Inspiré de l’histoire vraie de Reality Winner, le film se concentre sur le jour où la jeune américaine voit sa vie basculer en 2017 lorsque deux agents du FBI se présente à son domicile pour l’interroger. Angoissant, mystérieux et agrémenté de dialogues parfois surréalistes, le film Reality invite le spectateur à douter de tout, même du personnage principal qui semble au premier abord indubitablement innocent.
Une volonté de recréer un évènement marquant
Réalisée par Tina Satter, l’histoire de Reality Winner a été tirée d’une pièce de théâtre. Accusée d’avoir fait fuiter des documents confidentiels de la NSA sur l’élection présidentielle de 2016, l’histoire de Reality Winner, condamnée à cinq ans de prison, a immédiatement passionné la réalisatrice Tina Satter. Fascinée par l’histoire de la jeune officière des services de renseignement et soucieuse de retranscrire ces évènements sur grand écran, Tina Satter décide de l’adapter au cinéma. Filmé en majorité dans une seule pièce, le film retranscrit parfaitement la tension d’un interrogatoire à huis clos. Bande son angoissante et silence pesant viennent ponctuer et entrecouper les dialogues tantôt normaux, tantôt absurdes.
Ce retour à l’histoire de Reality Winner par le cinéma met en lumière les interrogatoires émis par le FBI. Tout au long du film, la tension est à son maximum, le spectateur s’attend à ce que les esprits s’échauffent et qu’un drame arrive à tout moment. Cette volonté de bouger le curseur de violence à tout moment dans le film arrive parfaitement à se ressentir grâce aux performances délivrées par les acteurs principaux.
Des acteurs au service d’une tension palpable
L’actrice Sydney Sweeney qui détient le rôle principal délivre une performance saisissante et parvient à passer du rire à la terreur en l’espace de quelques secondes. Partageant la majorité de ses scènes aux côtés des acteurs Josh Hamilton et Marchand Davis, l’actrice d’Euphoria arrive à installer un climat dérangeant. Dual, emblématique et empreint à une contradiction latente, le personnage principal de Reality Winner a passionné la réalisatrice. Tina Satter a souhaité jouer sur cette ambivalence du personnage, suscitant autant d’incompréhension que de compassion. Déterminée à retranscrire les dialogues tels qu’ils étaient, la réalisatrice a souhaité garder cette authenticité qui perd quelques fois le spectateur.
En effet, certains dialogues et scènes, bien qu’intéressantes dans l’exploitation du personnage, restent inutiles et sans but précis. Si elles servent néanmoins l’intrigue en rajoutant une note d’angoisse et d’absurde à la scène qui se déroule, les conséquences restent mineures. Les fous rires incompréhensibles, ou encore les jeux de regards parviennent néanmoins à communiquer cette atmosphère surréaliste qui était bel et bien présente lors de l’interrogatoire de Reality face aux agents du FBI.
Si la tension est palpable, la performance de chaque acteur contribue largement à installer cette ambiance dérangeante. Les passages montrant des photos de la vraie Reality Winner ainsi que des retranscriptions exactes du procès-verbal de cette dernière parviennent à appuyer le ton sérieux du film qui semble parfois s’éteindre en raison des nombreuses pauses (silences, regard intenses).
Un décor et des détails réalistes pour des dialogues surréalistes
En plus des performances des acteurs, la direction artistique parvient à abonder dans le sens d’une atmosphère à la frontière entre angoisse et incertitude. En effet, plongé dans l’intimité directe du protagoniste, le spectateur découvre des détails de son appartement, mais aussi de ses effets personnels. Ces preuves vont entrer en contradiction directe avec ce qui nous est montré de la jeune Américaine. Si Reality Winner, est dépeinte comme une femme incertaine, timide, sur ses gardes et constamment aux bords des larmes, ses photos où on la voit porter l’uniforme ou encore la présence d’armes imposantes chez elle vont prouver que cette dernière cache certains secrets.
En plus de ses détails matériels, le choix de filmer dans une pièce dépourvue de meubles nous permet de nous concentrer sur la performance des acteurs. Le lieu nu et angoissant est aussi appuyé par le choix des angles de caméra captivé par les regards de Reality. Ponctué par des photos et des vrais moments de vie de Reality Winner, mais aussi par des blancs et silences volontaires pour souligner les zones d’ombres du procès-verbal, les choix artistiques de Tina Satter ne font que servir le malaise angoissant.
Les dialogues, la performance des acteurs ainsi que la direction artistique parviennent à captiver, durant 80 minutes, le spectateur. Chaque détail est minutieusement travaillé pour ne pas oublier que le film reste inspiré d’évènements qui se sont réellement produits. Cette volonté de dépeindre à l’écran un moment central dans la vie de Reality Winner arrive à saisir l’essence même de cet interrogatoire aussi déroutant sur grand écran que dans la réalité.