Ondine est le neuvième long-métrage du réalisateur allemand Christian Petzold à qui l’on doit des films comme Yella et Transit. Sorti sur les écrans français le 23 septembre 2020, il est maintenant disponible en Blu-ray et en VOD depuis le 6 janvier 2021.
Ondine Wibeau (Paula Beer) est une conférencière indépendante en histoire de l’urbanisme de Berlin. Elle travaille pour le Sénat allemand où elle est en charge de l’accueil des visiteurs nationaux et internationaux. Lors d’un banal rendez-vous avec son compagnon entre deux visites, sa vie sentimentale bascule. Son petit ami Johannes (Jacob Metschenz) souhaite mettre fin à leur relation. Ondine demande à Johannes de l’attendre le temps de terminer une présentation. S’il ne s’exécute pas, elle devra le tuer.
Le mythe derrière le film.
Le film Ondine, qui s’écrit Undine en allemand, est tiré du conte romantique de la poétesse et romancière autrichienne Ingeborg Bachmann. Inspirée de la mythologie germanique, Ondine est une nymphe qui, à l’inverse des sirènes, n’a pas de queue de poisson et ne fréquente que les eaux de rivière ou de lac.
Le film d’une grande poésie nous immerge dès les premières minutes dans une histoire d’amour bercée par le romantisme allemand. Ondine est une jeune fille solitaire qui se débat dans le Berlin contemporain où règne la perfidie et la lâcheté des hommes. Cet environnement n’est pas adapté à elle, malgré tout, elle essaye de s’accrocher à l’amour, en revêtant une forme humaine, comme à une bouée qui l’empêcherait de dériver. Connaissant le poids de l’antique légende qui l’empêche de voguer en tout liberté, elle ne peut pas être quittée par un homme. Sinon, elle doit le tuer.
Un décor contemporain pour mieux réécrire la légende.
La ville de Berlin sert de décor mais aussi de moteur à cette histoire. Ondine cherche à avancer avec son lourd secret en donnant des conférences sur l’urbanisation de Berlin. Cette ville qui ne cesse de se reconstruire et de se réinventer pour exorciser les démons de son passé. Elle se projette toujours vers l’avenir pour fuir une Histoire devenue trop lourde à porter. Le cheminement exposé par Ondine lors de ses conférences est également sa façon de fonctionner. Elle ne cesse d’avancer pour sortir des eaux saumâtres de son passé. L’eau et le rapport qu’entretiennent les protagonistes avec celle-ci, sert de fil conducteur au film. Elle prend différentes formes, que ce soit dans un aquarium, dans un lac où travaille le personnage de Christoph (Franz Rogowski) comme scaphandrier, ou dans l’évocation du marais sur lequel Berlin s’est développée.
Un hymne à l’amour
Le film de Christian Petzold fait partie des réussites de l’année 2020. Choisissant de mettre en avant les aspects positifs du mythe. Il ne tombe jamais dans le sentimentalisme pour faire partager son émotion au spectateur.
Le développement narratif est très proche de la pièce de Giraudoux écrite en 1939 avec, cependant, une nouvelle orientation qui l’ancre dans la complexité du monde actuel. La justesse du film doit énormément à son casting, Paula Beer en tête. Elle reçut d’ailleurs l’ours d’argent pour son interprétation à la Berlinale 2020 et le Prix du cinéma européen. Le travail sur la musique qui rythme le récit participe à la beauté et à l’immersion dans le film. Elle n’est pas sans rappeler la valse Yumeji’s Theme d’In The Mood For Love.
Ondine s’inscrit dans la ligne de ces films qui traitent de l’amour avec une grande justesse, à l’image de l’œuvre de Guillermo Del Toro. La forme de l’eau couronnée par l’Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur en 2018 ainsi que le Lion d’or au festival de Venise en 2017.
Adapter un mythe à l’écran n’est jamais quelque chose de simple, surtout s’il s’ancre dans la réalité contemporaine comme c’est le cas avec Ondine. La mythologie germanique attribue l’alimentation en eau des fontaines aux Ondins. L’antique et le fantastique imprègnent notre quotidien créant ainsi une atmosphère lyrique dans les centres urbains grouillants d’activité.