Madeleine Collins d’Antoine Barraud : Deux moi

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Pour son troisième long-métrage, Antoine Barraud suit le destin d’une femme menant une double vie entre une famille bourgeoise et une autre cachée et plus modeste. Madeleine Collins est un film de libération, solide dans une première partie accès sur la tension. Mais qui pêche un peu dans sa résolution. Une certitude : Virginie Efira, qui irradie la pellicule de son charme solaire.

Madeleine Collins : un thriller psychologique efficace

Un magasin de luxe, une jeune femme hésitante, un malaise et puis une chute. Dans un plan séquence assez déroutant, Antoine Barraud met en scène une tragédie qui n’a, pour l’heure, aucun rapport avec l’histoire principal. La première pièce d’un puzzle qu’il s’agira de reconstruire dans ce thriller féminin qu’est Madeleine Collins.

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(PANAME DISTRIBUTION)

Pour son troisième long-métrage, le cinéaste suit le personnage de Judith (Virginie Efira), traductrice à la psyché tourmentée. D’un côté, elle est la femme de Melvil, grand compositeur, et mère de deux enfants. De l’autre, elle mène une vie plus confidentielle avec Abdel, avec qui elle élève une petite fille. Derrière elle se dresse des mensonges de plus en plus difficiles à assumer.

Des psychoses sans sueurs froides

Antoine Barraud explique qu’il ne voulait pas d’un film « à la Vertigo ». Une précision importante puisque de prime à bord, on pourrait y trouver quelques ressemblances : une aura de thriller hitchcockien, une femme à la personnalité bicéphale et une tension grinçante. Mais le réalisateur s’oriente plutôt vers David Lynch et Robert Benton. Pour ce dernier, Barraud souligne de vraies références à Kramer contre Kramer. Mais contrairement au personnage de Meryl Streep, celui de Virginie Efira est profondément rempli d’amour. Pour ses deux familles et encore plus pour ses trois enfants. L’écriture pointilleuse dresse merveilleusement bien son portrait. Une femme téméraire, jouant du frisson de l’angoisse, jusqu’à l’excès. Judith se veut autant attachée à sa petite Ninon qu’à son fils ainé (brillamment interprété par Thomas Gioria, révélé dans Jusqu’à la garde), demi-frère et sœur qui s’ignore entre deux pays.

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(PANAME DISTRIBUTION)

La caméra d’Antoine Barraud se veut d’une même précision, avec des séquences quasi millimétrées et qui décantent peu à peu le mystère. À ce jeu-là, la première heure du long-métrage est assez remarquable de tension. Le cinéaste manie avec talent les sous-couches de son récit pour maintenir une ambiance nébuleuse, où il est question d’identité (Qui suis-je parmi mes deux personnalités ? Ne suis-je pas qu’un amas de mensonge ? Ai-je ma propre singularité ?), de libération féminine et de maternité. On profite également d’une magnifique lumière de Gordon Spooner, pour filmer au plus près les visages impassibles malgré les mensonges. Une œuvre qui surprend même, avec un caméo du réalisateur Nadav Lapid (Prix du jury à Cannes avec Le Genou d’Ahed), dans les traits de Kurt, le faussaire qui délivre des faux papiers à Judith, tout en étant son miroir psychologique.

Vertige de la chute

C’est dans son approche finale que Madeleine Collins déçoit. Cette spirale du faux s’étend quelque peu en longueur et les trente dernières minutes, où le mystère se résout, transforme un beau film psychanalytique en thriller assez quelconque. Malgré une révélation puissante par sa tragédie, on ne se sent jamais bousculé ou acculé. Tout au mieux amusé d’avoir décrypté l’énigme qui enveloppait le long-métrage. En sa faveur, celui-ci choisit jusqu’au bout de ne pas tout dire, voire même de ne pas tout montrer. Et si le crescendo ne fonctionne pas aussi bien qu’espéré, Antoine Barraud aura réussi à nous faire s’enquérir du destin tragique de Judith. Tout en réalisant une œuvre qui ne singe pas l’immense catalogue des longs-métrages sur la dualité.

Plus drame psychologique que thriller fincherien, Madeleine Collins a pour lui de vraies belles qualités. Dans sa volonté de décrire la folie aimante d’une femme trouble, Antoine Barraud réalise une œuvre cohérente quoiqu’inabouti. Mais son atmosphère perturbante, de même que la beauté solaire de Virginie Efira valent à eux seules le visionnage. Et d’envisager quelques nominations aux Césars ?