Après s’être illustré avec des films de genre comme The Troll Hunter (2010), The Jane Doe Identity (2016) et Scary Stories (2019), le cinéaste norvégien André Øvredal est de retour cette semaine avec Le Dernier voyage du Demeter. Tiré du célèbre bouquin Dracula de Bram Stoker, Le Dernier voyage du Demeter développe l’un des chapitres les plus glaçants de ce classique de la littérature. Le long-métrage raconte ainsi la traversé du terrible vampire des Carpates jusqu’à Londres, et de son affrontement avec l’équipage du Demeter.
Du cliché en veux-tu en voilà
Sur le papier, c’était clairement une bonne idée. Une idée géniale même, imaginative, intrigante, que se concentrer sur un seul chapitre de Dracula, plutôt que de ressasser une histoire que le public connaît par cœur. André Øvredal a, de plus, une certaine maîtrise dans le cinéma de genre. Donc, initialement, Le Dernier voyage du Demeter aurait pu être un agréable cocktail de série B horrifique, maligne et divertissante. Ce chapitre 7 de Dracula, dans lequel l’auteur mentionne le journal de bord du Capitaine du Demeter, n’avait jusque là jamais été mis en scène dans les adaptations cinématographiques de ce chef d’œuvre. Jusqu’à ce huit clos…
Malheureusement, cette relecture trop sage et un peu poussiéreuse d’Alien : Le Huitième passager, ne tient jamais vraiment la route. André Øvredal recrée le rythme et l’ambiance du classique de Ridley Scott, sans les magnifier, ni se les approprier. Il cherche à mettre en place une atmosphère qui emprunte son ton, son esprit, et son climat à ce monument de science-fiction sorti en 1979. Evidemment, André Øvredal n’a pas la maîtrise de son aïeul, et Le Dernier voyage du Demeter ne parvient pas à transmettre le quart de la tension de Alien, sans se prendre les pieds dans le tapis.
Parce que Le Dernier voyage du Demeter est une proposition souvent ringarde, qui peine à imposer ses ressorts horrifiques. L’œuvre de André Øvredal est un film de seconde zone, à la violence trop soft, qui repose la majorité de ses effets sur des jump scares désuets. L’exemple le plus marquant survient sans doute quand l’un des personnages regarde à travers une longue vue, se tourne, et voit Dracula en gros plan, avant de sursauter. Puis, lorsqu’il enlève sa longue vue, la créature a évidemment disparue dans la nuit. Est-ce réellement encore autorisé, en 2023, de proposer un tel type de jump scare dans une démarche horrifique et sérieuse ?
A cause de sa ressemblance avec Alien, Le Dernier voyage du Demeter souffre également d’une certaine forme de redondance. Le schéma scénaristique se répète en boucle sans jamais se renouveler. L’assistance assite alors à des mises à mort répétitives, qui manquent de sève et de créativité, où des personnages stupides se font assassiner sans verve.
Un méchant asthmatique
L’échec du long-métrage passe sans doute aussi par l’expression de son antagoniste. Pourtant, la démarche de André Øvredal est totalement louable. Le cinéaste norvégien préfère opter pour le physique étonnant du comédien Javier Botet pour matérialiser son vampire plutôt que l’utilisation des CGI. Le travail sur le maquillage est alors hallucinant, et l’acteur espagnol, atteint du syndrome de Marfan, qui lui offre une hyper-souplesse de certains membres, dégage assurément quelque chose d’inquiétant. André Øvredal rend ici hommage aux anciens films de monstres, et aux vieux Dracula, en partageant un vampire d’avantage sorti de Nosferatu que de Underworld.
La démarche est donc totalement méritante, et nécessaire de souligner. Malheureusement, la peur ne prend pas. Et Dracula s’apparente davantage à un petit vieux asthmatique et chétif qu’à un Prince des Ténèbres. Le charisme de la créature ne prend pas dans ses premières apparitions, et ne permet donc pas d’imposer suffisamment de crainte pour le reste du film.
Il faut ajouter à tout ceci des personnages extrêmement stupides (pourquoi ils n’attaquent jamais leur ennemi ensemble ?), des dialogues interminables qui ne font même pas avancer l’intrigue, un manque d’impact dans la mise en scène, et une approche sociale et politique trop appuyée.
Reste que André Øvredal a les « couilles » de mettre en scène la mort d’un enfant, à deux reprises. Une manière de rappeler que le cinéaste norvégien est libre et affranchit du dicta hollywoodien. Un doigt d’honneur à l’industrie cinématographique américaine, représenté par cette exécution sournoise et malicieuse.
Le Dernier voyage du Demeter est donc une proposition qui traîne en longueur, et ce malgré un excellent postulat de départ. On s’ennuie gentiment devant un film d’horreur qui ne fait jamais peur, faute de nervosité dans la mise en scène et d’une tension que demeure trop faible.