Pour son premier long-métrage, le cinéaste Saïd Belktibia, membre du collectif Kourtrajmé, s’attaque à une dimension unique dans le paysage cinématographique français : la magie noire. Avec Roqya, le cinéaste suit le quotidien de Nour (Golshifteh Farahani), une guérisseuse et une mère de famille accusée de sorcellerie. Va débuter alors une chasse aux sorcières terrifiante.
C’est quoi la Roqya ?
Avant toute chose, il serait bon de définir ce qu’est la Roqya. Sorte d’exorcisme, la Roqya est une pratique spirituelle islamique qui vise à guérir les maux physiques et psychologiques. Pratiquée par des guérisseurs, appelé Raqis, elle est traditionnellement utilisée pour lutter contre des possessions démoniaques.
Ainsi, Saïd Belktibia se sert de cette croyance islamique pour monter tout un film autour de ce concept. Roqya raconte comment Nour va devoir faire face aux préjugés, à la violence, aux doutes, et à ses propres croyances pour sauver son fils. Emmené par l’immense comédienne Golshifteh Farahani, mais aussi par l’humoriste Jeremy Ferrari dans son premier grand rôle de cinéma, Roqya est une proposition unique mais inégale.
Roqya : un concept pas totalement exploité
Force est de constater que Roqya n’a eu aucun précédent dans le paysage culturel du cinéma français. Saïd Belktibia réalise une aventure unique, sans équivalent. Le cinéaste a ouvert toute une nouvelle voix dans le pan du cinéma français. Avec Roqya, il aborde les croyances islamiques, et notamment la pratique de la Roqya, mélangeant habilement folklore, croyances, fantasmes et religion. Il permet au public français de se familiariser avec une dimension culturelle qui, jusqu’ici, n’avait encore jamais été abordée. Et en ça, simplement, Roqya est un film nécessaire.
Malheureusement, Saïd Belktibia ne parvient pas toujours à exploiter son concept. Trop souvent, le metteur en scène tombe dans le cliché facile. Il dépeint une banlieue caricaturale, sans parvenir à s’affranchir des clichés lourdingues inhérents au genre. On a du mal à croire aux personnages secondaires, pas totalement caractérisés et souvent mal interprétés. Quant à l’élément déclencheur, il est clairement amené trop rapidement, trop frontalement, trop violemment pour qu’on croit à l’action qui nous est présentée.
Dommage, parce que Golshifteh Farahani, est, comme d’habitude, impériale. Surtout dans le rôle de ce personnage de femme indépendante, de mère de famille, qui doit lutter contre une société qui lui veut du mal. Parfois assez proche de la dimension de Vincent doit mourir, Roqya dépeint une véritable chasse à la femme. Nour, seule, va devoir affronter racisme, préjugés, sexisme, comportements masculins toxiques, violence physique et morale et sa propre religion pour sauver son fils. Allégorie d’une société inquiète de la présence de l’Islam en France, Roqya est politiquement très ancré dans les problématiques sociétales et religieuses actuelles. Saïd Belktibia dépeint également une société dont l’absence de réactivité face à l’injustice et la violence fait froid dans le dos.
Malheureusement, Roqya ne sonne pas toujours juste. La faute à un récit inégal, un peu trop étiré, parfois paradoxalement trop précipité, qui peine à attraper le spectateur à chaque instant. On regrette également que le réalisateur n’ait pas appuyé davantage la dimension fantastique qui aurait apporté davantage de fantasmagorie, de suspense et de mystique à son récit. Reste quelques superbes fulgurances, et un sujet, encore une fois, unique en son genre.
Pas totalement convaincu par #Roqya
Malgré son sujet totalement unique dans le paysage du cinéma français, le film s’embourbe dans des facilités scenaristiques et des clichés balourds…
Reste Farahani, flamboyante comme d’habitude @thejokersfilms pic.twitter.com/kyyr2T2cGb
— Aubin Bouillé (@7emeCritique) April 24, 2024