C’est maintenant officiel : Sam Mendes ne sera plus derrière la caméra pour filmer les pérégrinations très stylées du célèbre espion britannique James Bond. L’occasion rêvée de procéder à un petit tour en revue des recrues qui pourraient prendre sa suite.
Entre le départ de Sam Mendes, le cas épineux de Daniel Craig (restera ? restera pas ?) et l’effervescence des bookmakers pour les pistes Tom Hiddleston, Jamie Bell ou Damian Lewis ; la franchise 007 traverse l’une des périodes les plus décisives de son histoire. Heureusement, la saga crée par Albert Brocoli et Harry Saltzman a plus d’un tour dans son sac et on se doute bien que de pair avec le départ de Mendes, brillant artificier ayant su in fine déconstruire l’icone et la soumettre à une brillante introspection, celle-ci va pouvoir repartir sur de bons rails aussi bien avec un nouvel acteur mais surtout un nouveau réalisateur. Car non content d’avoir su imposer Sam Mendes, réalisateur de théâtre, à la barre des deux derniers opus qui se sont taillés la part du lion question rentabilité, la firme se doit de trouver un substitut au metteur en scène britannique, apte à revendiquer un amour sans borne pour l’icône, tout en affichant une filmographie sachant rendre compte d’une certaine classe, d’une résistance à la pression et d’une certaine aisance à coordonner ce joyeux foutoir qu’est une production marquetée à hauteur de 200 millions de dollars. Forcément, passé ces conditions ayant déjà sérieusement dégrossi les rangs, il reste une poignée de cinéastes émérites qu’il nous tarde de voir se glisser derrière la caméra pour filmer l’icône accessoirement héros de la plus longue franchise cinéma du monde. Et qu’ils soient hommes ou femmes, britannique ou canadiens, jeune ou vieux, autant dire que la variété semble de mise.
Denis Villeneuve
Le cinéaste québécois, déjà auteur de plusieurs coups de maitres (on pense à l’innéarable Enemy ou au glaçant Prisoners), avait en marge de la promotion de son thriller Sicario, déjà affirmé tout son amour pour le personnage crée par Ian Fleming. Affirmant ainsi avoir été « élevé avec James Bond », le réalisateur avait au cours de la meme interview affiché son intention que de passer derrière la caméra pour filmer les exploits de la référence d’espionnage au cinéma. Et ce qui est bien avec lui, c’est qu’il a déjà un angle d’approche, en opposition totale à celui de Mendes : « J’adorerais réaliser un James Bond un jour. L’action est très cinématographique. Je ne suis pas fan de dialogues, j’aime le mouvement. L’action, si elle est bien faite, peut être très poétique et avoir du sens ». Une approche résolument tournée vers l’action certes, mais qui vu le pedigree du bonhomme, fait de tourments et de questions de moralité, pourrait faire suite aux films de Mendes, en ce qu’elle déconstruirait l’icône tout en la soumettant à des chimères diablement plus humaines et profondes. Dans tout les cas, puisque le bonhomme couve actuellement 3 projets à des stades plus ou moins avancés (Story of Your Life, Blade Runner 2 et The Son), il est peu probable que le sieur canadien puisse se libérer suffisamment assez de temps pour siroter un Vodka martini et faire résonner les cuivres de John Barry.
Christopher Nolan
Pour beaucoup, il est le candidat idéal à la succession de Sam Mendes. Un CV en béton (doit-on rappeler sa contribution sur la franchise Batman, ou bien sa capacité à faire naitre des projets ambitieux de nulle part comme ce fut le cas avec Inception ou Interstellar ?), un charisme certain, et une reconnaissance du public assez unanime. Mais l’habit ne fait pas le moine comme le dit l’expression, et Nolan, lorsque questionné au sujet de l’agent 007 s’avère être très exigeant. Envisagé dès 2013 pour réaliser Spectre, le metteur en scène avait répondu : « C’est une super franchise, et j’ai grandi en l’adorant. Mais ils ont l’air de très bien se débrouiller sans moi ». Des propos humbles loin s’en faut mais qui occultent très largement son exigence vis à vis de la franchise puisque ce dernier souhaiterait rien de moins que de pouvoir disposer d’une force de frappe créative totale et de la possibilité de repartir avec un nouvel interprète de l’espion ; chose qui semble difficilement acquise quand l’on sait la poigne de fer détenue par Barbara Brocoli qui gère la franchise. Empêtré dans le tournage de son audacieux film de guerre, Dunkirk, le réalisateur semble toutefois mal parti pour pouvoir prétendre à prendre les rennes de la franchise, puisque il se murmure déjà que Sony aimerait sortir le 25ème épisode à l’horizon 2018, soit un an seulement après la sortie de son film de guerre.
Guy Ritchie
Dans l’embouteillage des films d’espionnage de 2015 (rappelons que Spy, Mission Impossible : Rogue Nation, Spectre et Kingsman sont sortis l’an passé), beaucoup estiment que c’est l’outsider Guy Ritchie, avec son Agents Très Spéciaux : Code U.N.C.L.E qui a su le mieux tirer son épingle du jeu. S’épanchant sur l’adaptation de Man from UNCLE, une obscure série télévisée des années 60 jouant avec humour du dégel des relations Est/Ouest, le réalisateur britannique avait su imposer un style coloré, enjoué et terriblement rythmé pour filmer les pérégrinations délirantes de deux espions ennemis, contraint de collaborer pour mettre hors d’état de nuire un groupe d’ex-nazis revanchards. Si le film sentait peut être un peu trop la cote postale par endroits, force est d’admettre qu’il rendait compte de la maitrise de Ritchie pour combiner sens de l’espionnage, page graphique assumée et humour. En bref, tout le crédo du James Bond post Skyfall. Ne resterait plus qu’a voir Jason Statham débouler en grand méchant et on pourrait être sur qu’à défaut de pouvoir compter sur le meilleur James Bond, on aurait certainement le plus drôle.
Matthew Vaughn
Certains se diront qu’il a déjà sa petite franchise d’espionnage à lui avec Kingsman premier du nom et sa suite, The Golden Circle qu’il tourne actuellement. Mais au fond, ne serait-ce pas le moyen qu’a trouvé Vaughn pour rendre compte de ses compétences à être l’homme de la situation pour Sony ? On le pense fortement en tout cas. Pétri de tous les poncifs propres à la saga, entre gadgets à gogo, raffinement, plans machiavélique et humour pince sans-rire, son Kingsman avait démontré ses capacités à pouvoir mener une grosse production à bien, tout en sachant lancer une franchise et dealer avec l’ego de gros artistes de la trempe de Samuel L Jackson. Nul doute que si Daniel Craig remise définitivement le smoking, le passif de Vaughn dans le démarrage de franchise (il a aussi « lancé » les sagas X-Men, Kick-Ass et Kingsman) pourra être une qualité redoutable à sa nomination. Reste toutefois que son style, parfois balourd et somme toute hardcore peut heurter la sensibilité de certains spectateurs. En atteste ainsi certaines scènes comme celle de l’église dans Kingsman, qui ne saurait pouvoir se voir introduite dans la franchise Bond, tant cette dernière, a au fil des années atteint une altitude de croisière stylistique, empêchant ainsi clairement toutes digressions arty.
Edgar Wright
Pour tout vous dire, on y croit pas vraiment au cas Edgar Wright. Il n’empêche que le trublion du rire britannique a presque réussi à s’acoquiner avec l’une des plus grosses firmes de divertissement au monde : Marvel. Candidat malchanceux au projet Ant-Man, qu’il aura couvé de longues années avant de se voir débarqué à l’amiable pour différends créatifs, le cinéaste britannique aura au moins pu côtoyer de près une grosse industrie du film et connaitre ainsi les rouages que cela occasionne. De là dire qu’il est de taille à s’engager dans la plus illustre saga au monde, il n’y a qu’un pas. Un pas que l’on aimerait voir franchi, puisque si la franchise a su jusque ici se régénérer, rien ne dit que la « recette » ne doit pas subir quelques ajustements, et ce notamment pour placer la franchise davantage dans l’air du temps. Néanmoins, pas sur que cela soit suffisant pour le voir s’imposer comme l’homme providentiel, puisque l’on ignore encore l’identité du détenteur du smoking. Nul doute que si la bouille de Craig revient pour un 5ème round, la dynamique mortuaire, sombre et humaniste déployé jusque alors pourra difficilement se concilier avec l’atmosphère très second degré, voire décontracté du british.
Shane Black
Légende d’Hollywood dans les années 80, ou il officiait en tant que scénariste (L’Arme Fatale, Le Dernier Samaritain c’est lui), Shane Black a depuis fait fructifier son talent à la réalisation avec déjà 3 longs-métrages dont l’anecdotique Iron Man 3 et son tordant Kiss Kiss Bang Bang. Mais celui qui s’attèlera en Octobre prochain à la réalisation d’un énième opus de la franchise Predator pourrait bel et bien jouer la surprise en se glissant derrière la caméra. Un rapide coup d’oeil à son CV pourrait de fait bien convaincre Sony et la MGM de miser sur l’américain pour le 25ème épisode de la saga. Jugez donc : un sens inné de la répartie, une capacité à introduire kyrielle d’hommages et une sobriété dans sa mise en scène ; bref autant d’éléments qui pourraient coller avec l’esthétique très verbeuse introduite jusque alors sous l’ère Craig. Et puis à force de voir le personnage de Bond incarner un solitaire endurci, on se dit que ça serait cool de voir enfin un réalisateur assumer une dynamique de tandem entre Bond et sa James Bond Girl.
Nicolas Winding Refn
Déjà dans la short-list des réalisateurs pressentis pour prendre la relève de Sam Mendes à l’époque de Spectre, le sulfureux réalisateur danois pourrait bien être reconsidéré à l’aune de la préparation de ce 25ème volet. Alors que ce dernier a récemment fait les gros titres en divisant une fois n’est pas coutume la Croisette avec The Neon Demon, son pamphlet véhément contre la mode, NWR pourrait avoir envie de s’essayer à un nouveau registre, lui qui n’a cessé d’explorer à travers sa filmographie la figure de la virilité. Explosive et taiseuse dans Drive, impuissante dans Only God Forgives, la figure du mâle dominant a toujours primé dans ses films, à tel point qu’on fantasme secrètement sur ce que pourrait être un Bond réalisé par ses soins. De plus, ça ferait sens et suite à la dynamique instaurée par Skyfall, qui veut qu’avant d’être de simple volets de la saga, les films James Bond demeurent avant tout des films. Avec tout ce que cela implique : mise en scène, soin apportés à l’image, à la musique, bref de véritables œuvres d’art. Et honnêtement, qui mieux que l’esthète danois, connu pour ses délires fantasmagoriques, pourrait continuer d’insuffler sur la saga, ce vent créatif et auteurisant ardemment voulue par la production ?
Ang Lee
Approché par la production à l’époque de Spectre, le réalisateur taïwanais avait décliné l’offre au profit d’un autre projet qui lui tenait à cœur : Billy Lynn’s Long Halftime Walk, ou l’histoire d’un ex-Marine basé en Afghanistan qui revient au pays hanté par le stress post-traumatique des conflits. En théorie, les deux projets n’ont rien à voir, mais vu le passif que se trimballe 007, faits de tourments, d’échecs amoureux et d’incompatibilité d’éprouver une vie normale, on se dit que l’expérience de Lee dans le domaine pourrait donner un certain cachet au film. De plus, sa carrière parle pour lui : artificier d’un des tous premiers Marvel (Hulk) tout en étant doublement lauréat du Lion d’Or, sa constance et sa sobriété pourraient, sans surprises, être des arguments de taille pour le voir décrocher le précieux sésame.
David Fincher
En parfaite adéquation avec les canons dessinés par la franchise, qui se plait à errer depuis quelques films dans la psyché sombre et meurtrie de l’espion, le style de David Fincher ne serait en aucune façon déplacé. Mieux encore, il pourrait être l’écrin dont a désespérément besoin la saga pour se hisser au sommets des productions d’espionnages actuelles. Et puis, vu le travail d’orfèvre du monsieur, rompu aux productions éreintantes et coûteuses, on se dit que la saga gagnerait à épouser une dynamique austère, sombre et cruelle, car on se doute bien que le quotidien d’un agent de terrain ne consiste pas qu’en un incessant va et vient de caviar, smoking et culbutage des plus jolies filles de la planète.
Steven Spielberg
Assurément plus vieux prétendant au poste, Steven Spielberg pourrait, passé ses nombreux projets en cours (Ready Player One, Indiana Jones 5) se proposer pour dégainer le célèbre Walter PPK. En tout cas, l’on sait que le cinéaste en rêve depuis plus de 30 ans, et plus précisément 1980, année ou le papa d’E.T avait essuyé un cinglant refus, suivi de 2 autres, de la part de la MGM (qui détenait les droits de la franchise), le jugeant trop jeune et inexpérimenté. A ce sujet, le vaillant Steven nous aura ainsi régalé de quelques anecdotes sur ce rendez-vous manqué qu’on aurait beaucoup aimé voir : “La première fois que j’ai rencontré Broccoli, c’était avant Les Dents de la mer. Je voulais absolument réaliser un épisode de la série. Mais Cubby m’a dit d’entrée : “tu n’as pas encore assez d’expérience”. Après le succès des Dents de la mer, je l’ai appelé pour lui dire que cette fois j’étais prêt. Sa réponse fut instantanée : “non, toujours pas”. Et puis juste après la sortie de Rencontres du Troisième type, c’est lui qui m’appelle au téléphone. Pour me dire : “j’aimerais avoir le droit d’utiliser les 5 notes du thème de Rencontre pour Moonraker…”” Je lui ai immédiatement donné ma permission. Je lui ai alors demandé s’il avait changé d’avis et me laisserait réaliser un Bond un jour. Il m’a répondu: « Je vais y réfléchir », et je n’ai plus entendu parler de lui ». L’Histoire retiendra que Spielberg, sans doute bien échaudé par ces refus, a décidé conjointement avec son ami George Lucas, de créer un héros directement inspiré des années 1940, maniant le fouet comme personne : Indiana Jones.
Kathryn Bigelow
Une femme ! Eh bien oui, un peu de douceur dans ce monde de brutes voyons, et place au changement. Si Skyfall et Spectre ont su profiter de l’expérience d’un metteur en scène de théâtre, en l’occurrence Sam Mendes ; qui a dit que l’espion ne pouvait disposer d’un regard porté par une femme ? C’est en tout cas l’une des idées récurrentes suggérées à la firme. Et à ce petit jeu là, du fait du manque criant de réalisatrices taillées pour ce genre de films, peu de noms se profilent à l’horizon. On retiendra toutefois la vétéran Kathryn Bigelow, réalisatrice la plus masculine de la profession (oui oui c’est possible) qui a déjà pu se frotter par deux fois à la représentation de la figure féminine dans l’armée : inexistante dans Démineurs (2009) tout en étant forte et indépendante dans Zero Dark Thirty (2013). Fort d’un style documentaire bien senti, prompt à rappeler la méticulosité de l’espionnage, et d’une approche brut de décoffrage, nul doute que l’ex-femme de James Cameron pourrait s’imposer comme la première réalisatrice d’un Bond. En tout cas on lui souhaite. Maintenant, rien ne dit si oui ou non ils ont considéré la question, mais reste que la vision d’une réalisatrice serait à même de faire évoluer le profil psychologique de l’espion, réduit depuis 50 ans et 24 film à un modèle old-school de macho doublé d’un profond alcoolique n’ayant que mépris ou désir pour ses partenaires féminines. Certains diront que ça fait partie de l’ADN du personnage, mais d’autres soucieux de le voir s’insérer dans notre époque, voudraient voir l’espion changer un peu de ton, et qui sait respecter davantage la condition féminine.