Si loin, si proche. En 2000, l’écrivaine multi-primée Annie Ernaux décide de se replonger en 1963, année où elle a avorté clandestinement et risqué sa vie. Une dizaine d’années plus tard, Audrey Diwan, frappée par ce récit initiatique et immersif, souhaita porter à l’écran L’Événement. À la fois brutal et délicat, portant un voyage primordial, le second long métrage de la cinéaste a remporté le Lion d’or à la Mostra de Venise.
Une ardeur tout en justesse
Avant même la question de l’avortement et son traitement, ce qui frappe dans L’Événement, c’est une intention franche de plonger le spectateur dans un portrait, ici celui de Anne, une jeune femme en quête de liberté face à un antagoniste invisible. Avec comme seul repère l’immersion totale à hauteur du personnage, Audrey Diwan n’invoque qu’une bribe de l’époque et accentue la dimension humaine. S’appuyant sur un format audacieux, l’ancestral 1,37:1, la cinéaste travaille le corps de sa protagoniste et une plongée au cœur de son isolement évoquant Gus Van Sant et son Elephant. Pourtant, assistée par un travail tout en nuance du directeur artistique Omid Gharakhanian et de Laurent Tangy, chef opérateur de BAC Nord, les années soixante n’ont jamais été aussi vibrantes et palpables. Et c’est bien là que se situe l’aboutissement de L’Événement, à la reconstitution discrète mais imposante. En effet, façonnant des intentions singulières et tenaces, le film se surpasse dans tous ses départements, le casting en fer de lance.
Il est assez rare de citer un directeur de casting, souvent invisibilisé. Toutefois, il était épineux de ne pas citer le travail de Élodie Demey tant les acteurs rayonnent dans L’Événement. À commencer par les seconds rôles, presque tous seconds couteaux, se trouvant, à chacun sa manière, une place dans le retranchement de Anne. Pour n’en citer qu’un, remarqué dans l’attachant Quand on a 17 ans de André Téchiné, Kacey Mottet-Klein est magnétique dans un personnage ombrageux et accapareur. Tous lançant la réplique à une actrice éblouissante de justesse dans un personnage presque sur-mesure, Anamaria Vartolomei impressionne en totale symbiose, avatar d’une libertaire se confrontant à un futur brumeux.