Animals, quatrième long-métrage du réalisateur Greg Zglinski, est un thriller pour le moins insolite. Anna, auteure de livre pour enfant, et Nick, chef cuisinier, se retirent dans un chalet suisse pour se dédier à leurs arts respectifs, et surtout sauver leur mariage. Ils louent leur appartement viennois à Mischa qui se trouve être le sosie de la maîtresse de Nick, voisine du couple. La retraite alpine dégénère alors qu’Anna, accidentée, n’arrive plus à départager le rêve de la réalité.
Des procédés cinématographiques qui se jouent du spectateur
Le film prend un malin plaisir à jouer avec le spectateur et l’emmène systématiquement sur des chemins inattendus. Pour arriver à ce résultat, Animals emploie tous les procédés possibles que le cinéma met à disposition. Lors d’une scène de dialogue, le champ contre champ se vide soudainement d’un des personnages, faisant ainsi surgir la folie au détour d’une réplique. Au cours du séjour, Anna, qui est autrichienne, n’est nullement étonnée qu’un chat noir lui parle en français et matérialise ses propres pensées et ses réflexions. Dans un moment de confusion extrême, Nick essaie de prouver à Anna qu’il fait grand jour et qu’ils ne sont pas, comme elle le prétend, au milieu de la nuit. Qui le spectateur doit-il croire quand le petit village suit le cours normal de ses activités sur la place du marché, mais que le réalisateur opte volontairement pour une scène de nuit? Enfin, sans réellement briser le 4ème mur, Mischa évoque l’écriture même du scénario. Lorsqu’on lui demande : « Qu’est ce qu’il y a derrière cette porte? », elle répond: « Je ne sais pas, à chaque fois que je veux l’ouvrir quelqu’un sonne à la porte ». Ces astuces de mise en scène embarquent de manière brillante le spectateur dans la folie des personnages.
Une mise en scène angoissante des problèmes de couple
Animals fait preuve d’une grande ingéniosité en reprenant les codes du film d’horreur classique pour les détourner et les amener vers un discours à la portée universelle: celui des problèmes de couple. Ainsi, la véritable angoisse ne provient pas des portes qui restent mystérieusement closes, ou bien du comportement étrange de certains animaux, mais bien de l’impossible communication au sein d’un couple. L’échec de communication atteint son paroxysme lorsqu’Anna émet le souhait de quitter Nick, mais que la rupture est impossible car chacun des personnages évolue dans son propre univers régi par des règles différentes. C’est cette situation impossible à résoudre au sein d’un environnement incompréhensible qui est source de tension et de malaise pour le spectateur. Animals aborde également la détresse artistique avec le syndrome de la page blanche. En effet, Anna reste inexorablement bloquée devant la feuille du premier chapitre du livre qu’elle doit écrire. Le film traite donc d’angoisses communes mais de manière fantastique.
Un film à la frontière de l’absurde
Avec Animals, il faut accepter de se laisser porter, de ne pas tout comprendre, car le film se situe à la frontière de l’absurde. Certaines scènes sont dignes de Réalité, dernier film de l’actuel maître dans le genre, Quentin Dupieux. C’est parce qu’Animals flirte avec l’absurde qu’il dégage un humour fondamentalement délicieux. Les différents univers des personnages se percutent, créant de ce fait des situations décalées et cocasses. Le comique de répétition est également largement employé tout au long du film. Animals est la preuve que l’incompréhension et la peur peuvent susciter le rire.
Animals est un film qui navigue sans encombre entre horreur et humour pour traiter de manière originale les problèmes de couple. Les scènes du film tournent fréquemment à l’absurde et la narration devient alors hermétique. Animals n’en reste pas moins une tranche de cinéma pure qui s’apprécie!