En 2018, Jamal Khashoggi, journaliste saoudien, entre dans son ambassade à Istanbul. Il n’en ressortira jamais vivant. « The Dissident, » retrace le meurtre brutal et sanglant de Khashoggi, ainsi que l’effort du Royaume contre les dissidents en exil. Il montre une facette de la machine de propagande qui vise à protéger la famille Royale.
Attention Spoilers Possibles ci dessous!
« The Dissident » Un Documentaire percutant:
Dès le début, le documentaire révèle sa thématique principale: Le meurtre glacial de Jamal Khashoggi. Fogel utilise les J.T de multiples chaines d’informations internationaux, toutes couvrant l’annonce du meurtre. Le réalisateur n’a qu’une idée en tête: retracer l’enquête sur la disparition et l’exécution du journaliste prominent, Jamal Khashoggi.
Bien que le documentaire n’apporte pas beaucoup d’éléments nouveaux sur ce qu’on savait déjà du meurtre, ce documentaire reste crucial à voir. Il montre une facette du Royaume et de sa machine à propagande que le public ne connait probablement pas. Ses forces résident dans les compétences de narration du réalisateur ainsi que dans la passion, la diversité et la clarté des intervenants.
Le documentaire peut être séparé en 3 ‘histoires’ spécifiques:
- L’enquête sur la disparition et le meurtre du journaliste.
- La vie d’Omar Abdulaziz aka « The Dissident. » Activiste politique saoudien et ami de Khashoggi, il est en exil pour ses critiques contre la famille royale saoudienne.
- La relation de Khashoggi et de sa fiancé turque, Hatice Cengiz ainsi que le combat de cette dernière pour obtenir justice.
« En Arabie saoudite, si vous parlez de tout sauf la famille royale, vous ne parlez pas de politique. »
En terme de documentaire politique, il n’y a rien à redire, dans sa globalité, il est excellent. Son seul « bémol », qui n’en est pas un, est que la 3ème histoire sur la relation de Khashoggi avec Hatice Cengiz n’est pas forcément nécessaire au documentaire. Il peut très bien se tenir sur les deux premières branches et les explorer plus en détails. Ou bien, explorer plus en détail le rôle et les actions de Hatice Cengiz pour obtenir justice et mettre cette histoire sous les feux des projecteurs internationaux.
Dissident malgré lui
Khashoggi et Omar Abdulazziz ne sont pas devenus des dissidents de leurs plein gré. Leur critiques du régime saoudien et leur lutte pour la liberté d’expression a entraîné comme conséquences une vie en exil et une peur permanente pour leur proches. Pourtant, ils aiment leur pays. Le documentaire explore de façon directe comment ces hommes se sont retrouvés ‘bannis’ de leurs pays natal et pourquoi ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Il retrace aussi la rencontre et l’amitié entre ces deux hommes.
« Que savez vous des abeilles? » Voila la question posée par Khashoggi à Omar. Cette métaphore va servir de trame pour toute une longue partie du documentaire. Les dissidents qui veulent aider leur pays se retrouvent dans le rôle des abeilles. Tandis que la machine de propagande du régime est la mouche qui vise à noyer les voix sur les réseaux sociaux.
Le public assiste à une soi-disant guerre sur internet pour gagner le peuple saoudien. Comme l’explique Omar Abdulazziz, quand un tweet anti saoudien apparait et gagne en popularité sur twitter, les mouches de propagande tentent de noyer l’élément dérangeant pour garder en ‘trending’ sur le territoire que des choses positives sur la famille royale. Ils sont des milliers derrières leurs écrans à surveiller l’activité saoudienne sur les réseaux sociaux.
C’est une présentation de la problématique assez Orwellienne en fin de compte.
« Big Brother is watching you »
Un documentaire qui dérange certains
En vue d’un rapport récent de la CIA qui dit que l’assassinat de Khashoggi a été commandité par le prince MBS, ce documentaire prend d’autant plus d’importance.
Il met la responsabilité clairement sur les partis concernés. Brian Fogel n’a aucun problème à montrer aussi les faiblesses des états étrangers qui veulent préserver leurs relations avec l’Arabie saoudite, tel que les Etats Unis. Trump n’est pas mis à l’honneur. Ni la communauté internationale.
Dans une interview sur son nouveau documentaire, Brian Fogel était catégorique. Dans cette affaire sordide, l’argent a primé sur la justice et les droits de l’homme aux yeux de la communauté internationale.
« Agnès Callamard, rapporteur spéciale de l’ONU a mené une enquête qui montre que le meurtre de Khashoggi est une affaire dont le dénouement est clair. Le rapport de la CIA parle d’une affaire dont l’issue est claire. Les Turcs ont fourni des enregistrements audios choquants de l’assassinat aux gouvernements français, anglais et américain. Pourtant, l’ONU n’a rien fait, » explique t-il.
Fogel montre aussi la fragilité de la liberté d’expression dans un monde où il est plus facile de se taire et baisser la tête. Il met aussi l’accent sur le rôle et l’influence des réseaux sociaux pour dicter la puissance d’un régime. Comme pour les cultes de personnalité vu par le passé via la propagande papier, aujourd’hui, c’est sur les réseaux sociaux que cela se passe.
Il nous montre comment un meurtre vivement médiatisé peut être complètement effacé au 21ème siècle.
Impressions Globales:
Durant l’intégralité du film, les spectateurs resteront captivés par ce documentaire extrêmement important à notre époque. C’est aux spectateurs de décider par eux mêmes ce qu’ils en pensent de cette affaire. Ce documentaire crée une timeline fidèle des événements vécus et permet d’apporter des éclaircissements nécessaires sur le contexte de ce meurtre.
The Dissident sort le 15 Mars 2021 sur VOD.