afin de mieux comprendre l’importance d’un tel document.

La vie de Léonard de Vinci

Bien que l’exposition n’ait pas pour vocation de raconter la vie du maître, elle aborde des aspects souvent oubliés de son existence, qui ont pourtant une importance capitale et un impact certain dans son parcours. Une chronologie présente ainsi les dates importantes de sa vie (créations artistiques, formation, invention, déplacements et rencontres) en parallèle avec l’histoire de la Renaissance et les grands événements politiques. Tout au long de la visite, les feuillets du codex sont accompagnés d’anecdotes et de rappels historiques, permettant de resituer le contexte de leurs écritures dans la vie de Léonard. De même l’exposition insiste sur certaines rencontres : Luca Pacioli, Ludovico Sforza et bien sûr François 1er qui sera vers la fin de sa vie son protecteur et ami.

Francesco_Melzi_-_Portrait_of_Leonardo

Le Codex Atlanticus

L’exposition retrace aussi l’histoire de ce document, les périples qu’il a du affronter et les événements qui lui ont permis de parvenir jusqu’à nous. La cinquantaine de feuillets présents dans l’expo ne sont en fait qu’un extrait du Codex.
Il s’agissait au départ d’un ensemble de notes prises par Léonard de Vinci au cours de son existence. A sa mort, le maître transmet son précieux manuscrit à son apprenti, Francesco Melzi qui le conservera avec soin. Ses héritiers, quant à eux, le disperseront, revendant les pages à des amateurs.
Le Codex sera ensuite réuni par Pampéo Leoni qui le restructure à sa façon – quelque peu arbitraire – découpant parfois des morceaux pour les coller à d’autres afin de créer des liens… pas souvent en rapport. C’est pourtant cette structure que l’on connait encore de nos jours et qui sert de référence.
A la disparition de ce dernier, le codex passe à nouveau de main en main sans trouver vraiment acquéreur auprès des collectionneurs. Les feuillets sont alors séparés et parfois découper pour la revente. Il est finalement déposé à la bibliothèque Ambrosienne en 1637 pour étude.
En 1796, Napoléon saisit le Codex pour le ramener en France où il séjournera à la Bibliothèque Nationale et à l’Institut de France. En 1815, une partie retourne à Milan, mais il faudra attendre 1960 pour qu’on étudie à nouveau le Codex et qu’on se préoccupe de sa préservation. Il sera volé en 1968 mais miraculeusement retrouvé. Après cet incident, la volonté de reconstituer le Codex est plus forte que jamais et la question de sa conservation est enfin abordée. Il est alors relié en 12 volumes qui conserve l’ordre imposé par Léoni. Mais la consultation et la lecture en reste difficile et le Codex restera longtemps caché du grand public.
Il faudra attendre 2009 pour que les feuillets soient démontés et qu’une autre technique de préservation soit adoptée. Désormais, chaque feuillet répertorié mais indépendant peu voyager pour étude, mais aussi dans le cadre d’expositions.

Un carnet intime

LéonardPlus qu’un simple livre de note, le Codex Atlanticus nous apporte énormément d’information sur la vie de Léonard de Vinci, mais aussi sur son mode de penser, sa façon de travailler. Il n’y a pas vraiment de datation sur les feuillets et ils ne sont pas présentés de façon chronologique.
On comprend au fil du parcours que l’exposition tente de retrouver le contexte d’écriture de chacun. Mais cette tâche demeure difficile : Léonard de Vinci est gaucher, il écrit à l’envers, de droite à gauche, il code souvent ses écrits en inversant l’ordre des lettres et écrit de façon aléatoire sur un feuillet, puis un autre à des période parfois éloignée. Ces notes sont totalement disparates !
On peut donc faire des suppositions sur la date de certaines annotations ou dessins en fonction de ce que l’on sait de ses rencontres, de ses créations, de ses inventions pour ses différents mécènes. Parmi les éléments qui permettent de resituer les feuillets, l’expositions propose parfois de se fier au filigrane du papier qui donne souvent une information sur la date de production.
On ne peut en tout cas que s’extasier devant la finesses des dessins et la précision de ses représentations techniques. Ainsi, il traite avec autant d’importance la description d’une arme, d’une machines de guerre, d’une serrure, d’une architecture, d’une décoration ou d’un simple dessin évoquant un symbole, une allégorie ou sa représentation poétique (érotique?) de l’amour.
On découvre qu’il avait une curiosité pour tout et que son intérêt était illimité. On se rend compte par ailleurs que ses inventions et ses réflexions ne sont pas dénuées d’interrogations, parfois de doutes, remettant en cause l’importance ou l’utilité de telles ou telles invention, introduisant des notions humanistes dans sa démarche, parfois philosophique ou poétique.
Parmi ses préoccupations récurrentes, on retrouve les problématiques hydrauliques ou celles liées au vol de l’oiseau, un phénomènes qui le fascine, qu’il observe, dessine et tente de reproduire pour l’homme par tous les moyens. Outre les dessins et les pensées, les feuillets contiennent aussi des listes, des citations, des calculs, le tout mélangé au fil des pages.

François 1erUn peu confuse dans son organisation, parfois complexe et difficile d’accès pour un public peu averti, mais à la fois riche et intrigante, cette exposition sur Léonard de Vinci nous incite à aller plus loin et pousse notre curiosité à vouloir en connaître d’avantage sur ce florentin extraordinaire. La fin de l’exposition est d’ailleurs une sorte d’invitation à nous rendre au Clos Lucé, dernière demeure du maître pour en apprendre plus. On regrette que l’exposition qui s’annonçait ludique ne le soit pas d’avantage avec la présence de plus de maquettes et de machine en démonstration que le public pourrait manipuler lui-même.

L’exposition nous plonge au cœur de la renaissance italienne, puis française et dans la vie de Léonard de Vinci. Elle nous invite à entrer dans la tête du génie et à parcourir ses pensées les plus personnelles. C’est une véritable découverte intime et touchante qui nous permet de mieux comprendre le processus complexe de création et de compréhension du monde de cet homme exceptionnel.

On vous laisse avec ce petit bijou de lettre de motivation écrite à Ludovico Sforza en 1482 :

 » Ayant très illustre Seigneur, vu et étudié les expériences de tous ceux qui se prétendent maîtres en l’art d’inventer des machines de guerre et ayant constaté que leurs machines ne diffèrent en rien de celles communément en usage, je m’appliquerai, sans vouloir faire injure à aucun, à révéler à Votre Excellence certains secrets qui me sont personnels, brièvement énumérés ici.

– J’ai un moyen de construire des ponts très légers et faciles à transporter, pour la poursuite de l’ennemi en fuite ; d’autres plus solides qui résistent au feu et à l’assaut, et aussi aisés à poser et à enlever. Je connais aussi des moyens de bruler et de détruire les ponts de l’ennemi.
– Dans le cas d’investissement d’une place, je sais comment chasser l’eau des fossés et faire des échelles d’escalade et autres instruments d’assaut.
– Item. Si par sa hauteur et sa force, la place ne peut être bombardée, j’ai un moyen de miner toute forteresse dont les fondations ne sont pas en pierre.
– Je puis faire un canon facile à transporter qui lance des matières inflammables, causant un grand dommage et aussi grande terreur par la fumée.
– Item. Au moyen de passages souterrains étroits et tortueux, creusés sans bruit, je peux faire passer une route sous des fossés et sous un fleuve.
– Item. Je puis construire des voitures couvertes et indestructibles portant de l’artillerie et, qui ouvrant les rangs de l’ennemi, briseraient les troupes les plus solides. L’infanterie les suivrait sans difficulté.
– Je puis construire des canons, des mortiers, des engins à feu de forme pratique et différents de ceux en usage.
– Là où on ne peut se servir de canon, je puis le remplacer par des catapultes et des engins pour lancer des traits d’une efficacité? étonnante et jusqu’ici inconnus. Enfin, quel que soit le cas, je puis trouver des moyens infinis pour l’attaque.
– S’il s’agit d’un combat naval, j’ai de nombreuses machines de la plus grande puissance pour l’attaque comme pour la défense : vaisseaux qui résistent au feu le plus vif, poudres et vapeurs.
– En temps de paix, je puis égaler, je crois, n’importe qui dans l’architecture, construire des monuments privés et publics, et conduire l’eau d’un endroit à l’autre. Je puis exécuter de la sculpture en marbre, bronze, terre cuite. En peinture, je puis faire ce que ferait un autre, quel qu’il puisse être. Et en outre, je m’engagerais à exécuter le cheval de bronze à la mémoire éternelle de votre père et de la Très Illustre Maison de Sforza.

Et si quelqu’une des choses ci-dessus énumérées vous semblaient impossible ou impraticable, je vous offre d’en faire l’essai dans votre parc ou en toute autre place qu’il plaira à Votre Excellence, à laquelle je me recommande en toute humilité. «