Films coréens : La Trilogie Vengeance de Park Chan Wook

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Just Focus vous propose de découvrir des analyses cinématographiques avec notre partenaire « Arrête ton cinéma ». Ce mois-ci, le cinéma coréen est à l’honneur et plus particulièrement le réalisateur Park Chan Wook. Si le sentiment de vengeance n’est pas très vertueux, lui, en a fait son sujet d’étude préféré. Violence, injustice et esthétisme au service de la trilogie vengeance de Park Chan Wook.

 

 

Mutations du cinéma coréen

Pour expliquer les réalisations actuelles, il n’est pas indispensable d’examiner la production cinématographique coréenne depuis ses débuts. Le faire apporterait sûrement beaucoup d’éclaircissements, mais c’est un travail trop fastidieux. D’autant plus que la totalité des œuvres de cette période a disparu pendant la guerre de Corée. Nous laissons de côté la Corée du Nord dans la mesure où son régime politique ne permet aucune diffusion à l’extérieur des frontières. Plusieurs cinéastes de Corée du Sud seront enlevés par les autorités du Nord afin d’atteindre les ambitions du régime communiste : améliorer la qualité et l’impact propagandiste du cinéma nord-coréen.

C’est en effet à la fin des années 80′, date de la fin de l’époque dictatoriale, que la plupart des cinéastes sud coréens vont être confrontés à la réticence du public envers les films à caractère sociaux. De ce fait, de plus en plus de jeunes réalisateurs vont passer par les films de genre afin de se libérer des démons dus aux années d’après-guerre sud-coréen. Si la quasi totalité des productions cinématographiques du pays se destine à un public surtout adolescent, il en ressort pourtant chaque année un bon nombre d’excellentes surprises. De ce mouvement vont apparaître des réalisateurs comme Bong Joon-ho (The host, Memories), Kim Jee-woon, Na Hong-jin (The Chaser), Kim ki-duk, Lee Jeon-Beom (The man from nowhere) mais surtout Park Chan-wook, qui est aujourd’hui considéré comme une vraie star dans son pays.

Ces réalisateurs vont révolutionner le paysage cinématographique grâce à des œuvres repensant le film de genre souvent gore et malsain. C’est alors que la poésie et l’esthétique trouvent leur pleine mesure, tout en critiquant une société en pleine transition. Ils vont très vite être considéré comme la nouvelle vague du cinéma sud coréen. On comprend donc pourquoi certains films sud-coréens commencent à se faire une place importante dans certains festivals internationaux. Ce cinéma va être très dynamique et être un des rares cinémas à concurrencer sur son propre sol le cinéma américain.

Cette vision du 7ème art va rapidement trouver des amateurs. Cependant, de par sa violence et la façon parfois une peu fantasque de traiter certains sujets, l’opinion générale va toujours rester divisée.

Les films de vengeance ont toujours fait partie du paysage cinématographique. C’est clairement une des thématiques préférées du coréen Park Chan-Wook. Dans ses réalisations, il est pratiquement toujours question d’une personne, qui pense pouvoir trouver la paix dans l’accomplissement de sa revanche, mais qui finira par se perdre, et semer le chaos autour de lui.

Se faire justice soi-même permet-il le salut ?

 

Revue du film Sympathy for Mr Vengeance

Date de sortie : 3 septembre 2003 (France)

sympathy for Mr vendeanceRyu est un employé d’usine sourd et muet. Sa sœur gravement malade attend une opération. Dongjin, son patron, divorcé, est le père d’une petite fille. Malheureusement, Ryu perd son emploi. Il se fait voler un rein et comme si cela ne suffisait pas, il se fait aussi voler l’argent réservé pour l’intervention de sa sœur. Complètement dépassé par les événements, il décide d’organiser le kidnapping de la petite fille de Dongjin.  La rançon obtenue permettrait de payer l’intervention de sa sœur et donc, de lui sauver la vie. Il peut compter sur l’aide de sa petite amie, Young-Mi, activiste d’extrême-gauche.

Malheureusement, rien ne se passera comme prévu… le cauchemar continuera pour nos protagonistes. C’est à ce moment là qu’interviendra le personnage du patron, merveilleusement interprété par Song Kang-Ho. La vengeance personnelle deviendra son unique but. L’homme va tout lâcher pour se faire justice. Ainsi, Ryu et son amie vont devenir petit à petit, des animaux uniquement guidé par leurs instincts.

 

Psychologie de Sympathy for Mr Vengeance

Les intentions de Chan-Wook touchent très clairement à la compassion et à la générosité d’autrui. Il veut nous toucher en plein cœur. Le réalisateur s’inspire du processus de vengeance, souvent traité au cinéma, mais d’une façon plus nuancée qu’un simple « justicier dans la ville », se basant sur les codes de la tragédie. 

On s’attache très vite aux personnages. La première partie du film se concentre sur le couple. Leurs idéaux sont justes et on les comprend. On serait amené à faire de même si on était dans la même situation… 

La seconde partie est nettement plus sauvage et primaire. Non pas au sens péjoratif du terme bien sûr. La réputation de film choc n’est pas fausse. Le style visuel du film est réaliste. La violence est bien présente et va crescendo. Il y a aussi assez peu de dialogues du fait que le personnage de Ryu soit sourd. Cela donne d’ailleurs parfois des scènes mélangeant tragique et burlesque, le tout, dans des effets gores assez féroces.

Il est clair qu’après visionnage du film, vous ressentirez une bonne grosse gêne. Ce qui nous met le plus mal à l’aise, en dehors des scènes choques, c’est qu’on ne sait justement pas pour qui prendre parti. Chaque personnage possède des motivations aussi fortes et légitimes les unes que les autres. On les accepte mais en même temps, on les subit. 

Le film se veut clairement comme un témoignage des plus sincères aux résultats des intentions des deux parties. Les personnages et leurs proches côtoient la mort à la suite de leur choix de poursuivre le chemin de la vengeance…

 

Sympathy for Mr Vengeance : Conclusion

Vous l’aurez certainement compris, Sympathy for mr. Vengeance se veut comme une oeuvre grinçante, poétique et sociale, qui nous offre d’excellentes idées surfant sur le ton du burlesque et du tragique. Un chef d’œuvre brillamment réalisé, par sa photographie proche de la peinture et à la poésie de ses plans, intelligents dans la façon de s’attarder sur les détails. Il constitue très certainement mon épisode préféré.

 

 

Revue du film Old Boy

Date de sortie : 29 septembre 2004 (France)

film old boyAprès nous avoir ébahi avec Sympathy for Mr Vengeance, le film Old Boy était donc très attendu. Un schéma identique à celui de son prédécesseur avec cette vengeance comme ligne directrice, mais davantage exploité par le réalisateur.

Oh Dae Su, interprété par le génial Choi Min-sik, est un fonctionnaire, alcoolique et père de famille lambda. Un jour, il est enlevé et séquestré dans un minuscule appartement, sans savoir pourquoi ni combien de temps, avec comme seul compagnie, une télévision, allumée en permanence. Les chaines d’infos annoncent le meurtre de sa femme dont il est accusé. 

Quinze ans plus tard, il est libéré. Désormais, sans repères sociaux et sans attaches affectives, Oh Daesu ne va se battre que pour deux choses : comprendre et se venger.

 

Psychologie de Old Boy

Un deuxième film encore une fois magistral, où la cruauté et la poésie atteignent leur paroxysme. Old Boy ne nous ménage pas et va titiller nos tripes comme rarement un autre avant lui. Démesuré mais toujours sincère, d’une violence inouïe mais constamment dans une volonté avant tout, de nous raconter l’histoire horrible, de personnages torturés, fragiles et touchants. Il n’hésite pas non plus à aller toquer à la porte de quelques thèmes inattendus comme par exemple l’importance de la parole, de même que pour la complexité et l’ironie du bien et du mal.

Park Chan Wook signe ici une œuvre cinématographique mélangeant habilement les genres avec une aisance déconcertante. Il utilise avec brio les ruptures de ton, nous faisant passer en une fraction de seconde du rire aux larmes, du malaise à l’exultation, du choc à de la poésie lyrique. Le tout, sans fausses notes.

Des qualités que l’on trouvent aussi dans tous les domaines de la mise en scène. En effet, le cinéma coréen possède cette réputation d’être perfectionniste. C’est clairement le cas dans Old Boy. Le film est un condensé d’images, de musiques, et de scènes cultes, avec une trame scénaristique diabolique, interprétée par des acteurs géniaux. Tout tend vers LA perfection.
Malgré tout, le film n’est pas aussi génial que son prédécesseur. Il possède quelques longueurs dispensables et son final, bien que très réussi, en fait peut être un petit peu trop.

Cependant, le réalisateur nous montre à travers la vanité et l’autodérision, la futilité de la vengeance. Les deux hommes ne sont plus en mesure de satisfaire aucune autre émotion qui compose pourtant l’humain. 

 

Old Boy : Conclusion

En 2004, Park-Chan Wook remporte le Grand prix du festival de Cannes sous le présidence de Quentin Tarantino avec le génial Old Boy.
Grâce (ou à cause) de ce succès, le genre devient dès lors, très populaire. Une vague de polars coréens ultra-violents et ultra-maniéristes mêlant sadisme et poésie, gores et poésie, commence à sortir un peu tous les mois, pour le meilleur et pour le pire.

 

 

Revue du film Lady Vengeance

Date de sortie : 16 novembre 2005 (France)

film lady vengeanceVoici donc le dernier volet de la fameuse trilogie vengeance. Lady Vengeance a beaucoup déçu les fans des deux précédentes œuvre car ici, nous avons le droit à un film nettement plus mesuré.

L’histoire de Lady Vengeance ou Sympathy for Lady Vengeance, nous présente Geum-ja, une jeune femme lambda. Sans que l’on sache pourquoi, elle est injustement accusée du kidnapping et de l’assassinat d’un jeune garçon. Geum-ja est condamnée à une longue peine de 13 années de prison durant lesquelles elle va méticuleusement préparer sa vengeance…

 

Psychologie de Lady Vengeance

Le récit de ce dernier chapitre possède également toute l’ambiguïté et l’amoralité qui fait le succès de ces trois films. Nettement moins violent que ces prédécesseur, le réalisateur laisse place ici à une une agressivité un peu plus douce. Peut-être pour se réconcilier avec un plus large public, celui qui le décriait justement dans ses excès.

Encore davantage que dans OldBoy, Lady Vengeance offre des idées de mises en scènes toute les minutes. Un soin de l’image toujours aussi minutieux jusqu’à la scène finale sous la neige.

Certes, Park Chan-Wook signe ici son film le plus esthétisé. Il compose son film d’une surenchère d’effets, un peu en mode « Regardez ce que je sais faire ! ». Mais il faut être de bien mauvaise fois pour ne pas reconnaître son style aussi radical qu’inventif et toujours aussi sincère.

Ce dernier film se veut pour beaucoup comme une déception. Pourtant, le cinéaste affiche autant d’imagination, de flair et de pure cinéma avec une grande habilité. Mais la narration n’est pas à la hauteur des précédents volets. En effet, le montage tout d’abord, se montre assez brouillon (au début du film) et peut parfois perdre le spectateur avec des flash-back pas utilisés de la meilleure des manières.

Quand bien même, Park Chan Wook signe une fable baroque où pour la première fois, le final cherche à prendre une certaine distance sur la vengeance, tout en acceptant le fait que grâce à elle, elle nous a rapproché du but. Un besoin calculé mais pas une fin recherchée en soi.

 

Trilogie vengeance : Conclusion

Cette trilogie offre de vrais moments de grâce, notamment par la qualité de sa mise en scène et du jeu avec les couleurs. Cette touche d’élégance se ressent dans tous ses films. La violence souvent décriée, ne se veut jamais gratuite mais se présente comme un allié à une mise en scène sauvage certes, mais toujours dans un esprit de beauté et de poésie.

Je pense que Mr Park Chan Wook est tout simplement coupable de son propre succès. Victime de l’impact qu’ont eu ses deux premiers films, en particulier Old Boy. Il a tout simplement enfiler une paire de chaussure trop grande pour lui. Pour rechercher ce que le réalisateur a voulu accomplir, je conseillerais de regarder Lady Vengeance en premier puis Mr Vengeance et de terminer par Old Boy.